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Santé

Comment rencontrer quelqu'un quand on souffre d'un trouble de la personnalité borderline

Pour ceux qui pensent pécho comme n'importe qui : pas de bol, ça aussi c'est 100 fois plus difficile.
Silver Linings Playbook, The Weinstein Company

Image extraite du film Happiness Therapy de David O. Russell

La plupart des gens sont confrontés pour la première fois au trouble de la personnalité borderline (TPB) via le cinéma ou la télévision – c'est par exemple ce dont souffrent le personnage de Glenn Close dans Liaison fatale et celui de Wynona Rider dans Une vie volée. C'est aussi probablement ce dont est atteint Jennifer Lawrence dans Happiness Therapy, bien que le nom du trouble mental dont souffre son personnage ne soit pas précisé. En partie à cause de certains portraits hollywoodiens, une image caricaturale et injuste a été associée au TPB – celle d'une femme maniaque, folle et incontrôlable.

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Pour en savoir plus sur ce trouble, j'ai discuté avec le docteur Barbara Greenberg qui traite le TPB, à Thomas*, 32 ans, qui sort avec quelqu'un atteinte d'un TPB, ainsi qu'à Karla*, 29 ans, qui a récemment été diagnostiquée borderline.

*Les noms ont été modifiés

VICE : Qu'est-ce que le TPB ?
Docteur Barbara Greenberg : C'est un trouble de la personnalité qui se traduit essentiellement par des émotions très intenses, un fort sentiment d'instabilité dans les relations et une vision du monde en noir et blanc – tout est 100 % bon ou 100 % mauvais. Ceux qui sont dotés d'une personnalité borderline se sentent vides, ils essaient toujours de lutter contre ce qu'ils perçoivent comme du rejet et de l'abandon et en voient là où il n'y en a pas forcément. Ils ont tellement peurs d'être seuls, abandonnés, mis de côté ou de subir une rupture qu'ils ressentent ces choses lorsqu'elles n'existent pas et ont besoin d'être réconfortés en permanence. Je crois que c'est l'un des troubles de la personnalité les plus douloureux qu'on puisse avoir. Aussi, s'il existe aussi bien sûr des hommes qui ont des personnalités borderlines, ce sont les femmes qui y sont le plus souvent associées. J'ai toujours eu un problème avec ça.

Est-ce que davantage de femmes l'ont ? Ou bien est-ce qu'il s'agit d'un stéréotype culturel qui conduit plus de femmes à être diagnostiquées, à cause de leur émotivité ?
Je crois qu'il s'agit des deux à la fois. Je pense que les femmes se font davantage diagnostiquer car, quand elles sont contrariées, elles deviennent tristes, déprimées et inquiètes. Quand les hommes sont confrontés à des sentiments intenses, ils agissent avec colère, en frappant un mur, en buvant ou en fumant. Les femmes sont d'incroyables bourreaux pour elles-mêmes.

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Comment cette peur de l'abandon affecte-t-elle les relations amoureuses des malades ?
Quand ils sont dans une relation, ils s'y investissent de manière très intense, trop vite. Les hommes et les femmes non-malades, quelque soit leur préférence sexuelle, apprécient généralement beaucoup dans un premier temps les personnes avec un TPB car elles sont très intenses, très passionnées. Tout ce qu'elles font est intense – qui ne serait pas attiré par ça ? Mais ce que cela implique ensuite, quelques semaines après, c'est : « Pourquoi tu ne m'as pas rappelé immédiatement ? » ; « Est-ce que tu étais avec quelqu'un d'autre ? » Ceux qui ont un TPB s'attachent très rapidement, se donnent tout entier, mais sont très vite déçus. Dans un premier temps, ils se disent : « J'aime cette personne, c'est la meilleure. » Mais si leur moitié fait la moindre chose qui les déçoit, ils sont profondément déroutés. Tout est fait avec passion, mais on passe facilement de très heureux à très déçu et enragé.

De quelle manière ce comportement affecte-t-il quelqu'un qui n'a pas de TPB ?
D'une manière terrible, car la plupart des gens ne sont pas formés pour gérer ça. Ils ne savent même pas que ça existe. Donc tôt où tard, les personnes avec un TPB sont rejetées par leur partenaire parce-qu'elles sont trop intenses. La relation exige tellement qu'il est très dur pour leur partenaire de se consacrer à quoi que ce soit d'autre dans leur vie.

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« Tout est fait avec passion, mais on passe facilement de très heureux à très déçu et enragé. » - Dr. Barbara Greenberg

Est-ce qu'un traitement est proposé pour le TPB ?
Tout à fait. Il y a un traitement et, généralement, les femmes en viennent à le prendre en raison des problèmes qu'elles rencontrent dans leurs relations, des problèmes qui les mènent à la dépression ou éventuellement à des comportements auto-destructeurs. La thérapie comportementale dialectique marche extrêmement bien pour les troubles de la personnalité borderline – cela leur donne tout un ensemble de compétences qui leur permettent de contrôler leurs émotions. On fait en quelque sorte comprendre à ceux qui ont un TPB que chaque sentiment doit aller de pair avec le comportement. Si ceux qui n'ont pas de TPB sont en colère, ils vont peut-être le garder pour eux-même. On fait avec. Mais les borderlines sont initialement incapables de mettre de côté la moindre émotion inconfortable. Il faut qu'ils en fassent quelque chose. C'est donc l'une des choses qu'ils apprennent à gérer. Ils apprennent de leur TPB – comment le maitriser, comment faire avec les émotions négatives. C'est un traitement qui se rapproche du bouddhisme zen. On leur apprend aussi à « prendre le chemin du milieu », c'est-à-dire à ne pas regarder une personne comme entièrement mauvaise ou entièrement bonne : une personne est composée de nuances de gris. Les mauvaises personnes ont des bons traits de caractère et les bonnes personnes en ont des mauvais.

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Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui sort avec une personne borderline et qui souhaite que ça marche ?
S'ils veulent que ça marche, il faut qu'ils soient prêts à rassurer l'autre et à lui dire : « Je ne vais pas te quitter, tu es en sécurité avec moi » ou à lui suggérer d'entreprendre une thérapie avant de se lancer dans une relation. Si c'est trop pour eux, il doivent sortir de là le plus tôt possible.

Du coup, pensez-vous qu'il soit possible pour les borderlines d'avoir une relation réussie après une thérapie ?
Tout à fait. Je le pense sincèrement. J'ai vu beaucoup d'entre eux aller tellement mieux. J'adore travailler avec des borderlines car leur émotion est là toute entière. Ils ne savent pas agir autrement que comme ils le font, et lorsqu'on leur montre une façon plus simple d'être et d'agir, ils réalisent que la vie peut être bien plus facile. Il y a donc de l'espoir pour eux.

VICE : Quand est-ce que ta copine t'a dit qu'elle avait un TPB ?
Thomas : Ma copine a reçu le diagnostic officiel et médical de TPB alors que nous étions en couple depuis plusieurs mois. Tout ce qui s'est passé à cette période était particulièrement désagréable – tout comme certains évènements qui s'étaient produits les mois précédents et qui, tout bien considéré, ont permis d'établir ce diagnostic.

Avant que tu prennes connaissance de ce diagnostic, est-ce que certains de ses comportements t'ont poussé à te demander si quelque chose clochait ?
Avant qu'on lui annonce qu'elle avait un TPB, je comprenais que ma copine souffrait d'une forme de dépression et de phobie sociale, et je crois qu'elle en souffre encore dans une certaine mesure, en plus de son TPB. Elle a grandi et continuait à vivre dans une atmosphère familiale particulièrement explosive et négative, où elle était traitée assez mal. Franchement, ayant vu ça de près, j'aurais trouvé bizarre qu'elle n'ait pas quelques problèmes mentaux après ce qu'elle avait vécu. Cependant, avant le diagnostic, la plupart de ses sautes d'humeur – que je peux désormais identifier et lier à son TPB, évidemment – étaient difficiles à comprendre pour moi. Généralement, je me disais que cela avait quelque chose à voir avec le fait que c'était dur pour elle d'être avec moi. Je ne savais rien du TPB avant que ma copine soit diagnostiquée et je n'avais pas du tout conscience qu'elle avait ça. Je n'avais pas une idée claire de ce qu'était le TPB.

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« À mon sens, le trouble de personnalité borderline est avant tout une maladie qui tourne autour de la peur, de la douleur et de la lutte nécessaire pour faire face aux deux à la fois. » Thomas

Comment t'es-tu informé sur le TPB ?
Suite au diagnostic de ma copine, j'ai fait d'importantes recherches sur le TPB, principalement pour mieux la comprendre et la protéger. J'ai cherché ces informations sur Internet et j'ai lu divers articles.

Selon toi, quelles sont les idées fausses les plus répandues au sujet du TPB ?
Je crois que le TPB est largement incompris et méconnu et que ceux qui en souffrent sont pris pour des « fous » plus qu'autre chose. Je dirais que c'est considéré comme étant à peu près du même ordre que le trouble de la personnalité antisociale ou même la sociopathie et tous les troubles de la personnalité qui s'en rapprochent, alors que ça n'a absolument rien à voir. Il y a beaucoup de nuances. C'est complexe et il faut souvent lire entre les lignes mais, à mon sens, le trouble de personnalité borderline est avant tout une maladie qui tourne autour de la peur, de la douleur et de la lutte nécessaire pour faire face à ces deux choses à la fois. Pour moi, c'est presque comme si on avait affaire à un animal blessé. Mais pour la majorité des gens, les malades sont juste fous, et cette manière erronée de voir les choses cause beaucoup de torts à ceux qui en souffrent. Ils ne sont pas fous, ils ont mal.

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VICE : Comment tes partenaires réagissent quand tu leur dis que tu as un TPB ?
Karla : Je suis assez difficile en matière de relations amoureuses donc, en général, je n'ai que des brèves liaisons, et je ne juge pas nécessaire de m'ouvrir à eux de cette manière. Cependant, l'une de ces liaisons a perduré. Durant ces années de relation, j'avais souffert du TPB sans le savoir, puis ensuite en le sachant. Nous avons été en couple de manière intermittente pendant à peu près quatre ans. Il était au courant de mon trouble anxieux et des mes troubles de l'humeur, sur lesquels un diagnostic avait été posé entre 2013 et 2014. Quand je lui ai parlé de mon trouble borderline, il ne savait absolument pas ce que cela voulait dire ou ce que cela représentait de vivre avec ou d'être proche de quelqu'un qui en souffrait. Il a fait des heures et des heures de recherches sur le sujet. Même avant cela, un ou deux ans auparavant, il avait cherché à en savoir davantage sur le trouble anxieux, pour mieux le comprendre. C'était impressionnant car, au lieu de le faire fuir à toute jambe, cela permettait de comprendre beaucoup mieux certaines choses qui n'allaient pas si bien dans notre relation. Il a tout fait pour comprendre combien cela devait être difficile et m'a répété à de nombreuses reprises qu'il me soutenait pleinement et qu'il était prêt à m'aider quelque que soit mon besoin, à condition que je sois honnête avec lui, ce que j'ai toujours fait – peut-être même à l'excès.

Comment les symptômes de ton TPB affectent-ils tes relations ?
Les symptômes de mon TPB affectent mes relations avec ma famille, mes amis et mes copains presque constamment. Il est impossible pour moi d'expliquer de quelle manière ils le font, donc je vais donner un exemple. Quand j'ai le sentiment que quelqu'un est en train de me faire un sale coup, je suis tout de suite sur la défensive et je deviens excessivement émotive et lunatique et je peux éventuellement m'en prendre aux autres.

Est-ce que tu suis un traitement ? Cela facilite-t-il tes relations ?
Oui, j'ai un traitement. Je suis actuellement une thérapie pour le TPB. En ce qui concerne les relations, les progrès sont évidents, mais je suis impatiente d'en constater et d'en ressentir davantage.

Si vous pensez que vous ou l'un de vos proches souffre d'un trouble de la personnalité borderline, renseignez-vous sur les différentes options en matière de traitement ici.

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