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Les drogues de rue en France en 2013, le rapport

Dans les milieux drogues français, le terme « drogue de rue » désigne les produits disponibles en ville – ou dans les quartiers périphériques – vendus par des dealers postés nuit et jour au même endroit.

Illustrations : Anna Wanda

Dans les milieux de la drogue français, le terme « drogue de rue » désigne les produits disponibles en ville – ou dans les quartiers périphériques – vendus par des dealers postés nuit et jour au même endroit. C’est ce dont parlait The Ground il y a quelques mois dans leur sujet sur la rue Ambroise Paré du 10e arrondissement. En gros, vous pouvez choper ces prods en bas de chez vous et il y a 70 % de chances qu’ils soient merdiques.

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Ça fait aujourd’hui dix ans que j’évolue dans le milieu de la drogue et j’ai goûté à presque tous les types de produits sur le marché. Je sais donc que les produits de rue souffrent de leurs nombreux passages par des intermédiaires, ces derniers ajoutant de façon quasi systématique une bonne quantité – entre 25 et 50 % selon les revendeurs et les types de drogue – de coupe afin de conserver leur marge bénéficiaire. En janvier dernier, Drogues Info Service faisait état d’une héroïne de Seine-Saint-Denis coupée à hauteur de 44 % avec du dextrométorphane, un mélange pouvant potentiellement tuer n’importe quel consommateur au bout d’un fix.

Forte de mon expérience, j‘ai essayé de dresser une liste des produits disponibles à la vente en bas de chez soi et de déterminer ce qu’ils valaient. J’ai mis de côté les taz, le LSD et la MDMA, drogues achetées et consommées dans d’autres cadres que celui de la rue. Je précise que mes sources proviennent principalement du nord de la France, et qu’il existe des disparités sur le territoire en termes de qualité, quantité, prix et facilité d’accès aux produits. Malgré ça, j’ai essayé d’être la plus précise et exhaustive possible.

HÉROÏNE DE RUE

Opiacé/antalgique/sédatif. Toxicité faible, risque de dépendance très important. 
Prix moyen : environ 30 euros le gramme, mais le prix peut baisser rapidement dès lors qu'on pécho pour plus de 10 grammes.

Si vous avez vu Trainspotting ou n’importe quel film résumant grossièrement les effets de l’héroïne, vous savez qu’une montée de rabla rappelle ce moment juste après l’orgasme (soit, une grosse montée d’endorphines), à ceci près qu’il s’étend sur beaucoup plus de temps et qu’il redescend bien plus tard. La came de rue, c’est pareil, mais en nul et avec en plus tous les effets secondaires des composés de la coupe.

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Il n’y a pas vraiment de règle en termes de composition de coupe. Il s’agit souvent d’un mélange de médicaments et de tout un tas de saloperies : plâtre, poudre de maquillage ou même, verre finement pilé. Imaginez ça comme une surprise party physique et mentale, et dites-vous que ça peut très bien passer ou au contraire engendrer tout un tas de maux de ventre, migraines, nausées, vomissements à répétition et autres joyeusetés.

La coupe pose également des problèmes à moyen et long terme. C’est plus de risques infectieux si vous la fixez, plus de risques de destruction de la cloison nasale dans le cas d’une consommation en sniff, et enfin plus d’exposition à des vapeurs toxiques et destructrices pour les dents, la gorge et les poumons si vous la fumez. Au final, les effets indésirables et – surtout – imprévisibles de la coupe dans la came de rue sont presque aussi problématiques que le phénomène d’addiction généré par sa proportion d’héroine pure, aussi faible soit elle.

Sur le Net, on peut lire tout un tas d’articles, amateurs et professionnels, au sujet de l’héroine : ceux-ci différencient les couleurs et les formes (poudre, cailloux) afin de déterminer la qualité du produit ; malheureusement, aucun d’eux n’est valable dans la rue. À une époque, on disait qu’il fallait choper de la came en caillou pour s’assurer de sa pureté, puis vite, il s’est aussi dit qu’il était préférable de la choper en poudre, pour les mêmes raisons.

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De la dope même très coupée peut suffire à provoquer des effets substantiels chez une personne non accoutumée aux opiacés. Au même titre qu’elle peut largement suffire à générer une dépendance. C’est d’ailleurs avec de la came de rue basique que je me suis accrochée à l’héro il y a dix ans.

Aujourd’hui, je ne consomme plus du tout de came de rue, même quand je n’ai rien sous la main. À part me rendre malade (à cause de la coupe), celle-ci ne me fait plus le moindre effet, et surtout, elle ne parera JAMAIS au manque – qui se traduit par les effets d’une grippe carabinée combinée à une gastro carabinée, ces symptômes étant contractés après un parcours du combattant carabiné –, même en grosse quantité.

COCAÏNE COUPÉE

Psychotrope/antalgique/stimulant. Toxicité forte, risque de dépendance important (pas de manifestations physiologiques reconnues).
Prix moyen : entre 50 et 90 euros le gramme.

On prête souvent à la coke toute une liste d’effets impressionnants, mais en réalité, le ressenti est OK quand le produit est de qualité. Le truc marrant, c’est que quand vous la goûtez, votre gorge, vos lèvres et vos gencives sont immédiatement anesthésiées. Après, vous parlez genre une heure, avant de reprendre un trace et de vous remettre à causer plusieurs heures (ou jours) de suite ; quand vous vous réveillez, vous vous apercevez que vous avez épuisé toutes les bières à disposition, que vous n’êtes toujours pas fatigué, que vous avez passé une bonne soirée mais que d’ici quelques minutes, vous vous sentirez vide, excédé, incapable de fermer l’œil et que cette horrible sensation d’apocalypse bloquée dans votre cerveau ne vous quittera pas pendant les deux prochains jours.

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J’ai tendance à trouver les effets secondaires d’une mauvaise coke de rue encore plus désagréables que ceux d’une mauvaise héroïne. En plus des classiques maux de ventre et maux de tête, il faut s’attendre à des crispations musculaires involontaires, des désordres intestinaux, et surtout, des montées d’angoisse et de paranoïa ingérables. S’il fallait résumer, je dirais que la coke de bonne qualité stimule là où la coke bas de gamme énerve. Dans la rue, vous ne trouverez que de la coke bas de gamme.

La coke de rue française rencontre les mêmes problèmes de recoupes excessives que l’héro ; de fait, les effets attendus sont diminués et les effets secondaires sont d’autant plus imprévisibles. Là aussi, pas de règles concernant la composition des coupes : on peut y trouver toutes sortes de médicaments, du bicarbonate de sodium, du sucre, du verre pilé ou parfois, de la lessive.

Aussi, si vous en avez pris ne serait-ce qu’une fois, vous savez qu’il s’agit d’un produit auquel on peut vite s’accrocher – bien qu’on ne reconnaisse pas à ce jour de manifestations de manque physiologique à la C. Vous avez envie d’en reprendre, comme si Satan en personne vous suppliait de dire oui à chaque fois qu’un mec préparait des traces.

Et surtout – j’y reviens –, la descente. Elle peut s’avérer longue (plus vous en avez pris, plus le retour à la normale sera lointain) et extrêmement pénible. Reprendre de la coke pour surmonter la descente peut alors apparaître comme le seul remède efficace, un des cercles vicieux typique de la présence du mal dans cette drogue en particulier – et rien de tel pour installer une dépendance.

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CRACK

Psychotrope/stimulant. Toxicité très forte, risques de dépendance importants.
Prix moyen : entre 15 et 30 euros la dose.

Le crack, drogue de rue par excellence selon l’imaginaire collectif, ne circule en réalité que de façon anecdotique en France. On en trouve en vente directe presque uniquement sur Paris – 18e et 19e arrondissements – et dans quelques autres grandes villes. Pour autant, la consommation de crack est bien établie dans le pays, sans qu'on dise jamais son nom. En effet, le crack n’est rien d’autre que de la cocaine transformée (ou basée) pour pouvoir être fumée. Fumer de la coke, ce n’est donc rien d’autre que fumer du crack.

La plupart des fumeurs de crack transforment leur coke eux-mêmes plutôt que de l’acheter déjà transformée à un revendeur. La technique la plus pratiquée consiste à déposer de la coke dans une cuillère, d’y ajouter de l’amoniaque et un peu d’eau, puis de chauffer le tout avec un briquet. Une fois chauffé, le mélange prendra la forme d’une tache d’huile dont il sera nécessaire d’extraire ce qui restera de liquide avec une petite bande de papier absorbant. Ne subsistera alors plus que la coke basée, qui sera extraite de la cuillère à l’aide de la pointe d’un couteau et délicatement déposée sur une surface sèche et froide afin de terminer sa « cristallisation » : ce substrat, c’est le crack.

Ces opérations sont en fait des processus de purification ; c’est pourquoi plus la coke à baser sera coupée au préalable, moins on en obtiendra de crack. Avec une coke de bonne qualité, on peut généralement obtenir 0,7 à 0,8 g de crack à partir d’un gramme. C’est également la raison pour laquelle le crack ne mérite pas sa réputation de drogue bon marché, car c’est en réalité une drogue très chère. En revanche, comme le crack en vente directe ne se détaille pas au gramme mais à « la dose » (ce qui est assez arbitraire), il est vrai qu’on peut s’en procurer pour peu cher, puisqu’en quantité réduite.

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Le crack se fume via diverses méthodes : en dragon, sur une feuille d’alu – exactement comme l’héro – ou bien à l’aide de dispositifs DIY à base de stylo à bille et de bouteilles d’eau.

Ses effets sont proches de ceux de la coke – énergie, empathie, motivation, bien-être, impression que tout est cool – mais en beaucoup plus concentrés, donc beaucoup plus intenses et beaucoup plus courts, et beaucoup plus raides en descente. D’ailleurs, si je devais résumer les effets et le goût du crack en un seul mot, je dirais que c’est tout simplement la définition du « reviens-y ». Voila, le crack c’est ça : une drogue hors de prix qui a un putain de goût de reviens–y.

LES MILLIARDS DE CACHETONS QUI PEUPLENT LES RUES DE FRANCE

Les rues françaises constituent le grand temple des cachetons de toutes sortes. Moins difficiles d’accès, moins chers que les drogues classiques et jouissant d’une composition stable, ils séduisent les consommateurs réguliers comme les consommateurs ponctuels – souvent, pour contrer des effets secondaires relatifs à une mauvaise dope par exemple.

Parmi les plus « populaires », on trouve :

LE SUBUTEX

Buprénorphine/opiacé/médicament de substitution à l’héroïne sous forme de comprimés sublinguaux de 0,4/2/4/6 ou 8 mg.
Prix moyen de la boîte : très variable selon les posologies. La plus courante est la boîte de 8 mg (7 comprimés) entre 10 et 20 euros. Mais ça peut monter vite.

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À la base, le Subutex est un médicament de substitution à l’héroine. Il permet de combler le manque pour que les malades toxicomanes puissent continuer à vivre sans être contraints de prendre de l’héroine pour pouvoir tenir debout. Dans la rue, les dealers vendent du Sub aux toxicos qui cherchent à se soigner mais qui n’arrivent pas à accéder aux soins (la toxicomanie a beau être une maladie, accéder aux soins quand on en souffre est une véritable chiasserie). Il est également utilisé par les toxicos actifs en cas de pénurie d’héro ou parce qu’il est moins cher le temps de ravoir des thunes pour pouvoir repécho de la dope.

S’il est présenté sous forme de cachets solubles sous la langue, de nombreux acheteurs de rue tapent le Sub en sniff ou en injection. Cette dernière pratique s’avère très problématique pour le système veineux et multiplie le risque d’infections, compte tenu des nombreuses impuretés qui composent les cachets.

Chez un sujet non tolérant aux opiacés, le Subutex peut avoir des effets extrêmement violents, même à très faibles doses. Plus jeunes, mes copines et moi avons parfois été malades à gerber nos tripes dès qu’on avalait le moindre verre d’eau jusqu’à trois jours d’affilée, et ce alors qu’on avait à peine pris la moitié d’un cachet de 4 mg.

LA MÉTHADONE

Chlorydrate de méthadone/opiacé/médicament de substitution à l’héroïne sous forme de sirop en fioles à bouchons sécurisés ou plaquettes de gélules blindées de 5,20,40 mg + 60 mg pour le sirop uniquement.
Prix moyen : Très variable selon les posologies. Compter en moyenne 10 à 20 euros pour 150 mg.

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La méthadone est également un médicament de substitution à l’héroine qui recouvre les mêmes objectifs que le Subutex et qui connaît à peu près les mêmes effets et motifs d’utilisations. La préférence entre les deux médicaments est une affaire personnelle, car même s’ils ont tous deux la même utilité, ils fonctionnent tout à fait différemment.

On trouve de la métha en gélules ou en sirop. Si le sirop est parfois utilisé en injection (pratique ultra dangereuse en termes de risques infectieux), les gélules, en revanche, sont composés de telle façon qu’il est impossible de les sniffer ou de les injecter.

Au même titre que le Subutex, la méthadone peut avoir des effets très violents chez les sujets non tolérants aux opiacés, et ce, même à très faible dose. Toujours dans ma folle jeunesse, j’ai été non seulement malade, mais en plus de ça, somnolente trois putains de jours, alors que j’avais simplement léché le bouchon d’une fiole de métha de 40 mg.

LE SKENAN

Sulfate de morphine/opiacé/antalgique puissant sous forme de gélules de 10,30,60,100 et 200 mg
Prix moyen : Variable selon les posologies. Compter 40 à 60 euros pour une boîte de 14 comprimés de 100 mg.

On croit souvent, à tort, que le Skenan est nouvellement débarqué dans la rue. En réalité, il y a une dizaine d’années, le Sken était déjà largement connu et consommé de tous les junkies que je connaissais.

Appartenant à la famille des opiacés (en gros, c’est de la morphine), ses effets sont sédatifs, antidépresseurs et puissamment antalgiques, son utilisation de base consistant à soulager les douleurs des malades du cancer. Aussi, il engendre les mêmes effets de somnolence et de vomissements sur plusieurs jours chez les sujets non tolérants. Au même titre que n’importe quel opiacé, il s’agit là aussi d’un médicament fortement addictif sur le moyen terme.

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Si le Skenan n’est pas nouveau dans la rue, il est en revanche exact que sa consommation a augmenté ces dernières années, particulièrement en injection. On prête au Skenan la propriété de rendre le teint jaune lorsqu’il est consommé de façon régulière, mais je n’ai jamais constaté ça personnellement.

LES BENZOS

Les benzodiazépines sont ces antidépresseurs qui circulent de plus en plus dans la rue, principalement le triangle Xanax, Tranxène et Lexomil (mais on en trouve beaucoup d’autres en grattant un peu) et qui se prennent par voie orale. Ils coûtent entre 5 et 20 euros selon les posologies.

La défonce aux Benzo, c’est comme si vous mettiez le plus doux des filtres entre vous et le monde. Au sommet du truc, vous vous sentez tellement détendu que vous avez l’impression que rien ne pourrait vous toucher. Jusqu’à ce que ça finisse par redescendre, et là préparez-vous à une déprime inévitable et infinie, d’autant qu’à forte dose, une fois la montée passée, vous aurez surtout envie de vous endormir partout pendant trois jours avec une migraine infernale.

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