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Quand le lait a remplacé le vin dans les cafétérias en France

Il n’y a encore pas si longtemps, les berlingots de lait dans les cantines d’écoles françaises étaient des demi-litres de cru.

Le passé regorge de situations invraisemblables pour le citoyen moyen d’aujourd’hui. Il y a eu une époque où l’Église catholique a excommunié des animaux, où le Labrador appartenait au Québec et où le gouvernement français donnait aux enfants une ration d’un demi-litre de vin par jour.

La France est un grand pays agricole depuis toujours. Hors des grandes villes, la population rurale cultive la terre, travaille dans les champs et est loyale à sa région.

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Et pendant longtemps elle a cru que l’alcool rendait fort et aidait à rester en santé. Mais, vers les années 1850, certains vins ont rendu des gens malades. Jusqu’à ce qu’intervienne un certain Louis Pasteur.

L’effet Pasteur

En 1863, Pasteur est commissionné par Napoléon III de trouver une solution aux « maladies des vins ». En 1866, le scientifique publie Études sur le vin, dans lequel il propose de chauffer le vin à une température de 57 degrés Celsius. Cette précaution aura pour effet d’éliminer les microbes et impuretés dans le vin. Elle lui vaudra le grand prix de l’Exposition universelle de 1867 et on lui donnera son nom : c’est la pasteurisation.

Bien qu’aujourd’hui la plupart des vins ne soient plus pasteurisés, c’est à l’époque devenu le standard. Dans certaines régions, il était même plus sûr de boire du vin que de l’eau, ce qui a fait dire à Pasteur que « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ».

Image: Félix Nadar via WikiCommons

Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que des maisons de vin sans scrupule commencent à cibler les enfants directement dans les publicités. Elles offraient fréquemment aux écoles des buvards publicitaires vantant les bienfaits de leurs produits. Comme l’explique l’historien Didier Nourisson à AlloDocteurs, la société était alors « complètement alcoolisée, et on considère que l’alcool est un excellent produit pour tuer les vers dans le ventre, pour favoriser la croissance ».

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Un choix s’impose donc pour la plupart des parents, surtout dans les régions viticoles. Les enfants partent à l’école le matin avec leurs livres, leurs devoirs et un demi-litre de vin, de bière ou de cidre dans leur sac à dos. Dans certains cas, l’école fournissait elle-même aux élèves de quoi picoler le midi! Soyons honnêtes, ce n’était peut-être pas la meilleure idée pour l’éducation des enfants, mais ils devaient être pas mal amortis en après-midi, rendant sans doute plus facile le travail des enseignants.

Le verre de lait de Mendès France

Mais toute bonne chose a une fin. En 1956, le premier ministre Pierre Mendès France décide de s’attaquer au problème grandissant de la malnutrition et de l’alcoolisme, autant chez les enfants que chez les adultes. Député de l’Eure, en Normandie, dans les années 30, il avait mené un projet pilote consistant à donner aux enfants un verre de lait chaque jour. Les résultats étant bénéfiques, Mendès France a déposé un projet de loi afin qu’on donne quotidiennement du lait à chaque enfant au pays. Mais la Deuxième Guerre mondiale a forcé le pays à remettre le projet à plus tard.

Lorsqu’il devint premier ministre sous René Coty, il a repris là où il avait laissé, convaincu que le lait était bon pour le développement des enfants. Fini le beaujo de la récré, l’alcool est maintenant interdit dans les écoles aux enfants de moins de 14 ans. Désormais, c’est un verre de lait et un morceau de sucre que recevra chaque enfant au goûter.

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Sage décision, se dit-on aujourd’hui. Mais à l’époque, dans les années 50, ç’a été une catastrophe politique. Beaucoup y ont vu en premier lieu une tentative de Mendès France de relancer par cette campagne l’industrie laitière française, très mal en point après la guerre, et de s’attirer ainsi le vote des fermiers.

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De plus, après s’être fait répéter pendant des années que l’alcool rendait leurs enfants forts, vigoureux et en meilleure santé, les parents ont eu beaucoup de mal à croire le gouvernement, qui leur affirmait qu’en fin de compte, Pasteur n’avait peut-être pas raison sur tous les points et que l’alcool pouvait être dangereux pour les enfants, surtout en bas âge. Des parents sceptiques ont même décidé de faire boire à leurs enfants leur portion quotidienne d’alcool avant de les envoyer à l’école, où les petits arrivaient saouls comme des bottes, à moitié endormis.

Et ce n’est que dans les années 80 que l’alcool a été également banni pour les plus de 14 ans dans les établissements scolaires. Malgré tous les bienfaits de cette initiative, certains, comme Denis Saverot de la Revue du Vin de France, avancent l’hypothèse que cela a favorisé les beuveries et la consommation d’antidépresseurs, mais c’est un autre débat.

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