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LE NUMÉRO SYRIE

J'ai quitté ma famille pour rejoindre l'Armée syrienne libre

Au début de la révolte, j’étais contre la révolution armée. Mais la cruauté de l’Armée syrienne m’a poussée à reconsidérer ma position sur la possibilité d’une résistance pacifique.

Illustration de Daniel David Freeman

Loubna Mrie a grandi dans une famille alaouite favorisée, mais au contraire de la plupart des adeptes de cette doctrine, Loubna ne se range pas du côté du gouvernement. Quand, en mars 2011, la guerre civile a éclaté et que les soldats d’Assad ont tiré sur des civils qui manifestaient, des amis l’ont convaincue de soutenir les rebelles de l’Armée syrienne libre naissante à Damas. Pendant six mois, depuis février dernier, elle a fait passer en contrebande des armes et du matériel militaire.

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Au début de la révolte, j’étais contre la révolution armée. Mais la cruauté de l’Armée syrienne m’a poussée à reconsidérer ma position sur la possibilité d’une résistance pacifique.

Il faut savoir que l’ASL n’est pas une armée étrangère venue en Syrie. Ce sont des amis, avec qui on travaillait et manifestait avant que la rébellion ne se matérialise. Je savais qu’ils avaient besoin d’aide, donc j’ai demandé ce que je pouvais faire pour eux. L’un d’eux avait besoin de munitions, donc j’ai appelé un ami pour qu’il m’emmène là où je pouvais en acheter (ce serait irresponsable de dire où), puis j’ai réussi à les faire passer dans la bonne zone. Ce n’est pas très compliqué mais c’est dangereux.

Aux checkpoints, ils ne contrôlent pas les alaouites, les chrétiens et les druzes – le gouvernement et les shabiha (des hommes armés en civil qui soutiennent le régime) croient que tous les activistes sont sunnites. Ils ne font pas de fouilles poussées sur les autres croyants, ça facilite la contrebande.

Un jour, on rapatriait des munitions avec un ami, quand la police nous a demandé de nous garer pour vérifier nos papiers. Ceux-ci étaient coincés sous la caisse de balles, entre les deux sièges. Mon ami a extrait les papiers délicatement ; si on avait fait bouger la caisse, ça aurait fait un bruit étrange. Comme ils ne s’attendent pas à ce que des gens trans- portent des trucs aussi dangereux près d’eux, ils nous ont laissés repartir sans plus de vérifications.

Quand j’étais à Salma, dans la province de Lattaquié, une des zones les plus dangereuses, un type de l’ASL a fait une interview filmée de moi. J’avais couvert mon visage, mais on m’a reconnue quand la vidéo a été postée sur YouTube. J’ai reçu plein de messages Facebook du genre « honte à toi, tu nous trahis et tu collabores avec les terroristes ». Des gens de ma ville d’origine, de la famille de mon père, nous envoient des messages menaçants, ils disent qu’ils me tueront s’ils me croisent.

Je projetais déjà de quitter Damas avant la diffusion de la vidéo. J’ai peur de ne plus pouvoir y retourner. La plupart de mes amis se sont fait arrêter, beaucoup sont morts, et les soldats d’Assad connaissent mon identité. Suite à cette vidéo YouTube, ma mère a été kidnappée. Je n’ai plus de ses nouvelles depuis août, j’ignore si elle est encore en vie.

Je savais que je ne pourrais jamais franchir un poste de contrôle frontalier, donc j’ai été exfiltrée en Turquie en août par l’ASL. On est passés par les montagnes, on a marché trois heures pour arriver à Istanbul. Mais j’ai bon espoir pour le futur de la Syrie.