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capitalisme

Démissionner : le nouveau hobby des jeunes

Ce n'est pas une blague.

Cet article a été initialement publié sur VICE US.

Quel jeune actif n’a jamais rêvé de démissionner dans un claquement de porte, ou même de partir en catimini vers un job dix fois mieux payé pour enfin vivre la vie rêvée ? Il se trouve que c’est un rêve devenu réalité pour de plus en plus d’Américains à en croire le Ministère du Travail cité dans un rapport de l’Association Nationale de la Presse :

Le taux de démissionnaires a atteint 2,4 % en mai dernier. De quoi battre le record d’avril 2001, jusqu’ici inégalé. C’est le signe d’un marché du travail en pleine forme : en général quand on démissionne, c’est pour accepter une offre plus alléchante. Un changement régulier de poste est souvent synonyme de progression sur le plan professionnel, comme le prouvent les chiffres du gouvernement.

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Alors, bonne ou mauvaise nouvelle ? L’inertie salariale n’a que trop fait souffrir la société américaine, et l’un des seuls moyens de la transcender, c’est d’accepter une nouvelle offre d’emploi. La boîte de consulting Deloitte a dévoilé en janvier dernier un sondage selon lequel 43 % des millennials prévoient de lâcher leur emploi d’ici deux ans, tandis que 61 % de la génération Z expriment un désir similaire et préfèrent être l’employé d’un mois plutôt que l’employé du mois. Dans cette étude, on apprend aussi que les jeunes n'aiment pas travailler dans des entreprises qui entretiennent une obsession du profit. On est bien loin des années Reagan, et surtout de 1984, surnommée « année yuppie » par Newsweek. Le capitalisme financier emportait alors une adhésion inédite aux États-Unis.

Qu’a-t-il bien pu se passer ? Déjà, une ribambelle de krachs boursiers, de 1987 à 2001 en passant par 1990-1991 pour finir sur l’apothéose de 2008. Ensuite, une montée en flèche des inégalités, accompagnée d’un effondrement des aides sociales et d’une augmentation délirante des frais de scolarité. Sans compter la disparition progressive d’institutions aussi essentielles que les syndicats, les paroisses ou, à plus forte raison, les métiers de confection industrielle, autrefois synonymes d’un emploi à vie stable et rentable. Le mâle blanc chiant so fifties (chemise repassée, raie sur le côté) enfermé dans un bureau du matin à pas trop tard le soir, voué à une prospérité sereine et à une place au chaud dans la classe moyenne, est désormais une espèce en voie de disparition. Le règne des « millionerds » a commencé, dans la Silicon Valley comme ailleurs, et ce sont eux qui édictent les valeurs économiques et la culture entrepreneuriale actuelles.

Tout avait commencé avec l’éclosion de la bulle Internet, période connue aujourd’hui sous le nom de « capitalisme tardif ». Puis les jeunes actifs ont vu ce modèle vaciller, et avec lui l’attitude à adopter. Les sondages des dernières années décrivent une génération libérée des impératifs de profit, et qui préfère penser à l’impact de son travail sur le reste du monde. Les jeunes d’aujourd’hui ont un désir de mobilité professionnelle bien plus marqué que leurs aînés baby-boomers.

C’est à travers les changements idéologiques qu’on a d’abord pu observer ces changements. Alors que le tropisme anti-gauche de la Guerre Froide s’effondrait avec le bloc soviétique, le socialisme a commencé à trouver de plus en plus d’adeptes chez les jeunes gens. Quid du capitalisme ? Selon un sondage de l’Institut de Sciences Politiques de Harvard, seuls 42 % des 18-29 ans s’en revendiquent. Bernie Sanders et sa famille politique l’ont prouvé, l’affaire dépasse la seule théorie : c’est aussi une question d’engagement.

Entendons-nous bien : les socialistes purs et durs sont encore marginaux dans le paysage politique américain, et le duopole bourgeois Démocrates/Républicains a encore de beaux jours devant lui. Il va de soi que les trotskistes n’ont pas l’apanage de la mobilité professionnelle. Toutefois, cette recherche frénétique et quasi-désespérée de meilleures opportunités nous dit bien quelque chose de la nouvelle génération et de la société américaine en général : on est des millions à avoir envie de changement, une envie qui n’a pas fini de s’infiltrer à travers le monde entier. Nos parents peuvent bien pousser des cris d’orfraie, ils n’ont encore rien vu.

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