FYI.

This story is over 5 years old.

Food

La photo de patate qui valait un million

Le jackpot a été touché par Kevin Abosh, le photographe irlandais qui a shooté le désormais fameux portrait de pomme de terre sur fond noir, sobrement intitulé : « Potato #345 (2010) ».

Pour le commun des mortels, le monde de l'art restera à jamais globalement assez imbitable.

Les lois qui régissent le marché des œuvres d'art restent un sujet qui revient souvent dans les discussions polémiques, même chez les membres de l'Académie Française.

Le raisonnement primaire voudrait que l'on se demande comment les collectionneurs peuvent-ils bien investir 140 millions de dollars dans une œuvre de Jackson Pollock – autrement dit : quelques giclées de peintures sur une toile – pendant qu'ailleurs dans le monde, des gens continuent à crever la dalle ?

Publicité

Si vous trouvez cet argument trop consensuel, faites-vous donc les dents sur ça : le tirage d'une photo ne représentant rien d'autre qu'une patate sur un fond noir s'est vendue pour la modique somme d'un million d'euros.

À l'annonce de cette nouvelle, deux réactions possibles : soit l'incompréhension face au marché de l'art devient encore un peu plus totale, soit l'envie terrible de se lancer dans le business très lucratif des photos de pomme de terre s'empare de vous.

kevin-potato-photo-1

Abosch's "Potato #345 (2010)"

Le jackpot a été touché par Kevin Abosh, le photographe irlandais qui a shooté le désormais fameux portrait de patate, sobrement intitulé : « Potato #345 (2010) ». Abosh, qui n'est pas très connu du grand public, s'est spécialisé dans les portraits de célébrités ou d'entrepreneurs sur fond noir. Selon Business Insider, sa capacité à tirer le portrait des personnes les plus demandées au monde en seulement quelques minutes lui a fait gagner la réputation de « photographe efficace ». Yoko Ono, Steven Spielberg, Johnny Depp ou encore Aung Sang Suu Kyi, sont tous passés derrière son objectif… avant de faire place à la mystérieuse Potato #345.

Le titre énigmatique de l'œuvre laisse entendre que Kevin Abosh a potentiellement 344 autres photos de tubercule en stock. Ce n'est pourtant pas quelque chose qui a refroidi ce collectionneur particulièrement chaud qui a fait l'acquisition de l'œuvre, sans même négocier son prix : un putain de million d'euros. Dans l'Histoire, jamais un féculent n'avait atteint une telle valeur.

Publicité

Dans un entretien au site PetaPixel, le studio du photographe tente d'expliciter la passion d'Abosh pour les patates : « Kevin aime les pommes de terre. Comme les êtres humains, elles sont toutes différentes et pourtant, on sait tous reconnaître une patate en un coup d'oeil. Kevin a photographié pas mal de pommes de terre, et cette photo est l'une de ses préférées. » D'ailleurs, Abosh, pris d'une réelle affection pour sa petite patate marron sur fond noir, avait pris le soin d'accrocher lui-même le portrait dans son propre bureau avant de la vendre à un prix record.

En général, quand Abosh tire un portrait sur commande, les prix varient entre 150 000 et 500 000 dollars (soit entre 138 000 et 460 000 euros). C'est l'un des photographes les plus connus au monde. Il a commencé à faire parler de lui dans les années quatre-vingt-dix, à l'époque où les dirigeants de CBS Records cherchaient quelqu'un pour photographier un groupe qu'ils voulaient lancer. Abosh savait que Herb Ritts, un célèbre photographe de Hollywood, facturait jusqu'à 10 000 dollars pour une journée de travail. Du coup, il a publié une annonce disant qu'il était prêt à travailler seulement pour 5 000 dollars pour quelques heures de travail. Il n'avait même pas de book mais il leur a montré des photos qu'il aimait bien. Les gars du label se sont un peu foutus de sa gueule et lui ont rétorqué qu'à ce prix-là, ils préféraient encore prendre Ritts, Abosh n'a pas lâché le morceau : « Vous voulez vraiment Ritts ? Ou bien moi ? » Il a baissé son prix à 2 500 $ et l'affaire était dans le sac.

Kevin Abosh jouit aujourd'hui d'une notoriété folle grâce ses photos de personnalités – il est aussi reconnu comme étant l'un des influencers majeurs de la Silicon Valley, où il possède un énorme réseau. Mais quand on lui demande quel est son travail, il préfère répondre qu'il se voit comme un chercheur en ontologie. Ses thèmes de prédilection : l'identité et l'existence. C'est dans cette perspective qu'il a créé le site internet conceptuel : Kwikdesk.

« Ce n'est pas la première fois que quelqu'un m'achète une pièce qu'il a vue sur mon mur. Cette fois-là, on buvait du vin dans mon bureau quand l'acheteur m'a dit qu'il adorait cette photo, a confié Abosh au Sunday Times. Deux verres de vin et il me sort : ''Je crois bien qu'il me la faut.'' Et on a mis deux semaines à s'entendre sur le prix. »

Selon le cours du marché actuel, à Rungis, un kilo de pomme de terre charlotte coûte environ 80 cents et avec un million d'euros, le mystérieux acheteur de l'œuvre d'Abosh aurait pu acheter pour 1 250 tonnes de patate. De quoi faire un joli tas dans son jardin, juste à côté du Plug Anal Géant de McCarthy, par exemple.