FYI.

This story is over 5 years old.

LE NUMÉRO BEHREN

Behren, c'est plus ce que c'était

Il reste environ deux cents jardins ouvriers à Behren. Dans l’un d’entre eux, on a un peu bavardé avec ce monsieur et sa femme. Mais, on a perdu le bout de papier où on avait noté leurs noms, cher Monsieur, chère Madame, veuillez nous excuser.

Photo: Maciek Pozoga

Il reste environ deux cents jardins ouvriers à Behren. Dans l’un d’entre eux, on a un peu bavardé avec ce monsieur et sa femme. Mais, on a perdu le bout de papier où on avait noté leurs noms, cher Monsieur, chère Madame, veuillez nous excuser.

Vice: Ça fait combien de temps que vous vivez à Behren? Monsieur: Euh…Attends, moi j’ai 58 ans, donc ça fait 50 ans. Votre père était mineur? Ouais, mineur…Il est arrivé du Maroc pour la mine. C’était comment la mine? Ça va…Moi, j’suis resté dix-sept ans au fond mais le reste, je l’ai fait au jour… Pourquoi? J’avais une maladie professionnelle, un ulcère. Tu avales trop de poussières et ça te fait une brûlure à l’estomac. C’était comment au fond? Moi ça m’a plu, surtout la mine du carreau Wendel parce que celle de Martineau était remplie d’eau. En plus à Wendel, on descendait jusqu’à 1 050 mètres. Comment on respire à 1 050? Ça va, y’avait des ventilateurs, mais y’avait des endroits où il faisait tellement chaud que tu tiens pas dedans plus de cinq minutes et t’y vois rien en plus. Et le jardin, ça pousse? Vous avez planté quoi? Oignons, petits pois, fèves et puis j’ai mis des carottes, des courgettes, de la salade. Maintenant, faut attendre. Ça a changé Behren? Ouais, ça a changé…C’était mieux avant, au début… C’était comment? C’était bien…Avant que les jeunes foutent le bordel. Ils foutent vraiment le bordel? Ouais, rien que là dans les jardins, y’en a qui ont cassé les portes. Ils savent pas quoi foutre, y’a plus rien pour eux maintenant. Alors, la nuit, ils viennent là et ils cassent les portes. Nous aussi quand on était jeunes on faisait des conneries. On mettait la brouette des voisins sur le toit ou bien le banc devant leur porte, ça nous amusait et les villageois, ça les faisait rire. Et maintenant ils font quoi comme conneries? Ben, ils brûlent des voitures. Y’en a beaucoup des voitures brûlées? Ouh là oui, dernièrement, neuf voitures, en une seule fois! Et encore, y’en avait trente-cinq de prévues. Comment ça? Ils avaient mis de l’essence sur toutes les voitures qu’étaient en bas de chez nous, mais ils ont pas eu le temps de mettre le feu partout. Pourquoi ils font ça? Par colère contre Monsieur le maire. Pourquoi ils en veulent au maire? Ah moi je sais pas, faut leur demander à eux. C’est surtout qu’on leur a promis du boulot et pis y’a rien eu, personne leur a donné quoi que ce soit. Pourtant, du boulot y’en a. Mais les patrons du coin vont chercher les travailleurs ailleurs, ils en font même venir du Nord. Quand vous allez dans une entreprise avec un nom algérien ou marocain ou autre, vous vous faites refouler! Et si vous dites que vous venez de la cité de Behren, alors là encore plus! Et avec Sarko, alors là, c’est fini. Pourquoi? Les jeunes y vont foutre le dawah, ça va être le bordel. Ils ont prévenu…Ils ont dit: «Si Sarko passe ça va être le dawah, et y’a pas que les voitures qui vont brûler.» La dernière fois, ils ont même brûlé un magasin… Mais là ça va être tout, les bagnoles, les poubelles, les magasins, tout. PROPOS RECUEILLIS PARLA RÉDACTION DE VICE