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LE NUMÉRO INTERVIEWS

Employé du mois

On a décidé de faire un numéro rempli d’interviews de gens avec qui on avait envie de discuter.

On a décidé de faire un numéro rempli d’interviews de gens avec qui on avait envie de discuter. Comme on s’est toujours demandé comment ça se passait chez notre imprimeur, à Landau en Allemagne, on lui a téléphoné pour prendre des nouvelles.

Vice : Bonjour Albert, ça va je te dérange pas ? Albert Herrmann : Non du tout, je viens de déjeuner. Super, mais il est midi là, tu as déjà mangé ? En Allemagne on déjeune tôt et on mange du pain noir bien fibreux pour faire passer la charcuterie… Ah, et comment ça se fait que tu parles aussi bien français ? Parce que je suis alsacien. Ma boîte s’est cassé la figure alors j’ai trouvé un job en Allemagne, en profitant de mon bilinguisme. J’imagine que c’est quand même plus nazi là-bas, je veux dire, mieux payé et mieux organisé ? Mieux payé, je dirais pas, ça doit être du pareil au même, hein. Ah, c’est ce que j’avais cru comprendre en faisant le numéro sur Behren-lès-Forbach. Je sais, oui, c’est d’ailleurs un des plus beaux trucs que j’aie vus dans votre magazine… Donc il t’arrive de le lire en fait. Oui, en diagonale, pour vérifier les BAT (bon à tirer), il était bien ce numéro, typiquement français quoi, régional. Merci, ça fait plaisir, mais t’es bien placé pour savoir qu’on est un magazine international, tu imprimes combien d’éditions de Vice ? On en est à quatre, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et France. C’est les Français les plus chiants ? On est toujours en retard… Le mal typique des Français, être en retard et payer à 90 jours. Moi, je suis baigné par les deux cultures, et j’ai une partie commerciale et une partie technique. Je sers d’interface.  C’est pour ça qu’on t’aime et parce que c’est toujours super bien imprimé aussi. Tu peux m’expliquer comment ça marche ? Notre maquettiste, qui est au Canada, t’envoie quoi, des pdf ? Ouais, des pdf avec lesquels on fait une plaque offset, un système basé sur l’antagonisme de l’eau et de la graisse. La graisse rentre par endroits, et quand on a flashé les plaques avec les pdf, elles sont tendues en machine, puis encrées. Et c’est ainsi qu’on imprime les quatre couches – cyan, magenta euh… yellow, noir – en surimpression et ça te donne une impression couleur quadri. OK. Et c’est pas trop bruyant dans la salle des machines ? Si, les imprimeurs se promènent avec des bouchons dans les oreilles. Y’a des accidents du travail dans une imprimerie ? C’est devenu rare, y’a des sécurités partout. Bon, c’est sûr, si tu mets la main exprès dans la plieuse parce que c’est lundi matin et que t’avais un coup dans le caniveau le dimanche soir… Mais bon, ça, hein, on n’y peut rien, on travaille pas quand on a bu. T’as des collègues de travail qui ont des doigts en moins ? Non, moi je suis typographe de métier, je viens de l’âge du plomb. À l’époque le risque c’était le saturnisme. Il fallait boire du lait, avoir les ongles ras et des choses comme ça. Maintenant qu’on est passés du plomb au pixel… C’est plus… tranquille. T’as déjà débarqué au milieu de la salle des machines en hurlant : « ARRÊTEZ TOUT !!! STOPPEZ LES ROTATIVES !!! » Non, mais j’aime rentrer dans la salle d’impression, sentir les solvants des encres, c’est un truc auquel je suis attaché depuis plus de 35 ans. L’odeur de l’encre et le bruit des machines.