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Drogue

Voici les clients types qu'on rencontre dans un dispensaire

Constat de mon expérience comme 'budtender' en Colombie-Britannique.

En juin dernier j’ai décidé de partir à Vancouver avec un aller simple pour y passer l’été. Deux jours après, j’avais décroché un job qui m’a fait découvrir le grand univers de la consommation de cannabis : budtender.

En Colombie-Britannique, la consommation de cannabis est tolérée ouvertement depuis quelques années même si ce n’est pas tout à fait légal et que personne n’est à l’abri d’être interpellé et même pénalisé. Mais, en vérité, cela ne semble être un frein pour personne.

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Dispensaire sur dispensaire fleurissent dans la ville et, à l’opposé de ceux des autres provinces du pays, très peu sont contraints de mettre la clé sous la porte. Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, il n’est pas nécessaire d’avoir une prescription médicale officielle pour pouvoir se procurer du cannabis en dispensaire. La plupart des commerces demandent uniquement de remplir un formulaire de consentement et de confidentialité ainsi que de fournir une ou deux pièces d’identité. Plus précisément, on demande au client de s’autodiagnostiquer. Par la suite, le budtender conseillera au client les bons produits pour lui.

Le quartier de Kitsilano est devenu le berceau d’une jeunesse hippie et politisée dans les années 60, et n’a pas perdu de sa réputation depuis, bien au contraire. À l’heure actuelle, les boutiques de yoga et de produits naturels, les restaurants véganes et dispensaires abondent dans ses rues. En travaillant dans ce quartier, j’y ai découvert une communauté de consommateurs de cannabis très diversifiée.

Les vieux poteux des années 70

Par exemple, certains clients que j’ai pu rencontrer n’ont jamais quitté Kitsilano depuis leur naissance ou les années 70. André a la soixantaine passée et est natif du quartier. Tous les matins, généralement après avoir fouillé les friperies des environs à la quête de nouveaux bijoux, cet habitué vient acheter sa capsule et sa feuille d’huile de hasch afin de trouver le sommeil (il adorait que je le serve, car secrètement je lui préparais les plus pleines). Son frère est également client, et il n’est pas rare de les voir ensemble faire les emplettes.

Rosy, également dans la soixantaine, est arrivée dans le quartier dans les années 70. Fumeuse récréative, elle aime tester de nouvelles variétés dans le parc derrière le dispensaire avec ses amies avant d’aller écouter du jazz en buvant un cocktail. Un plan de retraite pas mal cool…

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Les professionnels

On retrouve aussi beaucoup de professionnels parmi la clientèle régulière.

Steve et Dom sont tous deux dans la quarantaine et workaholic. Ils viennent quasi quotidiennement sur l’heure du lunch demander l’indica la plus forte (souvent Black Tuna) pour les aider à se poser et se concentrer au travail, même s’ils l’utilisent également de manière récréative. Surtout Dom, qui à la fin de son quart de travail revient volontier acheter un peu d’OG Bobby Johnson et une feuille bien huilée au hasch pour finir la journée en beauté.

Nad, employée à la banque au coin de la rue et actrice en devenir, vient plusieurs fois par semaine acheter son joint préroulé de sativa (sa préférée : Love Potion) et squatter le canapé du dispensaire le temps de sa pause lunch. Émilie, une médecin généraliste passe aussi s’acheter une sativa du style UK Cheese, God Cheese de temps à autre pour décompresser. Ashley, professeure au secondaire, elle non plus n’est jamais contre une indica avec un taux de CBD bien élevé (Black Tuna, Phantom Menace) pour décompresser après ses semaines souvent fortes en émotions. On reçoit aussi des couples venant s’acheter des huiles de massage et du lubrifiant au cannabis pour tester les vertus aphrodisiaques de la plante. Autrement dit, tout le monde fume et très peu s’en cachent! Ces consommateurs sont très conscients des bienfaits et des risques du cannabis, ce sont les plus responsables de manière générale.

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Ceux qui se médicamentent

Elizabeth, qui est atteinte de la maladie de Parkinson, vient tous les dix jours. Accompagnée de son mari, elle achète une once d’indica qu’elle consomme dans un volcano, ce qui consiste à vaporiser le cannabis pour en inhaler seulement les vapeurs dans un sac. Elle n’a jamais été une grande consommatrice, mais cela l’aide à stopper ses tremblements et à vivre sa maladie dans de meilleures conditions.

Will, pour ne citer que lui, est travailleur sur le chantier de construction voisin et cherche à décompresser après une journée de labeur avec de l’indica et atténuer les douleurs musculaires dues à l’effort. Comme il a des problèmes à une jambe, les baumes infusés et des capsules de CBD l’aident à soulager la fatigue musculaire. Son fils vient souvent aussi, il souffre d’anxiété et de stress. Il aime vraiment la sativa, car elle l’aide à rester actif. Cependant, ce produit peut avoir des effets psychoactifs non désirés et augmenter l’anxiété. Certaines fleurs, comme Love Potion, Red Congolese, Sour Diesel ou Wilburbs Web sont vraiment efficaces contrairement à une Pineapple Express ou à une Blue Dream.

Pat, joueur de ping-pong handisport de haut niveau, vient aux deux semaines faire son plein. Il ne paye jamais rien, tout est remboursé directement, même si sa note peut atteindre les 400 $. Il en profite parfois pour faire quelques cadeaux à ses coéquipiers et se fournir en antidouleurs et relaxants musculaires ainsi qu’en joints préroulés pour se détendre simplement.

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Stéphanie, mère de famille dans la quarantaine atteinte de sclérose en plaques, a une ordonnance de son médecin depuis plusieurs années. Elle sait exactement ce qu’il lui faut. Elle consomme également de manière récréative, entre amis ou en compagnie de ses enfants déjà majeurs. La consommation de cannabis fait partie de son quotidien. Elle le cuisine, le fume, l’utilise en crème, c’est une véritable adepte!

Un bon nombre de jeunes comme le fils de Will viennent également acheter du cannabis pour traiter des maux d’ordres psychologiques comme la dépression, l’anxiété, le stress ou encore les troubles alimentaires et les troubles de la concentration. Ces clients sont jeunes et sensibles, et ne sont pas tous conscientisés, contrairement à ceux qui achètent pour traiter des migraines ou des troubles du sommeil. Pour cette raison, le budtender doit être vigilant et les conseiller adéquatement.

La clientèle jeune et diversifiée

On rencontre beaucoup d’étudiants à la recherche d’une bonne sativa, genre Moby Dick, Critical Jack ou Romulan pour passer au travers des derniers examens avant l’été. Et il y a ceux qui travaillent dans le coin pour l’été et qui cherchent simplement à se détendre sur la plage avec un joint en fin de journée.

Les skateurs et autres sportifs qui ne refusent pas un joint après l’effort recherchent eux aussi de quoi soulager les douleurs musculaires avec des suppléments en capsules de CBD et même des bombes de bains infusés de THC et CBD.

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Il y a aussi des jeunes qui ont commencé à fumer pour le fun et pour qui le terme automédication ne rime pas avec « consommation réfléchie », ceux qui ne font pas la différence entre indica et sativa, et qui veulent simplement fumer pour déconnecter. Certains tombent vite dans l’excès, et le rôle du budtender est donc de les sensibiliser aux risques que ça peut impliquer.

Il y a aussi les touristes de passage pour qui l’achat de cannabis encadré étonne et qui sont curieux d’en apprendre davantage sur les diverses possibilités et produits proposés. Ce qu’ils achètent le plus, ce sont les joints préroulés. C’est la clientèle la plus excitée!

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Si la vente de cannabis est basée sur l’automédication, les consommateurs de cannabis ne sont pas que des hypocondriaques, même si on en trouve un bon nombre. La plupart des consommateurs ont conscience des risques de la consommation excessive de cannabis. La majorité des clients connaissent leurs besoins et n’hésitent pas à demander des renseignements aux budtenders au sujet de nouvelles possibilités et nouveaux produits.

Finalement, la vie dans un dispensaire s’apparente à la vie dans un café. Tout le monde se connaît, les clients s’y retrouvent entre amis ou en famille, il y a des habitués, etc. Des microcommunautés pour qui le cannabis est pleinement intégré au mode de vie se créent alors autour des dispensaires, se greffant ainsi au dynamisme du quartier.

Les prénoms des personnes citées ont été changés pour préserver leur anonymat.