Joueur : Demander au meurtrier pourquoi il est un con.Machine : Le meurtrier se retourne vers vous et vous demande ce que vous voulez. Vous lui dites que vous voulez juste savoir pourquoi il est un con. Le meurtrier regarde ses pieds et soupire profondément, puis il répond : « Mon père était un con. »Cet échange authentique entre un homme et un système informatique contient toute l’essence d’AI Dungeon, un jeu de rôle basé sur un générateur de texte souvent présenté comme une intelligence artificielle, le GPT-2.
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Improvisation collaborative
Mitrailleuse = Bouillie
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Lorsqu’un joueur d’AI Dungeon indique au GPT-2 qu’il tire à la mitrailleuse sur une horde de morts-vivants, ce que le générateur de texte a « retenu » des huit millions de pages de son entraînement lui font écrire que les zombies vont finir en bouillie – et pas, par exemple, transformés en crapauds. Pour être sûr que les joueurs et la machine se comprennent au mieux, Nick Walton a tout de même apporté un entraînement complémentaire à l’intelligence artificielle : la version du GPT-2 sur laquelle repose la version gratuite d’AI Dungeon a digéré une bonne partie du site de « livres dont vous êtes le héros » en ligne Chooseyourstory.com.Quand la première version complète d’AI Dungeon est sortie en novembre 2019, 100 000 personnes l’ont téléchargée en une semaine. « Le problème, se souvient Nick Walton en riant, c’est que notre modèle pesait environ cinq gigaoctets. Chaque fois que quelqu’un jouait, ces données étaient téléchargées depuis des serveurs installées en Europe et en Asie, ce que nous ignorions. En quelque chose jours, nous avons écopé de 20 000 dollars de frais. » Quelques ajustements ont permis de réduire ces coûts. La communauté, elle, a continué de croître. Aujourd’hui, deux millions de personnes jouent à AI Dungeon chaque mois.Les membres les plus passionnés de cette communauté se retrouvent sur Reddit, 4chan et Discord, entre autres, pour échanger des histoires et partager des astuces. Plusieurs guides collaboratifs ont déjà été écrits : pour écrire aussi efficacement que possible, pour bien choisir l’univers de son histoire, pour apprendre les diverses commandes du jeu… Mais aussi pour profiter au mieux du potentiel pornographique d’AI Dungeon. Contacté par VICE France, le créateur du Discord officiel du jeu explique : « Le NSFW est un sujet populaire dans la communauté… Pour des raisons évidentes. AI Dungeon laisse une grande liberté exploratoire aux joueurs. »
Beaucoup de nerds, quelques pervers
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Quelque soit votre intérêt sexuel déviant, AI Dungeon a les moyens de vous satisfaire – ou presque. Récemment, un joueur a osé demander aux développeurs du jeu d’entraîner leur modèle a comprendre la sous-catégorie hentai pointue des « slime girls ». Nick Walton ne semble pas enchanté par les affres de ces joueurs-là : « Ce n’est pas la partie du jeu qui m’enthousiasme le plus, soupire-t-il. Et ce n’est pas nécessairement celle que je vais chercher à améliorer le plus activement. Mais les gens peuvent faire ce qu’ils veulent et nous avons activé un filtre parental par défaut. Nous n’allons pas lutter contre ça. Étonnamment, il est extrêmement difficile de forcer une IA à ne pas faire quelque chose. »Les discussions des joueurs sur les forums dédiées montrent que le GPT-2 peut être difficile à encadrer. Le modèle d’AI Dungeon aime faire apparaître des gens dans le dos des joueurs, faire parler les animaux dès leur arrivée dans l’intrigue ou introduire des objets contemporains – voitures, téléphones – dans des univers médiévaux, entre autres comportements surprenants. Pour Nick Walton, ces marottes liées à la base de données d’entraînement du modèle sonnent comme les clichés d’un écrivain de fiction. Après tout, les véritables problèmes du jeu sont autrement plus dangereux pour son potentiel immersif.Parfois, AI Dungeon oublie des informations communiquées par le joueur, notamment le genre d’un personnage. Il lui arrive aussi de ne pas savoir quoi répondre, ou même de répondre n’importe quoi. C’est alors que l’illusion se brise : le maître de donjon redevient une machine qui fait semblant de savoir de quoi elle parle, un automate qui façonne ses réponses selon la probabilité qu’un mot en succède à un autre plutôt qu’une véritable « intelligence artificielle ». Pourtant, rapporte Nick Walton, certains joueurs sont persuadés de discuter avec un humain lorsqu’ils jouent à AI Dungeon. Ce qui signifie que son jeu réussit le test de Turing – parfois.
Dire voiture et tout oublier
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Suspension de crédibilité
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