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LE NUMÉRO IRAK

Une famille irakienne

À Bagdad, Mohammed Yahya était fixeur. Comme Hussein Hannoun, fixeur de Florence Aubenas kidnappé en 2005, Mohammed a pris d’énormes risques pour aider les journalistes français à faire leur boulot. Il y a quelques mois, Mohammed, sa femme et ses deux...

Photos : Cyrille Weiner

À Bagdad, Mohammed Yahya était fixeur. Comme Hussein Hannoun, fixeur de Florence Aubenas kidnappé en 2005, Mohammed a pris d’énormes risques pour aider les journalistes français à faire leur boulot. Il y a quelques mois, Mohammed, sa femme et ses deux enfants ont dû quitter Bagdad pour Paris afin d’échapper aux gangsters qui ont tenté d’enlever son fils Haitham.

Vice: Est-ce que tu te souviens de la vie sous Saddam? Haitham Yahya: Sous Saddam, c’était le grand silence. Tu ne pouvais pas parler de politique et tu ne pouvais pas parler de Saddam. C’était une dictature. Mais malgré la dictature, c’était sans danger, on était en sécurité. Je pouvais sortir de la maison, je pouvais voir mes amis, je pouvais jouer au football dans la rue, je pouvais aller à l’école et au supermarché. Mais maintenant, c’est la guerre. Maintenant, il n’y a plus rien. Qu’est-ce que tu as pensé quand les Américains sont arrivés? Je ne veux pas mentir, au départ, je pensais que grâce à eux ça irait mieux. Mais leur arrivée a tout changé. Ma vie a totalement changé. Au début, les Américains, on les voyait, on leur parlait, il ne se passait rien de mal. Mais après trois mois, les moudjahidins ont commencé à faire exploser leurs tanks. Alors, les Américains ont été désorientés, ils ne savaient pas quoi faire, ils ont commencé à s’attaquer aux groupes armés, mais ils ne savaient pas contre qui se battre, alors ils se sont battus contre tout le monde. Ici en France, tous les mois, vous avez de nouveaux jeux vidéos. Là-bas, tous les mois, on a de nouveaux groupes armés. Tu peux nous parler de ta vie quotidienne avant ton départ? Je me levais tôt et dès le matin, j’entendais les sirènes et les bruits d’explosions. Partout, je voyais des soldats américains, dans toutes les rues. Je voyais des morts dans toutes les rues, c’était comme dans un film d’horreur. Tu peux nous raconter le jour où tu as failli être kidnappé? C’était un jour normal. Je me suis levé, je me suis lavé le visage, j’ai pris le minibus tout-terrain pour aller à l’école mais on nous a dit qu’on ne pouvait pas aller plus loin parce qu’il y avait eu un attentat à la voiture piégée. Alors je suis descendu du bus. Les rues étaient vides. Je suis arrivé devant mon école. Il y avait deux entrées, j’ai pris la plus petite pour ne pas passer devant le directeur de l’école parce que j’étais très en retard. C’est là que j’ai vu des hommes habillés en policiers, ils ont essayé de m’emmener, mais je me suis défendu. J’ai crié. Trois Kurdes, venus de la maison en face de l’école, ont commencé à leur jeter des chaussures, alors les faux policiers ont eu peur et ils ont disparu. Je pense qu’ils voulaient m’enlever pour demander une rançon parce qu’ils savaient que mon père travaillait avec des Occidentaux, donc ils pensaient que j’étais riche. Tu as des nouvelles de tes amis en Irak? Non, je n’ai pas de contact avec eux parce qu’on n’a pas encore Internet à la maison, peut-être bientôt mais pas maintenant. Mes amis sont encore à Bagdad mais moi, je me sens en sécurité maintenant. Je peux continuer à vivre, j’ai ce qu’il y a de mieux, j’ai la sécurité. La vie est belle en France, je peux aller jouer au basket sans entendre le bruit des explosions.