Tawsen
Photos : Icescreations.
Culture

Rebeu mignon dans le désert : sur le tournage du dernier clip de Tawsen

« Dans mes autres clips, on misait plus sur l’intrigue ; là je voulais être bien, beau gosse, avoir un visuel super soigné. Je fais les bons choix, tu me connais. »
Gen Ueda
Brussels, BE

Le mystère du titre rayé sur la tracklist de « Al Mawja », le dernier EP de Tawsen, est résolu. Ce morceau avait été retiré du projet en dernière minute, le temps que l’équipe puisse clearer le sample issu de « Youm Wara Youm » de la chanteuse marocaine Samira Saïd. Les affaires administratives réglées, « Habibati » est désormais libre et, magie du streaming, enfin introduit dans l’EP en même temps que le clip est dévoilé. Cette vidéo était naturellement l’objet de notre discussion avec Tawsen et Marie Brisse, la réalisatrice.

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VICE : C’est quoi cette histoire de droits ?
Tawsen : En fait, le refrain de « Habibati est une reprise de « Youm Wara Youm », un gros hit en arabe. On a mis plusieurs mois à clearer la chanson pour être réglo légalement, donc on a du retirer le son de l’EP le temps que ça se règle au niveau des droits. Là, c’est bon. Et on mise à mort sur ce titre.

Maintenant que le son est dispo, ça va rebooster l’EP façon réédition quoi.
Tawsen : Ouais, voilà. Je fais une réédition mais avec une seule chanson ; j’suis un gars tranquille moi.

Elle signifie quoi pour toi cette chanson, « Youm Wara Youm » ?
Tawsen : Je viens pas d’une famille musicale. C’est juste le seul son que j’écoutais dans la voiture quand j’allais au Maroc avec mes parents et mes cousines. Y a des gens qui ont une culture musicale de ouf, moi j’en ai pas du tout. C’est juste la seule musique qui me revient souvent en tête, quand je marche dans la rue ou quoi. C’est pour ça que je l’ai adaptée. J’aime bien les trucs traditionnels.

Marie : Pour la petite histoire, j’étais déjà au Maroc quand il m’a envoyé le son. Lorsque je l’ai écouté pour la première fois, tout·es mes ami·es autour de moi m’ont dit : « Mais c’est un sample d’un titre très connu ici ! »

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« Y a des gens qui ont une culture musicale de ouf, moi j’en ai pas du tout. “Youm Wara Youm”, c’est juste la seule musique qui me revient souvent en tête. C’est pour ça que je l’ai adaptée. » - Tawsen

Elle s’est faite comment la connexion entre vous deux ?
Tawsen : À la base, je voulais faire le même clip que « Youm Wara Youm », à l’ancienne, années 2000, avec un fond vert et des trucs moches, archi moches. Mais bon, ça s’est pas fait. D’un autre côté, « Baby Mama » avait bien fonctionné, « Safe Salina » encore plus ; donc je me suis dit qu’il fallait un truc encore plus esthétique.

Marie : L’équipe de Tawsen était en contact avec Room 108, une boite de prod avec laquelle je collabore habituellement sur des projets de photo et de retouche. J’avais vaguement évoqué l’idée de me mettre à la réalisation, et c’est comme ça qu’on m’a proposé le projet. J’ai soumis un moodboard que j’avais en tête et l’équipe de Tawsen à tout de suite aimé ma proposition et tout s’est enchaîné assez rapidement.

Tawsen : Quand j’ai vu le moodboard que Marie m’a envoyé, je me suis dit que c’était ça qu’il me fallait. Je voulais aller encore plus dans la beauté du truc, tu vois ?

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Tawsen Habibati Clip

C’est quoi ce délire ? T’es tout propre, bien sapé. Dans ton dernier clip, t’étais tout transpirant et tu courais en marcel.
Tawsen : On dirait un truc de fashion week, avoue ! J’ai des chaussures Bape, des trucs un peu stylés. En fait, j’aime bien la mode, les vêtements. Le rebeu est mignon, tu vois ? Dans mes autres clips, on misait plus sur l’intrigue en général ; là je voulais être bien, beau gosse, avoir un visuel super soigné et léché. Je fais les bons choix, tu me connais.

Marie : L’idée c’était de faire un clip très esthétique et d’y apporter un côté mode, moderne et épuré.

Tawsen : Parfois, il faut donner au public ce qu’il veut : un truc propre. Si tu dépenses des millions pour des clips à la Travis Scott, et qu’à la fin, les gens comprennent pas, ça sert à rien. L’idée c’était de faire un truc beau et accessible aussi ; facile à regarder.

« Si tu dépenses des millions pour des clips à la Travis Scott, et qu’à la fin, les gens comprennent pas, ça sert à rien. L’idée c’était de faire un truc beau et accessible aussi ; facile à regarder. » - Tawsen

Que ça soit facile à regarder, c’est pas une connotation négative pour vous ?
Tawsen : Est-ce que tu le fais pour toi ou pour réussir ? La musique, c’est aussi pour réussir. Je pourrais écrire des trucs compliqués à la Damso ou Nekfeu avec mille significations, des allitérations et tout ; mais ça me sert à quoi si le refrain ne reste pas en tête, si le truc ne fonctionne pas ?

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J’ai pas envie de faire des trucs stupides non plus. J’essaie juste de gérer les choses accessibles et personnelles. L’idée d’un clip « facile à regarder », c’est d’avoir un truc qui plaît aux gens qui accordent de l’importance à l’esthétique et, en même temps, que les gens qui s’en foutent de l’image ne se disent pas : « C’est quoi ce délire bizarre ? ».

Marie : C’est une vidéo accessible à tou·tes, mais qui, lorsqu’on cherche bien, à tout de même un fond et un sens ! C’est pas parce qu’on cherche à faire quelque chose de visuel que forcément il n’y a pas de fond derrière.

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Donc niveau sens, je suppose que les fleurs à la fin du clip, c’est une référence au premier EP ; mais les tissus ?
Tawsen : Les tissus ça représente la vie mon pote ! Non, je sais pas t’expliquer ; Marie je compte sur toi.

Marie : Les tissus portés par le figurante sont inspirés des tenues portées par les femmes au Sahara, les Melhfas. J’ai essayé d’y apporter de la modernité en choisissant des tissus unis, et en les mixant avec des accessoires plus « osés ». C’était important pour moi aussi de faire référence à l’identité de Tawsen de par ses origines marocaines, sans pour autant tomber dans le cliché.

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« C’était important pour moi de faire référence à l’identité de Tawsen de par ses origines marocaines, sans pour autant tomber dans le cliché. » - Marie

Ensuite, les fleurs brûlent, comme si elles laissaient place au prochain projet qui arrive. Pour les miroirs, hormis le fait de créer un tableau très graphique, l’idée était de transcrire le fait que Tawsen soit « perdu » dans sa relation. Il se retrouve à la fois face à lui même, les miroirs lui renvoient des images dont il ne sait pas si elles sont réels, ou si ce sont des mirages.

La fin, c’est une référence à « Flashing Lights » de Kanye West ?
Marie : Oui, c’est un clin d’oeil à « Flashing Lights ». Le visage est caché mais si tu cherches bien, il y a un sens caché à tout ça, et plusieurs interprétations possibles.

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Pour en revenir à la mode, Tawsen, tu veux porter quoi dans ton prochain clip ?
Tawsen : Du Prada, à l’ancienne. Quand je suis arrivé à Bruxelles à 12 ans, tous les grands avaient la paire de Prada noire qui brille, la casquette Gucci noire, l’ensemble Armani. Les gens portent du Off-White maintenant, moi je suis à l’ancienne. Sergio Tacchini, envoyez-moi vos sapes !

« C’est le tournage le plus luxueux que j’ai eu niveau conditions. » - Tawsen

Et niveau décor, les clips, c’est toujours des bonnes excuses pour prendre des vacances on dirait.
Tawsen : Surtout là, c’était le luxe. On était dans un gros truc, tout posé. Les gens me parlaient gentiment : « T’inquiète, bouge pas, on s’en occupe. » Ça me gêne, vu que je suis pas habitué à ça ; mais je dis pas non. C’est le tournage le plus luxueux que j’ai eu niveau conditions.

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Marie : On a surtout travaillé mais oui, c’est sûr que c’est toujours plus agréable d’être sous le soleil de Marrakech que sous la pluie ! Et les conditions de tournage étaient top. On était tou·tes ensemble dans une superbe villa à Marrakech donc forcément, y’a pire. L’équipe était très soudée et il y avait une bonne ambiance.

Tawsen : Je me rappelle pour les premiers clips, ceux du premier EP, j’étais là en mode : « les gars, je fais plus jamais de clip ». Je me souviens, on avait fait trois clips en deux jours à Marrakech. On avait pas de papiers officiels, on tournait en cachette à la fin. Personne parlait arabe à part moi. C’était la hess. Quand tu passes de ça au clip qu’on vient de faire…

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C’était comment de tourner dans le désert ?
Marie : Lorsque j’ai écouté le son qui est très mélancolique j’ai tout de suite eu l’idée de tourner dans le désert d’Agafay : c’est un endroit dingue esthétiquement avec des beaux volumes puisqu’il est entouré par les montages de l’Atlas. C’est juste incroyable. Ça collait parfaitement avec la chanson d’y ajouter un côté « mirage, perdu dans le désert ». En plus, on a vraiment eu de la chance parce que je pense qu’on a eu accès au meilleur spot, le Canyon Lodge.

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« Le matin, tu transpires comme un gros porc, y a du sable qui va dans tes yeux ; et la nuit, pour les dernières scènes, c’était North Face. » - Tawsen

Tawsen : C’était à une heure de route de Marrakech. C’est un lieu connu pour les gens qui font du quad, y en avait partout. Après, c’est le désert : le matin, tu transpires comme un gros porc, y a du sable qui va dans tes yeux ; et la nuit, pour les dernières scènes, c’était North Face. La nuit, il faisait froid putain.

Vous avez fait ça en une seule journée ?
Tawsen : Ouais, on a fait ça de 10 heures à 2 heures du mat’. Après, il me restait deux jours parce que l’équipe tournait autre chose. Vacances, piscine quoi. Je te dis : très content de ce tournage !

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Rassurez-moi ; la scène où tu tombes dans l’eau, vous l’avez faite qu’une fois ?
Marie : À la base cette scène n’était pas prévue du tout. On avait prévu un playback de Tawsen sur un miroir d’eau en plein milieu du désert. Pour des raisons pratiques, on avait installé un praticable à l’intérieur d’une piscine pour créer ce « miroir d’eau ». Et tout d’un coup, il s’est laissé tombé dans l’eau… froide. Le problème c’est qu’on était en train de filmer avec une focale à 80mm, donc en plan serré sur lui.

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« J’aimerais bien faire un truc à la rien à voir, genre fond vert, perruque, un gros renoi musclé habillé en rose avec une perruque, des nains. » - Tawsen

Tawsen : Personne s’y attendait et ouais, on filmait en grande focale, donc on voyait rien. J’ai dû la refaire comme une merde.

Marie : Je suis très contente qu’on ai pu la refaire, parce que vu la température de l’eau, je n’aurai jamais osé lui demander.

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C’est quoi la suite pour vous ?
Marie : Écoute, tout le monde à été plutôt content·e de mon travail, donc tu verras peut-être mon nom prochainement sur d’autres vidéos (Marie a signé le clip sous le pseudonyme de Ary Stark ndlr.).

Tawsen : Perso, j’aime bien surprendre et j’ai pas eu trop l’occasion de le faire, vu que y a pas trop de budget ; mais j’aimerais bien faire un truc à la rien à voir, genre fond vert, perruque, un gros renoi musclé habillé en rose avec une perruque, des nains… Mais ouais, ça coûte. Des nains ? Après ça coûte pas cher de faire ça, si ?
Tawsen : Tu dis que les nains ça coûte pas cher ? Je sais pas mec, c’est toi qui l’a dit !

Je parlais du clip…
Tawsen : Plus sérieusement, je vise un peu le délire à la Aminé, Tyler The Creator… Mais pour ça, faut que j’aille au studio, que je crée, que je trouve l’équilibre adéquat pour un morceau con mais qui soit bien fait.

Ça t’irait bien. Retour au studio alors.
Tawsen : Retour au studio ouais.

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