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150 migrants évacués d’un camp à la frontière franco-italienne

Ce camp de migrants situé à quelques mètres de la frontière avec la France a été démantelé ce matin par la police italienne. Après avoir passé la journée sur les rochers, les migrants ont rejoint l'autre camp de la zone, celui de la Croix-Rouge.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Presidio No Border

Ce mercredi, sur les coups de 6 heures du matin (heure locale), un camp de fortune 150 migrants situé face à la mer méditerranée, à une cinquantaine de mètres de la frontière entre la France et l'Italie, a été évacué par la police italienne. Depuis près de 4 mois, des migrants vivaient dans ce camp de fortune établi sur le territoire italien, à quelques kilomètres de la ville italienne de Vintimille.

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La France avait décidé, début juin, de rétablir des contrôles à la frontière pour éviter le passage de migrants en France. En réaction à ce blocage, les premiers migrants bloqués s'étaient alors postés sur les rochers bordant la frontière pendant quelques jours, avant de créer un camp de fortune à quelques mètres de là — sur un parking et dans un ancien office de tourisme italien. Une quinzaine d'activistes et militants européens vivaient aussi au camp avec les migrants.

À lire : Des migrants coincés sur les rochers à la frontière franco-italienne

Ce mercredi matin, avant la levée du jour, une dizaine de camions des carabiniers italiens et des bulldozers se sont postés devant le camp. En quelques instants, le camp a été vidé et détruit. Alors que le jour se levait sur la Méditerranée, les migrants sont alors retournés à la case départ : sur les rochers.

En fin de journée, sur les coups de 17 heures, les migrants et les activistes ont quitté les rochers après une journée de négociations avec les autorités. Ils devaient rejoindre en bus le camp de la Croix-Rouge situé près de la gare de Vintimille.

Migrants et no border quittent les rochers sans heurts direction le centre de la croix rouge de — Lucie Robert (@Lucie_Rob)September 30, 2015

« On a donc tous couru sur les rochers »

« On a entendu des rumeurs d'évacuation hier soir [mardi soir], » explique ce mercredi à VICE News Maria [le nom a été modifié], une militante présente sur les rochers avec les migrants. « Puis au petit matin, près de 200 policiers se sont postés devant le camp. On a donc tous couru sur les rochers pour éviter qu'ils nous attrapent, » continue la militante, qui est présente au camp depuis le début, par intermittence.

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Accompagnés par les activistes et des membres d'associations de la région, une cinquantaine de migrants ont ensuite passé toute la matinée encerclés par une cinquantaine de policiers italiens. Les autres auraient rejoint l'autre camp de migrants de la zone, celui géré par la Croix-Rouge, d'après le quotidien italien La Stampa.

Nous nous étions rendus dans le camp de la Croix-Rouge fin août :

À lire : Coincés à Vintimille : Avant Calais, il faut atteindre Nice

« La police empêche les gens de nous apporter de l'eau ou à manger. Pour le moment, les migrants souhaitent rester ici sur les rochers, même si certains sont fatigués et inquiets, » nous expliquait Maria en début d'après-midi. « En arabe, on dit que la patience est belle. Les migrants répètent cette phrase sans cesse aujourd'hui. Nous voulons juste que la sécurité de chacun soit garantie, » explique Maria. « Nous attendons 5 heures de l'après-midi et l'arrivée des avocats, » conclut la militante, alors que la police commençait à empêcher les journalistes de venir interviewer les migrants sur les rochers.

Des migrants et des militants sur les rochers le matin de l'évacuation (Image via Presidio No Border)

« Presidio No Border »

Le camp démantelé ce matin, et surnommé le « Presidio No Border, » fonctionnait selon un système d'autogestion des migrants avec l'aide des militants, qui dispensaient des cours de langues ou encore des conseils juridiques. Tous les deux jours, se tenaient des assemblées générales où les « shebabs » (« jeunes » en arabe, le surnom que se sont donné les migrants du camp) expliquaient aux nouveaux arrivants les règles à suivre en matière d'hygiène, de nourriture ou encore de couchages. L'objet de ces réunions était aussi d'évoquer ensemble leur condition de migrant.

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Le camp recevait des dons des associations de la région pour faire fonctionner cette installation de fortune située au pied d'immeubles de standing. Le camp accueillait ces derniers jours près de 150 migrants. Régulièrement, les migrants et les activistes bloquaient pacifiquement la frontière, aux cris de « hurriyya » (liberté en arabe) et autres « We won't go back [On n'y retournera pas] ». La plupart des « shebabs » installés ici sont originaires du Soudan et d'Érythrée.

Des policiers face aux migrants et militants sur les rochers ce mercredi matin (Image via Presidio No Border)

Les zones de couchages et la salle de classe improvisée du camp étaient situées sous les arches d'un petit pont sur lequel circule le train qui relie Vintimille à Menton (la première ville française après la frontière). Chaque demi-heure, un TER (un train régional opéré par la compagnie ferroviaire française, la SNCF) venait troubler la quiétude du camp. Nombre de migrants essayent d'emprunter ce train depuis la gare de Vintimille pour passer en France. En gare de Menton, la police fouille chaque train à la recherche de migrants qui le plus souvent sont renvoyés en Italie.

Camps de migrants#Vintimille#Si peu d'humanité# — Elodie (@Anissaelo)September 30, 2015

À lire : Une centaine de migrants venant d'Italie arrêtés en gare française de Menton

La police italienne a fait savoir, ce mercredi matin, que l'éviction a été motivée pour « occupation illégale du domaine public » et « vol d'eau et d'électricité ». Contactée par VICE News ce mercredi après-midi, la police italienne a déclaré qu'elle ne ferait pas plus de commentaires aujourd'hui.

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Le maire de Vintimille, Enrico Ioculano et le gouverneur de la région de la Ligurie, Giovanni Toti, avaient demandé il y a quelques jours l'évacuation du camp, notamment parce que les habitants du « Presidio » créaient, selon eux, « des problèmes, » faisant référence aux blocages à répétition de la frontière. « C'est ce qu'on demandait depuis longtemps, » a déclaré ce matin le maire de la ville, en réaction à l'évacuation du camp.

Un migrant sur les rochers de Vintimille après l'évacuation de mercredi matin (image via Presidio No Border)

Une pression plus forte

Ces dernières semaines, la police italienne avait commencé à mettre la pression sur le camp. Les forces de l'ordre italiennes interpellaient les migrants qui faisaient le chemin entre le camp de la Croix Rouge et le camp « Presidio No Border » — une marche de 2 heures. Des groupes de 20 ou 30 personnes ralliaient à pied, sur la route, le camp le plus proche de la frontière pendant la nuit.

Contactée par VICE News, la Croix Rouge italienne nous fait savoir, ce mercredi après-midi, qu'elle peut accueillir dans son camp les migrants délogés ce matin. Il y a deux semaines, 250 personnes résidaient en moyenne à la Croix Rouge — un chiffre qui approche dangereusement la capacité maximale d'accueil du camp, nous avait-on confié.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

VICE News Italia a participé à la rédaction de cet article. Suivez les sur Twitter : @VICENewsIT