Finissons-en avec les émojis inutiles

Cet article a été initialement publié sur VICE US.

Apple vient d’annoncer sa collection automne-hiver de nouveaux émojis. iOS12 verra donc l’arrivée, entre autres, de super-héros, de cupcakes aux mille saveurs, de couleurs de cheveux inédites - et même un kangourou. Par souci d’inclusion, Unicode Consortium met un point d’honneur à examiner toutes les suggestions de nouveaux émojis. Un tri drastique permet ensuite la sélection de maximum 100 symboles chaque année.

100 + 100 + 100 puissance dix ans, ça finit par faire beaucoup. Et 2 500, c’est trop.

On a donc décidé d’aider Unicode Consortium à se débarrasser de quelques brebis galeuses. À bon(s) entendeur(s)…

Les smartphones, le streaming, la VR, tout le monde s’accorde à cracher dessus. Mais gardons un peu de salive pour nos bonnes vieilles horloges : le mal incarné, c’est elles. Pour citer Faulkner dans Le Bruit et la Fureur, « Les horloges tuent le temps. Le temps est mort tant qu'il est mû par de petits rouages. Quand l'horloge s'arrête, alors seulement le temps revient à la vie. »

Qui dit émoji horloge dit deadlines, retard, culpabilisation, en un mot, s t r e s s. Encore, s’il n’y en avait qu’un… Mais entre les 12 chiffres du cadran, les demi-heures (!), le réveil, la montre de poignet ET la montre gousset -et même le sablier, il y a de quoi développer une vraie phobie des aiguilles.

Le but du smartphone n'est-il pas de ne plus avoir besoin de ce truc ?

Tous les spectateurs du Mondial en quête d’un drapeau croate connaissent cet onglet maudit. Pile entre les objets du quotidien et les drapeaux du monde entier, on trouve des formes abstraites à perte de vue : le symbole de conversion yen-dollar. Un carré noir sur fond gris. Un carré gris sur fond noir. Un fond carré sur gris noir. Un carré fond gris sur le noir. Et même deux losanges oranges - oui, deux.

De quoi devenir fou. Pour se consoler, il suffit d’imaginer la conception de cette section absurde.

« Eh les gars, si on créait un carré gris un peu plus gros ? Heu non, pas gros comme ça, plutôt gros comme ça.

Et cet émoji diamant, il avance ?

En fait on va plutôt faire quatre losanges différents, c’est plus impressionniste.

La monnaie du Japon, c’est le yen ou le rouble ?

Qui veut un Granola ? »

Un peu de compassion pour les âmes damnées de Unicode Consortium.

D’accord, c’est le berceau des émojis, mais ce n’est pas une raison pour un tel traitement de faveur.

La règle est pourtant claire : les émojis ronds pour les émotions complexes, les silhouettes pour le langage corporel. Entre les deux rien, et surtout pas ces horreurs pseudo-subtiles qui laissent le choix entre « pas très content » et « très pas content ».

Avis à UniCon : tout le monde se fout du cycle lunaire. Les fanatiques d’astrologie reçoivent chaque jour notre horoscope sur Snapchat, et ça leur suffit. Gardons la pleine Lune et le croissant, laissons une chance aux astres à visage humain, mais c’est tout.

Attention, on n’a rien contre les relations épistolaires ! Mais l’intérêt d’une lettre manuscrite ne réside-t-il pas justement dans l’effet de surprise ? Cinq émojis différents pour rappeler à nos amis l’existence de la poste, c’est excessif.

L’inclusion est une intention louable, mais encore eût-il fallu penser aux familles à plus de deux enfants, ou sans parents, ou même à un demi-enfant. Cet onglet n’a aucun sens.

Que quelqu’un explique aux puceaux d’Unicode Consortium comment les vrais gens s’embrassent, par pitié.

Nicole Clark est sur Twitter.