La tête dans le cochon : 24 heures à la Foire au jambon de Bayonne

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La tête dans le cochon : 24 heures à la Foire au jambon de Bayonne

Concours d'omelettes et cornet de sauciflard : tous les ans sur les bords de la Nive, Bayonne fête et encense son mets le plus connu dans une orgie de charcuterie qui dure quatre jours.

« Sans cochon, pas de civilisation », c'est par cette phrase que d'aucuns jugeront polémique que fut lancée l'édition 2016 de la Foire au jambon, à Bayonne. Chaque année, la ville encense et fête son mets le plus connu pendant quatre jours : le jambon. D'ailleurs, celui qui serait tenté de dire que cet événement gastronomique n'est rien d'autre que de « mini-fêtes de Bayonne », s'assiérait tout simplement sur cinq siècles d'histoire.

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Validé : un jambon fermier de Bayonne reçoit le sceau de participation au concours. Toutes les photos sont de l'auteur.

Sur le carreau des halles ce jeudi matin, la tension est à son comble. Le jury en bérets, foulard et veste noire, délibère depuis plusieurs minutes. À leur côté, vêtus de leurs célèbres tuniques rouges et de leurs scapulaires vert et rouge aux couleurs de la ville, des membres de la confrérie du Jambon de Bayonne. Véritables gardiens de l'Indication Géographique Protégée (IGP) du jambon Bayonnais, ils ont pesé, sondé (avec un bout de bois de buis) et humé des dizaines de jambons depuis 9 heures ce matin, perpétuant la tradition du concours du meilleur jambon fermier, qui est retransmis sur périscope pour le monde entier.

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Les membres de la confrérie du jambon de Bayonne examinent les jambons.

Enfin, le verdict tombe : c'est Marcel Hualde qui est désigné vainqueur avec une belle pièce de 19,3 kg venu directement des montagnes des Aldudes dans le Pays basque profond. Mais revenons à nos jambons. La foire au Jambon, c'est 554 éditions – à comparer aux Fêtes de Bayonne, qui n'existent « que » depuis 80 ans. C'est aussi la mise en avant d'une viande de terroir, malmenée au travers les années par la grande distribution qui n'hésite pas à labelliser « de Bayonne » des jambons venus d'ailleurs.

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Amis touristes et Franciliens, pour que les choses soient claires, voici les règles à connaître : le vrai jambon de Bayonne est fait avec des porcs d'Aquitaine, des Midis Pyrénées et de Poitou Charente, et c'est tout. Laissez tomber le reste. Sa chair, légèrement colorée doit être bien rouge et fondre dans la bouche à chaque tranche. Les cochons eux, doivent vivre en semi-liberté dans les montagnes ou sur les plateaux et ne doivent pas être abattus avant d'avoir atteint l'âge d'1 an. Ils se baladent à leur guise, se nourrissant de céréales sans OGM et autres produits naturels. Le jambon – la partie haute des pattes – est ensuite affiné en séchoir, après salaison, pendant un minimum de 12 mois et jusqu'à 21, pour les meilleurs d'entre eux.

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DEGUSTATION-TENTE_JAMBONS

De retour sur les bords de Nive : pendant la Foire au jambon, Bayonne sature de la bête jusqu'à l'overdose. La ville entière se place sous l'ère du Saint Cochon : des restaurateurs aux cafetiers en passant par les stands de Taloa éphémères installés sur les quais. En langue basque, on dirait qu'il y a de quoi « tiaper » (manger) du « xingara » (jambon) à tous les coins de rue.

Pour que les choses soient claires, voici les règles à connaître : le vrai jambon de Bayonne est fait avec des porcs d'Aquitaine, des Midis Pyrénées et de Poitou Charente, et c'est tout. Sa chair, légèrement colorée doit être bien rouge et fondre dans la bouche à chaque tranche.

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À Bayonne, les cornets de jambon remplacent les cornets de frites.

Sous le chapiteau des producteurs, où j'ai décidé d'embarquer deux amis parisiens, les jambons luisent et parfument la foule. Nous débutons notre pèlerinage par la maison Aubard – créée en 1946 et qui a décroché la Médaille d'or au Concours Général Agricole en 2015 – qui nous propose un jambon 12 mois. Un cornet chacun, avec un peu de saucisson sec et une quille de rouge : de quoi calmer notre fringale de 11 heures.

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L'Ibaïama de chez la Maison Montauzer, un jambon d'auteur.

Prochaine étape : chez Ihidoy, un artisan boucher de Sauveterre-de-Béarn, où nous attend une andouillette sèche. Pendant le tranchage de l'andouillette, mes collègues des Yvelines m'avouent ne jamais en avoir gouté, me propulsant d'un coup d'un seul dans la situation de Pantagruel même confronté à « une armée d'andouilles ».

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Dernier arrêt à la maison Montauzer qui, selon moi, détient le meilleur jambon de la foire. Leur Ibaïama est un jambon « d'auteur », comme le dit si bien Anaïs, la fille de la maison : « Ce sont des porcs blancs qui vivent jusqu'à 11 mois, pas plus. On conserve le jambon au froid avant l'affinage, ce qui le rend fondant et moins salé. » Mais surtout, qui lui donne ce goût inimitable qui a le dont de rendre muet quiconque le met en bouche.

Quand arrive le dimanche et que la fin se fait sentir, c'est la ruée vers l'or. Après la messe des confréries gastronomiques, les Bayonnais en exil de mon espèce remplissent tous leurs cabas

CONCOURS-OMELETTE-2

En parallèle, le concours d'omelettes rassemblent ceux qui aiment casser des œufs en plein air.

Direction les halles pour la fin du concours d'omelette au jambon. Chaque année, les Peñas s'affrontent dans une lutte d'œufs sur la poêle avant de faire goûter leurs créations aux badauds qui se précipitent autour des établis. La recette d'une bonne omelette est sensiblement la même partout – à savoir, des œufs avec quelques tranches épaisses de jambon fermier – mais ce que le jury va noter c'est si l'objet du désir est bien baveux et onctueux. Cette année c'est la Peña Zirtzilak qui remporte la bataille.

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La sainte trinité du Sud-Ouest : jambon, œuf et piperade.

15 heures, l'heure de tenter de se mettre à table, car qui dit foire au jambon, dit tournée des bars et il faut éponger pour tenir jusqu'au soir. Dans la chaleur fraîche des petites rues du bas de la cathédrale, au restaurant Les Arcades chez Tomas Ainciart, on s'est attablés à 35. Un anniversaire, prétexte à s'envoyer tout ce qui nous passe sous le nez, dans le bide. Terrine de pieds de porc croustillante sauce gribiche, travers de porc croustillant et jarret moelleux, avec un jus de miel et thym frais, accompagné d'une pomme en robe des champs : tout un poème.

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Mais pour les plus pressés, et les budgets serrés, rien ne vaut un jambon-œufs piperade, que l'on mange sur le pouce à la Bodegita rue d'Espagne, au milieu des quelques irréductibles qui débriefent encore le match de la veille – le tout arrosé d'un pichet de bière bien frais, pour contre carrer les premières chaleurs du printemps.

Alors forcément, quand arrive le dimanche et que la fin se fait sentir, c'est la ruée vers l'or. Après la messe des confréries gastronomiques, les Bayonnais en exil de mon espèce remplissent leurs cabas de ¼ de jambon, de boîtes de pâté ou autres cochonnailles pour ramener à la capitale. Au risque, d'ailleurs, d'attirer le flair des chiens de flics en état d'urgence sur le quai de la gare, qui deviennent littéralement fous au passage de votre valise. De quoi clore bêtement votre « Gros Fast ».

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Pour les locaux, la Foire au jambon reste un moment particulier, comme un avant-goût des hostilités de l'été à venir. Un événement gastronomique traditionnel qui devient le point d'ancrage de toute une région et qui rameute chaque année de plus en plus de visiteurs venus toute la France. Rien de mieux pour faire comprendre au reste du pays, que nous, les Bayonnais, on reste toujours les patrons en matière de charcut'.

Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES FR en avril 2016.