Société

La vulnérabilité des personnes « sans papiers », à travers le récit de Gina

De nombreuses personnes « sans papiers » sont sans abri. Parmi elles, certaines, très fragiles, sont en danger.
Sans papiers, sans droits, sans abri femme qui a

Pour accompagner le lancement de la campagne « Sans papiers, sans droits, sans abri », à l’initiative du Samusocial, en partenariat avec le Ciré, Médecins du monde, l’Îlot et Brussels Platform Armoede, on relaye l’histoire de Gina, 32 ans, originaire de Kinshasa.

Gina est l’un des quatre visages de la campagne d’affichage lancée à Bruxelles pour alerter les autorités et les citoyen·nes sur l'absence de solutions ou de procédures simplifiées pour les personnes « sans papiers » – ce qui les maintient dans le sans-abrisme et dans des dispositifs d'urgence, inadaptés à leur situation et coûteux pour l’État.

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Alors qu’on a pu entendre dans l’actualité des amalgames entre la question des personnes « sans-papiers », l’insécurité et le terrorisme, les associations appellent à la nuance et à la responsabilité.

Dans leur communiqué, ces associations disent leur responsabilité de témoigner des situations parfois insoutenables observées par leurs équipes de terrain, mais proposent également les solutions, des recommandations pragmatiques accessibles via leur site sanspapiers2023.be, et qui ont été dégagées avec le concours d’une vingtaine d’associations des secteurs social, juridique et sanitaire, pour protéger les personnes « sans papiers » les plus vulnérables.


Notre situation à Kinshasa était très difficile. J’ai réfléchi longtemps et puis j’ai décidé de partir. Je suis passée par la Turquie, où je suis restée un an, puis par la Grèce, au camp de réfugié·es de Moria où, sur les 70 euros qu’on recevait par mois, j’ai économisé pour payer le billet pour Bruxelles.

Je suis arrivée à Charleroi avec deux euros. Un employé de l’aéroport qui parlait lingala m’a demandé si j’avais de la famille ici. J’ai dit que non, alors il m’a conduite à la gare du Midi. J’ai dormi dans la gare pendant quatre jours, puis j’ai vu des gens qui parlaient lingala dans un resto, et là un monsieur m’a dit : « Viens avec moi ». Je suis partie chez lui à Molenbeek. Je lui ai raconté mon histoire et il m’a gardée chez lui. Il habite seul mais il a des enfants et sa femme venait en visite. Il m’a emmenée au CPAS, où j’ai présenté mes documents et où on m’a dit qu’on m’appellerait. Je n’avais pas d’argent, rien pour vivre, je mangeais chez ce monsieur-là. Après trois mois, le CPAS m’a refusée. Alors ce monsieur a donné son adresse, où je pouvais rester. Il était tombé amoureux de moi. Après, sa fille et sa femme ne voulaient pas que je reste. J’ai dû partir.

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Je ne savais pas que j’étais enceinte.

Quand j’ai fait les examens à Saint-Pierre, le monsieur m’a dit qu’il allait reconnaître l’enfant mais qu’il ne voulait plus de relation avec moi. L’assistante sociale de l’hôpital a trouvé une place pour moi au Samusocial. Je n’avais pas d’argent mais l’essentiel était que j’avais une place pour dormir et manger. Je suis restée là pendant cinq mois. Le jour de l’accouchement, le monsieur n’a pas voulu venir mais il a accepté de reconnaître l’enfant pour que je ne perde pas mes droits. Il a été à la commune et j’ai eu l’attestation de naissance, la mutuelle et tout. On a déposé les documents au CPAS et maintenant on attend la reconnaissance de ma fille Diana, mais on ne m’a pas encore appelée pour ça.

Pour le moment je suis dans l’hôtel de la Croix-Rouge et je suis bloquée pour le CPAS parce que je n’ai pas d’adresse. Il faut que je cherche un logement pour Diana et moi. Et pour ça, il faut de l’argent. C’est 500 euros pour une chambre, plus deux mois de loyer à l’avance, alors ça fait 1 500. On a continué les recours mais on n’a pas encore de réponse. Si le CPAS refuse, ce sera très difficile pour moi. Mais je garde courage parce que c’est la vie.

La vie je l’ai affrontée depuis chez nous, en Afrique. Quand tu as quitté le pays, il ne faut pas y retourner.

Ici en Belgique je veux tout affronter. Je veux faire une formation et travailler. À Kinshasa j’ai travaillé, j’ai fait des ménages. En Turquie j’ai travaillé dans une fabrique de vêtements.

Le moment le plus dur c’était la grossesse. Je ne savais pas si le papa allait reconnaître l’enfant. Même la traversée de la mer, ce n’était pas difficile : je voulais chercher un avenir. Mais la grossesse, c’était un imprévu et je suis toute seule.

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