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Mazar-e Charif le 05 septembre. Dans cette zone qui était historiquement ralliée à l'Alliance du Nord du commandant Massoud, les nouveaux chefs du pays sont désormais partout dans les rues.
Culture

Dans l’Afghanistan des Talibans

Suite à la reprise de la capitale afghane par les Talibans à la mi-août, le photographe français Adrien Vautier s’est rendu dans le pays.

Après la chute de Kaboul, tombée aux mains des Talibans le 15 août dernier, le photographe Adrien Vautier s’est rendu en Afghanistan dès début septembre. Après un long périple le menant jusqu’à la frontière ouzbèke, le photographe français a pu pénétrer dans le pays grâce à une autorisation délivrée par les nouveaux maitres des lieux. 

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Zabihullah Noorani (à gauche sur la photo), dans son bureau à Mazar-e Charif, entouré de ses adjoints. Il est le responsable de l'information, ainsi que de la culture de la province Balkh.

« Rentrer dans le pays s’est fait plutôt facilement. Après avoir atterri à l’aéroport de Termez côté ouzbek, un taxi nous a déposé à la frontière, où il fallait traverser le fleuve qui sépare les deux pays, » rembobine Vautier. Arrivé au poste frontière désormais tenu par les Talibans, installés dans des bureaux, ils tamponnent son passeport et lui donnent une lettre attestant l’autorisation de travailler dans le pays. 

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La jeunesse afghane semble parfois divisée quant à l'arrivée au pouvoir des talibans. Certains sont vraiment inquiets quand à leur avenir, quand d'autres sont plutôt satisfaits de l'ordre qui règne désormais.

Le premier stop de ce périple se fait à Mazar-e Charif, où Adrien Vautier et deux collègues journalistes séjournent dans un hôtel où se croisent des familles souhaitant quitter au plus vite le pays, et des Talibans qui y passaient pour organiser des réunions ou des repas. « Pendant les premiers jours, à Mazar, l’ambiance était paradoxalement assez calme, sans grande tension et on nous laissait travailler grâce à cette fameuse autorisation », remet Adrien Vautier. « Les Talibans étaient de partout dans la ville, qu’ils sillonnaient à bord de pick-ups et quadrillaient par d’innombrables check-points. » 

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Le 7 septembre dans les rues de Kaboul, des jeunes hommes manifestent contre le nouveau pouvoir, ils scandent des chants anti Pakistan et mettent en garde les talibans de ne pas se mettre le peuple à dos.

En discutant avec les habitants de Mazar-e Charif, certains étaient totalement effrayés par ce qui était en train de se jouer sous leurs yeux. « Voir les Talibans reprendre le pouvoir signifiait pour eux, une perte de liberté, et une grande inquiétude pour l’avenir. » Mais une partie des Afghans avec lesquels Vautier a pu échanger étaient aussi comme soulagés de voir s’arrêter enfin les combats. 

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Une fresque symbolisant le drapeau taliban a été peinte sur l'ambassade américaine à Kaboul. Les chefs du pays sont omniprésents dans les rues de la capitale.

Après deux jours dans le nord du pays, Vautier prend la route direction Kaboul – un long voyage de 15 heures. En approchant de la capitale, le photographe voit des armes automatiques et des humvees américains aux mains des talibans qui semblaient en parfait état de marche. 

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Une famille originaire de Kaboul, attend son évacuation vers les USA dans un hôtel de Mazar-e Charif. Les talibans sont venus chez eux plusieurs fois chercher le père, cadre de l'ancien régime. Ils ont du fuir en pleine nuit.

Arrivé à Kaboul, Adrien se met à suivre les quelques manifestations qui émaillent la ville, dont une manifestation de femmes animées d’un courage époustouflant. « Là, ça a commencé à être plus compliqué de travailler. Les Talibans m’empêchaient de prendre des photos des manifestantes. Ils étaient très tendus, ils tiraient en l’air, bousculaient tout le monde », se rappelle le photographe. 

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Des jeunes talibans patrouillent dans la ville de Mazar-e Charif début septembre. La sécurité est l'argument majeur des Islamistes pour rallier le peuple à sa cause

En rentrant dans sa chambre d’hotel ce jour-là, Adrien Vautier s’aperçoit que la vitre de la chambre qu’il partage, a été touchée par des tirs. « Une manifestation était passée à côté de notre hotel et un journaliste filmait ça depuis sa chambre. Du coup, les Talibans avaient arrosé à côté de lui pour mettre un coup de pression », raconte Adrien. « Ce premier jour à Kaboul m’a fait dire que les Talibans étaient assez différent à Kaboul que dans les régions. Est-ce parce qu’à Kaboul, il s’agissait principalement de jeunes venus des montagnes ? » 

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Une patrouille de Talibans en route pour le Panshir le 6 septembre dans le nord de l'Afghanistan.

Puis dans les jours qui suivent, une sorte d’apaisement recouvre rapidement une Kaboul mise sous cloche, explique le photographe qui suit alors l’étrange cohabitation entre civils et Talibans au coeur de la capitale (où il retrouve ces derniers au zoo ou encore au parc d’attraction). « En observant les Talibans dans Kaboul, ils ressemblaient à des soldats en permission, qui découvraient pour la première fois certains loisirs », image le photographe. Mais dans le même temps, le joug des Talibans se déploie progressivement sur les femmes, les artistes, les musiciens, dans les écoles, les universités et tout îlot de liberté. 

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Une famille d'agriculteurs nettoient des carottes dans le district de Paghman le 18 septembre. Une majorité de talibans sont issus de ces villages pachtounes, les Kabouliotes sont loin de partager les idéaux des nouveaux maîtres du pays, en revanche dans les campagnes les avis sont plus partagés.

Puis, à côté de ces Talibans en goguette, la crise humanitaire commence à se dessiner dans Kaboul. « On retrouvait de nombreux réfugiés dans la ville, qui vivaient dans des conditions vraiment préoccupantes, dans des parcs de Kaboul, » continue Vautier, avant d’évoquer les longues files d’attente devant les banques, où des Afghans patientent pour récupérer leurs économies – à raison de 200 dollars maximum par semaine. « Dans les six prochains mois, la situation risque de réellement virer au catastrophique ». 

Après deux semaine passées à Kaboul, Adrien profite en cette fin septembre de la reprise des vols internes depuis Kaboul pour rejoindre le nord du pays et repasser du côté ouzbek.

Découvrez-ci dessous davantage de photos d’Adrien Vautier saisies dans un Afghanistan à un tournant de son histoire : 

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Une file d'attente devant une banque à Kaboul. Les citoyens ne peuvent retirer que 200 dollars par semaine. Le gouvernement taliban limite les retraits pour éviter la fuite à l'étranger du peuple. A la mi-septembre certaines n'avaient déjà plus de liquidités.

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Des talibans viennent se divertir au zoo de Kaboul le 9 septembre. La plupart des combattants viennent des montagnes et découvrent pour la première fois les loisirs des citadins.

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De jeunes talibans dégustent une glace au parc d'attraction de Kaboul.

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Un groupe de jeunes femmes hazaras sur le parvis d'une mosquée à Kaboul le 10 septembre. Cette minorité ethnique et religieuse font partie des cibles principales des Talibans.

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Mohammad Hamed Sarhadi, 29 ans, au premier plan, est compositeur de chansons coraniques. Il commande une base talibane à Kaboul. Désormais seul les chants religieux sont autorisés .

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Des étudiants d'une madrassa dans le district Paghman. Cette zone pachto à quelques km de Kaboul fut témoin de nombreux affrontements entre l'armée afghane et les talibans, ainsi que les frappes de drones, qui ont fait de nombreuses victimes chez les civils. Désormais les habitants sont satisfaits de la paix retrouvée après des années de guerre.

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Dans le village d’ Arghande, Lotfullah Hemat 21 ans, entrain de tendre son arme américaine à une petite fille, a espionné pour les talibans à Kaboul durant trois années, il est soldat depuis un an.

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Des talibans viennent visiter le domaine de Bala Bagh, ancien lieu de villégiature de la royauté.

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