saint octave Marolles

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Food

Avec le mec qui a quitté son job dans le marketing pour ouvrir sa boutique de fromages dans les Marolles

«​ Si tu restes la gueule dans tes fromages toute la journée, tu n’évolues plus vraiment. »
Romain Vennekens
Brussels, BE

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat entre VICE + et VOO Business.

De comment survivre dans un espace de co-working au business model d'une travailleuse du sexe, tout ce que vous devez savoir pour vous en sortir dans la vie active est dans le VICE Guide to work.

Costume bien taillé, mallette rutilante, des têtes de gosses à peine sortis de l’université mais des airs d’importance pour pallier un manque de maturité. Avec ça un compte en banque florissant, des semblants de responsabilités, des voyages tous frais payés et un quotidien dans des open-spaces laids à en crever. Et ensuite ? Cette vision volontairement exagérée n’est pas non plus totalement éloignée d’une certaine réalité qui continue de séduire autant qu’elle révolte. Pour ceux qui ne se retrouvent pas dans un monde du travail conditionné par la course au profit et dans les relations de pouvoir qu’il engendre, la volonté de créer quelque chose qui leur est propre semble être la réponse à une quête de bonheur émancipé. Un désir de trouver du sens au jour le jour et le plaisir du travail fait main. Cette trajectoire, pas toujours facile, est celle choisie par Octave Laloux. Fils et petit-fils de charcutier, il a quitté un job de salarié bien payé pour créer son comptoir de fromages et de charcuteries : « Saint-Octave ».

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saint octave laloux

VICE : Salut Octave, pourquoi avoir décidé de lancer ton propre projet ?
Octave : Ça ne se passait pas très bien dans mon ancien boulot. Je n’aimais pas avoir un patron et des collègues. J’étais pourtant dans le secteur de mes rêves, celui du cinéma. Mais j’ai vite déchanté : on devait exécuter des plans marketings, il y avait beaucoup d’administratif. J’avais besoin d’un boulot créatif, plus concret. Et puis tout cet esprit open-space, en bureau, ça ne me correspondait pas du tout. Je suis parti en voyage et je me suis dit: « quand je reviens, je dois me lancer ».

Tu savais déjà dans quoi ?
Mon parrain et mon grand père étaient charcutiers dans les Ardennes et j’avais envie de faire quelque chose du genre. Je me suis tourné vers les fromages car c'est un truc qui me plaisait depuis longtemps. À 14 ans déjà, avec des potes, on avait un cheese committee. On se matait des films tout en se faisant un gros repas fromage. Ce qui me plait dans ce domaine c’est que ça touche à tout : histoire, géographie, vente, logistique,… c’est très complet. Et puis j’ai toujours été très gourmand. Si à Noël, quelqu’un avait une tranche de foie gras plus grosse que moi, je passais une mauvaise journée.

Comment ça s’est concrétisé ?
Pas mal de potes autour de moi ont commencé à lancer leur projet. Ça m’a motivé. Tu te dis que toi aussi tu peux créer quelque chose dans lequel tu t’épanouirais. Et plus tu plonges, plus tu vois des opportunités. Pour « Saint-Octave », c’est le lieu qui a façonné les choses. J’ai commencé avec une petite boutique de 20 mètres carrés dans les Marolles. Ça m’a permis de voir comment ça marchait sans prendre de grands risques financiers.

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« On vente souvent la reconversion mais ce n’est pas du pain béni. D’abord, il y a toute cette phase d’excitation. Et puis à un moment, c’est fait, tu es dedans et là, il y a un gros frein. »

Tu es passé du marketing dans les salles de cinéma à fromager, comment tu t’es formé au métier ?
J’ai commencé par me documenter. D’abord via internet et puis lors d’un voyage où j’allais chez les producteurs pour découvrir comment ils fabriquaient le produit. Ensuite, pendant un an, j’ai fait de cours du soir et en même temps je travaillais sur le marché de Namur avec Maitre Corbeau. C’est lui qui m’a amené une approche du fromage super décomplexée.

C’est quoi être un entrepreneur selon toi ?
Je pense que c’est continuer à évoluer, à créer et à se remettre en question. Si tu arrêtes à un moment d’avancer, tu deviens juste un commerçant. Cela ne signifie pas spécialement grossir financièrement mais aller plus loin dans la démarche et continuer à développer des projets. Ensuite, il faut pouvoir assumer la gestion de ce que tu as créé. Tu ne peux pas être que dans la création. Il faut aller au bout des choses.

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Comment tu définirais ton job au quotidien ?
Au début, j’étais beaucoup en boutique. Je bossais 6 jours sur 7 dans le magasin. Mais maintenant qu’on commence à avoir une certaine rentabilité, j’ai pu m’associer ce qui m’a permis d’améliorer ma qualité de vie en ayant des jours de repos et du temps pour développer d’autres projets et passions. Quand je touche à tout, je suis épanoui. J’atteins un bel équilibre et je suis de plus en plus heureux dans ce que je fais. C’est un peu l’aboutissement d’années de travail et je suis content de la tournure que ça prend.

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À quoi tu ne t’attendais pas en décidant de lancer ta propre boutique ?
On vente souvent la reconversion mais ce n’est pas du pain béni. D’abord, il y a toute cette phase de développement et d’excitation dans laquelle tu te prépares à ouvrir ton magasin. Et puis à un moment, c’est fait, tu es dedans et là, il y a un gros frein. Tout le processus change et tu te retrouves dans une dynamique complètement différente. Tu n’es plus dans la création, tu deviens gestionnaire. Je n’y étais pas assez préparé. Ensuite, il y a les gens qui refoulent leurs frustrations et leurs craintes sur toi. Quand j’ai ouvert la première boutique, plusieurs fois par mois, j’avais des personnes qui venaient me dire « vous allez faire faillite, ça ne va pas marcher ». Comme ça, sans raison. Faut être solide et ne pas se laisser abattre.

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Je sais que Saint-Octave est fortement présent sur les réseaux sociaux. Cette dimension numérique, c’est important aujourd’hui ?
Pour promouvoir certaines choses, c’est très pratique. On a fait les raclettes ici cet hiver par exemple et ça s’est répandu comme la peste sur les réseaux sociaux. Mais parfois, ça demande aussi beaucoup d’énergie par rapport à ce que ça nous rapporte. On peut se sentir obliger de le faire et de maintenir le truc alors qu’on n’a pas toujours du contenu intéressant à partager. Quand tu es un jeune entrepreneur, tu es tout le temps entrain de penser à ton profil, à ton entreprise et se déconnecter n’est pas facile. Les gens ne comprennent pas si tu n’es pas au taquet sur tes mails par exemple ou si tu prends deux jours pour répondre à un commentaire.

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« Si tu restes la gueule dans tes fromages toute la journée, tu n’évolues plus vraiment. »

Comment fais-tu pour garder un équilibre et te déconnecter justement ?
Quoi qu’il arrive, j’essaye de m’imposer des jours de week-ends. Ça doit rester un boulot. C’est une passion mais il y a plein d’autres choses dans la vie. Pour moi c’est le secret pour être heureux et pour être bien dans ses pompes. Avoir du temps sur le côté est super important parce que ça te permet aussi de découvrir d’autres choses. Si tu restes la gueule dans tes fromages toute la journée, tu n’évolues plus vraiment.

Que diras-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer ?
On dit souvent que c’est un grand saut mais d’une certaine manière c’est tout un processus. C’est une évolution, quelque chose qui murit et se met en place petit à petit. Tu peux avoir des craintes pour ta sécurité financière par exemple mais tout cela ça se prépare. Sois à l’écoute, nourris-toi, inspire-toi, entoure-toi bien et garde un équilibre. Et ne stresse pas, on est Belgique, tout va bien. `

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