Culture

Cinq questions à propos du pétrifiant discours de la reine des Belges

Vague d’interrogations après ce nouvel épisode fort attendu de notre série « Royal Malaise », avec Mathilde dans le rôle de la Mère Castor sous anxiolytiques.
Marine Coutereel
Brussels, BE
La reine Mathilde qui lit un livre
Notre maman à tou·tes.

« Cinq questions à propos de … » est une série dans laquelle nous nous posons cinq questions extrêmement urgentes sur des informations extrêmement importantes. On ne pourrait pas l’expliquer plus clairement.

Avant de me lancer dans un questionnement nécessaire à propos de ces 2 minutes 25 de pure angoisse, je dois bien vous avouer quelque chose. J’ai toujours adoré Mathilde. Petite, j’en avais la vision d’une mère idéale.

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L’adolescence aidant, je n’y ai plus trop prêté attention (déni parental, tout ça), au point d’en oublier petit à petit son existence, comme la majorité des Belges (exception faite des cameramen de Place Royale). Jusqu’à mardi, 17h15, heure à laquelle la Belgique a pu entrevoir un timide rayon de soleil percer les sombres nuages d’internet : la reine Mathilde qui, dans un élan de bonté à la belge, encourage la jeunesse à se réfugier dans la lecture pendant le confinement.

Voici l’encouragement en question (estimons-nous heureux·ses, la version flamande dure 10 minutes) :

J’ajoute que celleux qui n’ont pas encore éteint la lumière sur un « bonne nuit maman » peuvent aller se passer la tête sous l’eau froide si nécessaire. La Libre, pas lèche-botte pour un sou, nous informe donc que « Mathilde a pris l'initiative de s’adresser (…) aux jeunes (…) Mais elle apporte surtout un souffle d’air et d’intelligence. » De l’air entre chaque mot ça c’est certain, mais pour la deuxième partie, je ne suis pas bien sûre qu’elle ait réussi son coup. Explications.

1. Pourquoi donc ce ton d’infirmière en soins palliatifs ?

OUI, POURQUOI TU PARLES COMME ÇA MATHILDE ? (le capslock est ici un cas de force majeure, c’est toute une nation qui crie.) Sachant que le confinement donne déjà envie de se tirer une balle, après ça, difficile de ne pas s’envoyer le chargeur complet. « Pourquoi… ne pas….. écrire….. un journal… ? » Oh, Mathilde. Même Blabla avait l’air plus vif. Avec cette intonation qui se situe entre l’animatrice de téléphone rose, Toby de The Office, la pédagogue pour gogolitos et la wannabe youtubeuse ASMR, j’ai l’impression d’être un bébé forcé de se farcir sa vieille tante gâteuse, celle qui vient lui poser des questions bêbêtes au-dessus de son berceau alors qu’il ne sait pas encore parler. Ou pire, une patiente amnésique en fin de vie. Et franchement, vis-à-vis de la situation sanitaire actuelle, c’est plutôt mal choisi.

blabla

Blabla.

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2. Quel sera l’impact sur les ventes dudit livre?

Parce que oui, revenons-en au nerf de la guerre, ce discours a pour finalité d’inciter les jeunes à la lecture pendant le confinement (après visionnage, je dirais plutôt : a pour finalité de lobotomiser l’ensemble du pays afin qu’il soit totalement paniqué au moindre contact oculaire avec la couverture d’un livre). L’idée est louable, et je suis certaine que ça partait d’une bonne intention. Mais après un discours pareil, même pour moi qui adule les bouquins, je n’ai qu’une envie, c’est de ne plus jamais en ouvrir un. Le fond y est, si on creuse bien, mais le forme, Mathilde, la forme.

Je ne vais rien dire sur le livre choisi, je ne l’ai pas lu et j’imagine qu’il doit être bien pour qu’on en vienne à un tel renfort de jonquilles. Mais bim, pas de chance pour lui, la Reine Castor vient de lui plomber son avenir à coup de silences malaisants, d’intonations flippantes et de très, très mauvais choix de passage. Qui comprend quelque chose ? Rimbaud ? Portefeuille ? Banc ? Hein, quoi ? Pauvre Marie Colot.

3. Grosse équipe de tournage ou prod petit budget ?

Qui était derrière la caméra ? Ce n’est visiblement pas Philippe, tout occupé qu’il était à Skyper deux mètres plus loin. Élisabeth, peut-être, pour mettre Mathilde plus à l’aise et en situation ? On peut dire que c’est réussi, un rendu ultra naturel, pas du tout d’écho mortuaire, c’est sûr qu’on doit bien s’amuser pendant les soirées en famille au Palais. Et combien de prises a-t-il fallu ? Oh mon dieu, je donnerais tout pour voir le bêtisier. En tout cas, je tiens à féliciter chaleureusement l’équipe set-design et stylisme. Sacrée composition florale. Et au cas où nos tympans n’auraient pas pris assez cher, la blouse nuance Stabilo est là pour prendre le relais et nous exploser la rétine. Tout en rappelant forcément les jonquilles en arrière-plan. Waouw, trop deep. Cela dit, en partant du postulat que le jaune est la couleur du cocufiage, on peut facilement pardonner ce syndrome monochromatique : peut-être que c’est déjà une private joke, au Palais.

Reine Mathilde livre

Une soirée somme toute banale : Monsieur tripote son ordinateur, Madame feuillette un bon bouquin.

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4. Pourquoi les commentaires sont-ils désactivés sous la vidéo youtube ?

La réponse est dans l’article.

5. Au fond, cette vidéo était-elle bien utile en cette période de crise ?

J’hésite. Mon être rationnel me crie que non, bien sûr que non. Mathilde aurait pu opter pour un message d’encouragement aux soignants ou de condoléances aux victimes, pour une explication sur les masques FFP2, pour une envolée pleine d’espoir, pour une incitation à prendre les armes à la Macron, ou tout simplement pour un ton moins sirupeux, une mise en scène moins cauchemardesque. Mais en regard du parcours rhétorique chaotique du Palais, qui ça étonne encore ? Rappelons-nous avec délectation le fabuleux discours du Roi Philippe concernant le coronavirus, et encore un peu plus loin, la détermination de Mathilde face au cyberharcèlement, qu’elle qualifiait avec une mine d’enfant boudeur de « vraiment nul. » Na.

Ne les aime-t-on pas, au fond, ces prises de parole publique foireuses ? N’est-ce pas délicieux, d’assister à ces majestueux désastres, ces moments de gênance ultime ? Alors je vous en supplie, Philippe, Mathilde, ne changez rien. Ni de conseiller de com’, ni de stylistes, ni de prompteur. Surtout pas maintenant. Le pays a besoin de continuer à rire, plus que jamais.

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