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L'endroit où Hitler s'est tué est aujourd'hui un parc de jeux pour enfants

Et ce toboggan rose et bleu tout pourri, c'est là où on l'a incinéré.

Ce toboggan se situe juste à l'endroit où le corps d'Hitler a été incinéré

L'après-midi de son suicide, cela faisait dix jours qu'Adolf Hitler n'avait pas vu le soleil. Il vivait dans un bunker en béton à 9 mètres en dessous des ruines de Berlin, depuis plusieurs mois. Pendant un temps, le dictateur pouvait encore promener son berger allemand, Blondi, dans les jardins de la chancellerie, mais durant ses derniers jours, l'approche de l'artillerie soviétique avait rendu cette balade quotidienne impossible. De toute façon, ce jour-là, le chien était mort – sur ordre de son maître, on lui avait donné du cyanure la veille. Quant à Hitler, il se tua d'une balle. En accord avec ses dernières volontés, son corps fut arrosé d'essence puis brûlé dans un cratère d'obus situé juste devant l'entrée du bunker.

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Soixante-huit ans plus tard, Berlin est méconnaissable. La Chancellerie a été remplacée par une école et un restaurant chinois. Le bunker, aujourd'hui à moitié démoli, est condamné – il se situe sous le parking d'un ensemble d'immeubles beige sale. Et l'exact endroit où le corps d'Hitler a été incinéré se situe sous un toboggan multicolore à la forme étrange, une de ces manifestations modernes qu'Hitler aurait abhorrées – et la raison pour laquelle mon interprète juive l'adore. Elle m'a accompagné afin de m'aider à interviewer les habitants du coin sur ce qu'on ressent quand on vit tout près de cette part sombre de l'Histoire. On s'est assis sur le toboggan en attendant que des gens passent.

« Je ne pense pas que je serais venue ici si le bunker existait encore, m'a dit mon interprète.

– Pourquoi ?

– Quand tu grandis dans une famille juive, et quand la moitié de cette famille a été exterminée, tu as un devoir de mémoire. Quand j'étais à l'école, j'ai fait un voyage de classe à Auschwitz, et j'ai enfin compris ce qui s'était vraiment passé. C'est tellement énorme que c'est facile de le considérer comme un truc abstrait, mais à Auschwitz, t'as ces grandes pièces, comme celle avec les prothèses, ou celle où ils rasaient les cheveux des prisonniers. J'ai vu les cheveux et j'ai dû quitter la salle. À ce moment précis, j'ai compris ce qui était arrivé, je n'avais pas besoin d'en voir plus. J'avais rempli mon devoir. »

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L'immeuble construit au-dessus du bunker du Führer

Alors que mon interprète concluait, un Allemand est sorti d'un des immeubles. Gaïa est allée vers lui et m'a présenté à lui. Le type s'appelait Max et il avait 24 ans. On s'est serré la main.

« Ça t'arrive de penser à ce qui s'est passé ici ?

– Pas vraiment, a-t-il admis. Je ne me suis jamais beaucoup interressé à l'histoire. J'ai étudié ça à l'école, mais ça m'importe peu. Je ne dis pas qu'il faut oublier ce qui s'est passé, mais ça ne fait pas partie de mon histoire.

– Donc tu construis ta propre histoire ?

– Exactement.

– Et ce bunker ne suscite en toi aucune émotion ?

– Je l'ai vu quand ils l'ont ouvert – quand il y a eu le chantier. Gamins, on grimpait par-dessus la grille. On ne savait pas ce que c'était – c'était juste un jeu pour nous, voir qui allait le plus loin à l'intérieur.

– Et c'est toi qui a gagné ?

– Non, je flippais. »

Des graffitis néonazis, antinéonazis, et antiflics

Après avoir dit au revoir à Max, on a franchi un long couloir pour atteindre un autre endroit de la propriété. Les murs blancs étaient recouverts de graffs néonazis, dont certains avaient été barrés de bleu. On pouvait également lire des slogans ajoutés postérieurement, comme « Pas de tolérance pour les néonazis », ou encore « Les nazis : dehors ».

Une Allemande âgée est passée devant nous, s'appuyant sur sa canne, le regard fixé au loin. Un teckel trottinait derrière elle. Nous l'avons interceptée, et je lui ai posé des questions sur le bunker.

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« Ça ne fait pas de différence pour nous, a-t-elle déclaré. Ça fait longtemps que j'habite ici. S'il fallait que je pense tout le temps à Hitler, je deviendrais folle.

– Comment vous vous appelez ?

– Pourquoi ? m'a-t-elle répondu d'un air défiant.

– Juste votre prénom, ça ira très bien. C'est juste pour l'article. »

Elle a hésité un temps. « Edeltraut », a-t-elle finalement laissé échapper avant de se lancer à la poursuite de son chien.

On l'a regardée prendre le large. L'interprète m'a dit : « Je mettrais ma main au feu que ce n'est pas son vrai nom. »

Le nouveau bouquin de Roc, And, est sorti l'année dernière. Plus d'info sur son site web.

(Photos : Roc Morin)

Précédemment par Roc : LE SPÉCIALISTE MONDIAL DES TATOUAGES SUR TÉTONS S'OCCUPE DES SURVIVANTES DU CANCER DU SEIN – Vinnie Mayers sauve la vie des femmes une deuxième fois