ecrire un memoire d'etudes
Société

Y’a du soleil et des festivals, mais vous avez un mémoire à rédiger

Voici nos ultimes conseils pour réussir votre mémoire de fin d’études.
Marine Coutereel
Brussels, BE
LG
illustrations Léo Gillet
Brussels, BE

Oui. Les terrasses n’ont jamais semblé aussi accueillantes, les bières aussi fraîches. Oui. Les festivals sont lancés. Oui. L’air se parfume d’un doux fumet de saucisses grillées. Oui. Votre coloc commence à parler à ses boutures en calbute sur le balcon. Oui.

Mais il y a un mais : un gros nuage noir appelé indistinctement « mémoire académique », « thèse », « travail de fin d’études » galope à vitesse grand V dans le ciel de votre liberté, vous gâchant la vue et anéantissant la moindre étincelle de réjouissance estivale. Vous n’avez pas envie de vous y coller, et c’est normal. Or, il faut parfois rentrer dans l'œil  du cyclone pour le voir s’éloigner au plus vite. Ou, comme dirait une amie à moi, « ne pas tortiller du cul pour chier droit ». Vous allez le sortir, ce mémoire, croyez-moi. Suffit de pousser un bon coup – et de parcourir ces quelques conseils.

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Déployez le plein pouvoir de votre âge

C’est prouvé : ce ne sera jamais aussi facile qu’aujourd’hui. Entre 20 et 25 ans, votre cerveau aura – en principe – quitté le mode gogolito lolilol pour se trouver au sommet de ses performances. Dans une étude parue dans la revue Plos One, des chercheurs ont défini l’âge auquel cet organe possède le maximum de ses compétences cognitives : 24 piges. Demandez aux trentenaires en cours du soir ou aux parents qui s’arrachent les cheveux devant des sinus et cosinus. Concentration, motivation, réactions : avec les années, tout prend un sacré coup (et pas seulement du point de vue extérieur). Estimez-vous heureux·se, votre organisme n’a pas encore entamé sa triste décroissance : vous êtes au top de vos capacités. La preuve ? Ivre, vous êtes poète et polyglotte. Dans vingt piges, vous serez juste très rouge et très con. Donc s’il y a bien un moment pour attaquer ce gros morceau, c’est maintenant.

Redescendez – vous ne visez pas le prix Nobel

Même si les profs vous tannent depuis le début de l’année avec l’importance du mémoire – ils sont payés pour, c’est compris dans leur charte secrète au même titre que de demander aux BAC1 de bien regarder à leur gauche, à leur droite, et de déjà dire adieu à leurs deux voisins d’amphi –, ce projet académique ne mérite pas tout le foin qu’on en fait. Il ne finira pas encadré chez vos parents ni posé sur votre table de chevet. Il ne vous servira même pas à stabiliser votre bibliothèque BILLY ou à faire un feu quand les prix de l’énergie seront devenus totalement zinzins. Le pavé dont vous allez accoucher ne va pas changer votre vie. Encore moins l’ordre du monde. En fait, dès la seconde où vous aurez quitté la pièce de défense orale, il n’existera plus. Ni pour vous, ni pour personne. POUF !

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Choisissez bien votre environnement

Pas besoin de vous infliger une retraite monastique ou un séjour en centre fermé. Chez vos parents, ça fera tout aussi bien l’affaire. D’accord, le wifi est pourri, votre lit ressemble à une boîte d’allumettes et il vous faudra supporter les émissions à la con dont votre père raffole (« Il est quand même sympa ce Stéphane Plaza, pas vrai pilou ? »). Mais avez-vous pensé au room service dont seules les mamans qui ne connaissent pas Mona Chollet ont le secret ? Petite collation à 16h, lessive pliée et repassée, draps changés, etc. Toute une logistique à laquelle il ne vous faudra plus penser et un précieux gain de temps pour avancer.

Votre famille vous déteste ? Vous n’avez pas de parents ? Il y a toujours la « bibli ». Du moins si vous vous estimez assez fort pour rester focus dans ce défilé constant de corps chargés d’hormones où chaque tentative de drague implique, d’une façon ou d’une autre, un Stabilo. Mais paraît que ça en booste certain·es, d’être entouré·e d’une horde de zombies à AirPods.

Trouvez votre François Pignon

C’est inévitable : nous avons tendance à nous comparer aux autres. Vous le savez mieux que personne, vous qui passez votre temps à vous demander pourquoi cette meuf a 65K d’abonné·es et pas vous. Trop injuste, vraiment. Alors c’est simple : entamez un processus de rapprochement discret avec le camarade de classe aux deux neurones, celui en qui personne ne croit (même pas la prof de philo, pourtant connue pour son ouverture d’esprit). Vous pourrez ainsi vous rassurer tous les trois jours en lui demandant l’état d’avancement de son projet. Si de plus en plus d’élèves dont vous ne connaissiez que le prénom se mettent soudainement à s’intéresser à vous, c’est mauvais signe.

Tout est question de timing

Il y a les gens qui laissent leurs croûtes de pizzas, ceux qui préfèrent les chiens et ceux qui dorment sur le ventre. Et puis il y a ceux qui sont du soir, et ceux qui sont du matin. Ne vous faites pas trop violence : respectez votre horloge interne. Choisissez une plage horaire qui vous convient, et essayez de vous y tenir. Si c’est entre 1h et 3h du mat, c’est très bien. Il y aura toujours des gens pour vous mettre la pression en vous racontant qu’ils bossent six heures par jour depuis février. Ne les écoutez pas. Ils mentent. Ou ils sont complètement tarés. 80% de votre mémoire sera rédigé dans l’urgence. Embrassez donc votre procrastination tant que vous le pouvez. Le rush final, l’adrénaline de la dernière nuit, ça fera de bons souvenirs à raconter à vos enfants. Puis ça rajoutera un peu de punk à votre réussite. Car oui, vous allez réussir (cf. avant-dernier point).

Tenez-vous éloigné·e des réseaux sociaux

Désactivez vos comptes, coupez internet, placez votre smartphone, ce démon, dans une autre pièce… Bref, limitez les tentations et évitez de zoner sur Discord. Ou de poster des reels pour chercher un peu de réconfort et vous faire croire que vous bossez. De un, tout le monde s’en fout. De deux, il a été prouvé qu’accumuler les likes sur une nature morte de laptop/smoothies vitaminé/post-its colorés ne va pas vous aider à avancer. Sauf si vous êtes sponso par la dernière marque de boisson énergisante BIO. Dans ce cas, abandonnez le mémoire et consacrez-vous à cette carrière d’escroc-influencer. Vous ne gagnerez jamais autant de fric avec le job que vous allez décrocher après. C’est le moment de renflouer les caisses – et d’anticiper la retraite.

Adoptez l’hygiène de vie qui vous convient

S’aérer, faire un peu de sport, bien dormir, boire de l’eau, manger équilibré… ces conseils tombent sous le sens. Cela dit, n’en faites pas trop non plus. Pas besoin de devenir Bryan Johnson. Ne vous enfilez pas cinq kilos de filet de saumon Picard dans l’espoir de doper instantanément votre cerveau aux omégas-3. Il fallait y penser avant. C’est un long processus, que de se changer de l’intérieur. Quant aux compléments alimentaires qu’on va essayer de vous vendre par tous les moyens, du bullshit mis en plaquettes. Si vous aimez la malbouffe, utilisez le double-cheese comme récompense une fois le premier chapitre clôturé. Pour un coup de boost, un peu de caféine, des fruits de saison, une séance de masturbation ressourçante, une cure de microdosing, voire un peu de Rilatine de contrebande si ça fonctionne pour vous. Chacun ses armes.

Prenez garde aux vices de la technologie

Sans doute le conseil le plus précieux, connu de tout le monde mais délibérément ignoré (l’amour du risque ?) : installez un rappel bi-quotidien de sauvegarde sur votre phone, ou utilisez Time Machine. Si je n’ai aucun souvenir de mon sujet de mémoire, celui de moi en larmes devant un ordi qui refuse de s’allumer, puis celui de moi toujours en larmes devant le type de PC Genius qui me lance un « tout est perdu, mais j’imagine que vous avez un back-up ? » est encore brûlant. On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Faux.

Léchez la raie de votre promoteur

Abandonnez toute fierté. C’est cet individu et pas un autre qui va se saigner pour vous défendre lors des délibérations. Votre avenir est entre ses mains. Soyez sympa, faites semblant d’être intéressé, donnez-lui des nouvelles hebdomadaires, suivez ses conseils, flattez-le, jouez la carte du fayot. C’est un bon exercice pour la vie professionnelle qui vous attend. S’il ou elle n’est pas trop mal, vous pouvez aussi coucher avec. À l’époque, ça fonctionnait.

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Maîtrisez l’art de la paraphrase

Quelqu’un s’est déjà penché sur votre sujet et a pondu quelques idées plutôt bien ficelées ? Pourquoi ne pas simplement les reprendre, en en modifiant quelque peu la forme ? Bien moins grossier que de faire appel aux soi-disant pouvoirs magiques de ChatGPT, utilisez des synonymes, traduisez librement des documents rédigés dans d’autres langues, citez parfois vos sources quand c’est un peu trop gros, mais ne laissez pas passer cette opportunité. On vous a sans doute parlé de fraude en brandissant la fameuse menace de la « machine à plagiat ». C’est une légende urbaine.

Mettez le paquet sur la forme

Ça y est, vous avez fini. Bon, le fond n’est pas top ? Misez tout sur la forme. Interligne suffisant, police sobre, belle table des matières et bibliographie parfaite, usage irréprochable des guillemets français, titre impactant et sous-titre à rallonge qui sonne intello. Allez chez un professionnel pour le faire imprimer sur du papier épais et satiné, sortez votre portefeuille pour soigner la reliure, demandez à papy, fan inconditionnel de Bernard Pivot, de relire le pavé en vous entourant en rouge les dernières coquilles. Nous vivons dans une société du paraître, où le superficiel revêt une importance capitale. Le monde académique ne fait pas exception.

Gardez la confiance…

Si dès le départ, vous ne croyez pas en vous, ça peut vite vous empêcher d’avancer. Franchement, je ne connais personne dans ma promo qui a raté son mémoire – à moins, évidemment, de le vouloir vraiment (et encore). Le plus grand souhait de votre unif’, c’est que vous libériez la place. Après trois ou cinq années à traîner vos fesses molles dans leurs auditoires démodés, ils n’en peuvent plus de votre gueule. Ils ont besoin de chair fraîche. Vous allez y arriver, parce qu’au fond, ils ne veulent que ça.

… ou accordez-vous une année de plus, tout compte fait

Grosse flemme ? Tendinite au poignet ? Manque d’inspiration ? Mieux à faire ? Ce n’est pas si grave. Donnez-vous le luxe du temps et postposez la remise : pourquoi pas l’année prochaine, finalement ? Car vous vivez la meilleure période de votre vie. Rien ne vaut la douce oisiveté et l’insouciance de la dernière année d’études, où l’on s’amuse à pratiquer l’onanisme intellectuel et l’esbroufe linguistique sur des sujets aussi abstraits qu’inutiles, à coup de phrases à rallonge et de démonstration à la première personne du pluriel. Votre entourage vous prend pour un·e érudit·e, vous jouissez de tarifs préférentiels un peu partout et vous pouvez simplement décider de ne pas aller en cours. À ce jour, il n’y a qu’un pas qui vous sépare de l’absurdité d’un quotidien professionnel insensé, déprimant et sans pitié. Et ce pas, c’est le mémoire. Êtes-vous sûr de vouloir le franchir ?

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