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LE NUMÉRO MODE 2014

Un ptit mec du Japon

Le génie à l’origine des meilleurs costumes de David Bowie.

Portrait : Kazumi Asamura Hayashi

En janvier 1972, David Bowie et son groupe ont démarré le Ziggy Stardust Tour, une tournée mondiale de 18 mois étalée sur trois continents, pour la promo de l’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars and Aladdin Sane. Comme vous le savez, le personnage – et double – de David Bowie, Ziggy Stardust, a eu un impact énorme sur le sexe, la mode, et a inventé l’uniforme travelo que l’on retrouvera dans tout le glam rock des années 1970. La plupart des tenues voyantes de Ziggy – kimonos d’avant-garde et pantalons bouffants – ont été conçues par Kansai Yamamoto, un styliste tokyoïte, qui ne se serait jamais douté que ses créations allaient laisser une telle empreinte dans l’histoire du rock’n’roll. La rédactrice et photographe Kazumi Asamura Hayashi a contacté Kansai – qui, des décennies après Ziggy, n’a cessé d’influer sur la mode contemporaine – pour lui parler de sa première rencontre avec David Bowie et de comment sa passion pour les manteaux en tissu d’Asie centrale pouvait provoquer des accidents de voiture.

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Photo : Masayoshi Sukita

VICE : J’ai entendu dire que David Bowie voulait tellement que vous conceviez ses costumes qu’il a pris son jet privé pour venir vous le demander en personne. Pouvez-vous me parler de votre première rencontre ?
Kansai Yamamoto : En réalité, je ne savais pas qui était David Bowie avant de le voir porter mes vêtements sur scène au Radio City Music Hall, à New York. Yakuso Hayashi, ma styliste, travaillait pour Bowie et lui avait donné quelques-unes de mes fringues. C’était la première fois que je rencontrais un artiste qui portait mes créations. Avant cela, je n’avais pas idée de l’immense talent qu’il avait. (Il m’est arrivé la même chose avec Lady Gaga. J’ai découvert à quel point elle était talentueuse lorsque j’ai fait une recherche sur Internet dix minutes avant de la rencontrer.) À l’époque, David Bowie voulait transcender les genres. Je ne connaissais rien à ces concepts-là, mais je me souviens m’être extasié lorsque je l’ai vu porter des vêtements que j’avais conçus à l’origine pour les femmes. Ces vêtements suivaient la méthode hikinuki, qui sert à changer de costume le plus vite possible lors des spectacles de kabuki. Le public new-yorkais a donc eu l’occasion de voir Bowie changer de costume plusieurs fois au cours du même concert. J’ai réalisé que j’avais bien fait mon boulot lorsque les gens dans le public se sont levés pour applaudir. J’ai rencontré beaucoup de gens célèbres dans le monde de la musique occidentale grâce à David, et la chose dont je suis sûr, c’est que ces gens sortent toujours de l’ordinaire.

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Vous avez dit que votre travail portait en lui une forme de « beauté japonaise ». Qu’entendez-vous par là ?
À votre avis, pourquoi Andy Warhol était-il obsédé par la nourriture en boîte ? C’est pareil pour moi, mais avec des thèmes japonais. Chaque artiste a son propre truc. J’utilise souvent des motifs japonais et parfois, je me demande si je les sélectionne parce que je suis moi-même japonais. J’ai fait le tour du monde, j’ai vu toutes les religions, à ce point que je me demande parfois d’où je viens. Je suis japonais, donc évidemment, je me pense en tant que japonais – je mange de la nourriture japonaise. Je n’ai presque jamais mangé de nourriture occidentale. Cela dit, les spaghettis de ma fille Mirai sont délicieux ! Mais vous voyez, je les mange avec des baguettes. Je ne serais pas à l’aise si je les mangeais à la fourchette.

Avez-vous de nouveaux projets en vue ?
Je ne peux donner trop de détails, mais je pense faire un « super show » à Istanbul. Il y a beaucoup de villes et de pays avec « -stan » dans leur nom – l’Afghanistan, Istanbul. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les tissus de l’Inde, de la Chine et du Tibet, mais je n’avais jamais étudié ceux d’Asie centrale. Le pantalon que je porte ici est fabriqué à partir d’un tissu provenant de l’un de ces pays en « -stan » et c’est un matériau très difficile à utiliser pour créer des vêtements. C’est un tissage, le tissu intérieur n’est pas le même qu’à l’extérieur. J’ai fait un manteau à partir d’un tissu d’un pays en « -stan » et j’en suis très content. Si je le porte en ville, les gens me regarderont trop longtemps et se planteront en voiture.

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On vous considère comme quelqu’un de très dur avec lui-même. C’est vrai ?
Je fais tout ce que je dis. Tout. Et ce, jusqu’à ma mort. Je veux que les gens se souviennent de moi comme de quelqu’un qui s’est montré à la hauteur de ses grandes phrases. Parfois, ça veut dire que j’en demande trop aux autres. Je suis très difficile, je veux tout contrôler jusqu’au moindre détail. Mais je ne me vois pas comme un perfectionniste. Si je visais la perfection, le moindre échec me rendrait fou. Imaginer un scénario de ce genre est un vrai cauchemar ! Parfois, je me demande, Quelle a été la pire période de ta vie ? La réponse est toujours la même : celle où je n’avais pas assez d’argent pour vivre du stylisme. Mon plus grand souhait est de rester le mec le plus flashy du coin, peu importe mon âge.

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Photos : Tajima Kazunali