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LE NUMÉRO INTERVIEWS

Terry Jones, ben Rayner

Vous vous dites probablement que les Monty Python étaient, pour votre père homo refoulé, le triste étendard de son excentricité forcée lorsqu’il croyait tromper son monde à faire semblant d’être gai alors qu’il était ivre mort.

Vous vous dites probablement que les Monty Python étaient, pour votre père homo refoulé, le triste étendard de son excentricité forcée lorsqu’il croyait tromper son monde à faire semblant d’être gai alors qu’il était ivre mort. En fait, peut-être que les mots « Monty Python » agissent comme un déclencheur pavlovien de souvenirs traumatiques : la honte de voir votre maman pleurer en silence pendant que papa y allait sur « Spanish Inquisition » et « Ministry of Funny Walks » – deux sketches cultissimes extraits du Monty Python’s Flying Circus, diffusé en 1970. Mais creusez un peu plus profondément dans votre Moi blessé et vous réaliserez que votre père était un artiste raté qui rêvait secrètement que votre mère avorte de vous afin de poursuivre sa carrière dans le théâtre comique expérimental. Tout ça à cause des Monty Python. Leur influence va jusque là. Monty Python, c’est le résultat d’un joyeux bordel de talents improbables et d’heureux hasards, défiant toute l’intelligentsia du rire et façonnant pour des décennies le psychisme du bourgeois anglo-saxon moyen. Pour beaucoup plus que ceux qui voudront l’admettre, l’adolescence a été un mélange flou de masturbations furtives et de références aux Python. La rumeur veut, chez les fans, que le cerveau des Monty Python ait été un Gallois nommé Terry Jones. Son enthousiasme les a toujours soudés, même lorsqu’ils balançaient des chaises sur John Cleese. Il a aussi la carrière solo la plus élaborée des Python, passant successivement de l’écriture de scénarios, au jeu d’acteur, à la fiction pour enfant, à la réalisation, à l’histoire médiévale, et dernièrement, aux commentaires politiques dans un livre qui titre Terry Jones’s War on the War on Terror, et qui est, soit dit en passant, très bon. Récemment, il a également écrit et mis en scène un opéra joué à Lisbonne, fondé sur certains de ses fantasmes avec des parcmètres et autres ustensiles de la vie courante. Vice: Avez-vous essayé de faire des Monty Python une œuvre satirique et novatrice, ou avez-vous juste essayé d’être drôle ? Terry Jones: Nous pensions certainement que nous allions faire le show le plus drôle du monde. Je me souviens d’avoir ressenti cela, ainsi que l’impérieuse nécessité de bien le faire. Il fallait être sur la brèche. Notre plus grande préoccupation a été d’obtenir le droit à la diffusion. Nous adorions Spike Milligan du Q5 qui s’est débarrassé du schéma classique du sketch avec début, milieu, chute, et j’ai pensé que nous pourrions combiner cela avec le jeu de Terry Gilliam pour aboutir à quelque chose de très différent. Je me rappelle en avoir fait part à Michael [Palin] et Terry [Gilliam] et d’avoir reçu un retour. Mais John [Cleese], Graham [Chapman], et Eric [Idle] n’étaient pas si intéressés. Avez-vous pensé que ça durerait ? Pas du tout. La politique de l’époque de la BBC était d’effacer après quelques années tout ce qui n’était pas des enregistrements d’orchestre ou de ballet. Notre monteur m’a averti un jour qu’il allait pirater les bandes de la BBC et les copier. Pendant un moment, j’ai cru que le seul enregistrement de notre première saison finirait dans ma cave. Et ça nous allait. Ça vous arrive de regarder certains de vos vieux shows ? La dernière fois que je les ai regardés ça a été lorsque nous avons fait le Terry Jones’ Personal Best, où nous avons tous choisi nos moments préférés. En fait, on a juste sélectionné ceux qui n’avaient pas été pris par les autres. J’ai repêché le truc du tueur-à-blague, où il y a une plaisanterie qui est tellement drôle que les gens meurent, et qu’ils utilisent à des fins de guerre. Pourtant, à l’époque, ça ne nous avait pas vraiment fait rire. J’en ai coupé environ trois minutes au montage, sans perdre aucune des blagues. Et vous ne trouvez pas que certaines de vos plaisanteries sont vraiment embarrassantes ? Oui, les blagues sur les camps semblent aujourd’hui un peu âpres. La façon dont nous représentions les femmes est périmée. On ne leur a pas donné beaucoup de consistance. Avec John Cleese – un autre membre des Monty Python – vous étiez complètement opposés, non ? Eh bien, c’est ce que racontent les rumeurs, mais je ne sais pas si c’est avéré. Ouais, il y a eu beaucoup de conflits. Mais je n’ai jamais jeté de chaise à la gueule de John. Enfin si, une seule fois. Et ça n’avait rien de personnel. C’était juste un conflit d’intérêt. Nous défendions tous ce que nous pensions être drôle et nous étions tous potes. Mais j’ai toujours tendance à partir au quart de tour, et maintenant encore plus qu’avant. John est beaucoup plus cool. Il aimait bien me pousser à bout, je crois. Et vous aviez des groupies ? Déjà, mes fans tendent à être de sexe masculin, ceux de sexe féminin ayant tendance à ressembler à des mecs. C’est terriblement injuste, non ? Ça n’était certainement pas assez rock and roll.  Pas d’orgies de drogues ? On s’est un peu ratés du point de vue des drogues. Nous sommes de la génération juste avant ; on a beaucoup bu parfois. Mais vous ne pouvez pas écrire des trucs dignes de ce nom si vous n’êtes pas tous dedans à 100 %. Mais vous étiez potes avec les Beatles, non ? Essentiellement parce que George Harrison a investi de l’argent sur La vie de Brian. On a aussi invité Ringo, une fois, sur le Flying Circus. Je devais avoir 13 ans quand j’ai vu pour la première fois la scène d’éducation sexuelle dans Le sens de la vie. Je crois que je me suis même branlé dessus. Ça ne vous effraie pas d’avoir donné naissance à une génération de tarés qui connaissent vos sketches par cœur et qui ont appris la vie grâce aux Monty Python ? Non, je me sens plutôt flatté que les gens s’y soient suffisamment intéressés pour en parler encore aujourd’hui. Je pense qu’on s’en souvient encore parce que vous êtes tous devenus des auteurs, des acteurs et des réalisateurs. Vous étiez des espèces d’humanistes comiques. Je ne parlerai qu’en mon nom. Nous avons eu gain de cause dans les années 1970 en Amérique. La BBC avait vendu le show à ABC. Ils avaient pratiqué des coupes horribles au milieu des sketches. On a vu le premier numéro et on a détesté. On a même essayé de les empêcher de diffuser le second mais on n’a pas réussi. Et puis notre avocat a découvert qu’il y avait une clause stipulant qu’ils ne pouvaient pas modifier le contenu du programme sans nous consulter. La BBC a dû leur proposer un arrangement à l’amiable et nous avons récupéré les droits. Ça signifie que nous touchons les revenus des émissions de télévision et de deux des films, ce qui m’a permis de vivre tranquillement jusqu’à maintenant. Mais je ne sais pas si je suis humaniste. Les Monty Python étaient plutôt apolitiques. Et maintenant, il y a ce livre pour protester contre la guerre en Irak. Je pense que j’ai acquis une conscience politique en lisant Chaucer et en réalisant que ce sont les mêmes personnes qui luttent aujourd’hui pour le pouvoir que celles qui se battaient au Moyen Âge, et qu’elles utilisent les mêmes techniques pour exercer ce pouvoir. Y a-t-il des choses qui vous mettent en colère ? Ouais, je ne peux pas croire ce qui se passe aux États-Unis, que McCain ait une chance d’accéder à la présidence, quand vous voyez ce que les Républicains ont fait pour l’économie et les mensonges qu’ils ont sortis, tout ça… J’aimerais bien continuer à écrire sur la guerre en Irak, mais je commence à en avoir assez de m’entendre. Vous soutenez Obama ? ` Je n’en sais pas plus sur lui. S’il est comme Blair, je n’en sais rien. L’âge Bush-Blair n’est pas encore révolu. Si McCain n’arrive pas à remonter dans les sondages, je suis certain qu’ils sont capables de bombarder l’Iran, parce que ce sera la seule façon qu’ils auront de faire flipper les gens et de le faire élire. C’est un peu radical. Je ne me considère pas comme quelqu’un de radical, je pense que c’est juste une évidence. Je ne peux pas croire que les hommes politiques réussissent à s’en tirer avec les mensonges qu’ils racontent. Tony Blair et les armes de destruction massive ! Les Républicains avaient dit qu’ils allaient envahir l’Irak avant d’arriver au pouvoir ! Il y a un document appelé le Projet pour un nouveau siècle américain, qui a reçu les signatures de beaucoup de néoconservateurs depuis 1997. Il expose leur volonté d’envahir l’Irak afin d’établir une présence américaine permanente au Moyen-Orient. Et les gens se demandent encore pourquoi ils ont envahi l’Irak ? Ils avaient dit qu’ils le feraient ! C’était évident !