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FRANCE

Comment des chevaux de laboratoire se sont retrouvés dans des assiettes françaises

Douze personnes, dont 9 vétérinaires, ont été interpellées ce mercredi en France pour avoir mis sur le marché alimentaire des chevaux de laboratoire ou des canassons de centres équestre dans le cadre d’un vaste trafic de viande de cheval.
Pierre Longeray
Paris, FR
Devanture d'une ex-Boucherie Chevaline - Les Herbiers, Vendée (Image via Wikimedia Commons)

Dans le sud de la France, une enquête au long cours sur un trafic de viande de cheval impropre à la consommation, a connu un nouveau rebondissement ce mercredi. Douze personnes, dont 9 vétérinaires, ont été interpellées pour avoir mis dans les assiettes des chevaux de laboratoire, des canassons venus de centres équestres, et peut-être le cheval favori de votre petite nièce.

En décembre 2013, une dizaine de personnes impliquées dans ce vaste réseau de trafic de viande de cheval avaient déjà été mises en examen. Parmi les suspects, on trouvait leur chef présumé, Patrick Rochette, un grossiste en viande. Installé dans la ville de Narbonne depuis plus de 15 ans, Rochette aurait apporté une dizaine de chevaux impropres à la consommation à l'abattoir chaque semaine, qu'il revendait dans ses deux boucheries ou qu'il exportait en Europe. Il est depuis sous contrôle judiciaire, alors que d'autres acteurs du trafic courraient toujours.

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En avril dernier, cette affaire avait pris une tournure internationale. Eurojust, l'organe européen de coordination judiciaire, annonçait l'arrestation de 26 personnes en France, en Belgique, en Hollande et en Allemagne pour avoir fait rentrer de manière frauduleuse de la viande de cheval impropre à la consommation dans la chaîne alimentaire européenne. La bande de Rochette faisait désormais partie d'un véritable réseau européen, à la tête de laquelle se trouvaient vraisemblablement deux Belges originaires des Ardennes belges. Près de 4 700 bêtes seraient concernées sur toute l'Europe.

Ce mercredi, ce sont notamment ceux qui étaient chargés de la fraude documentaire, le pan administratif indispensable au trafic, qui ont été arrêtés. En partenariat avec Rochette, des vétérinaires falsifiaient les documents d'identification des chevaux afin de pouvoir les réintroduire dans la filière alimentaire. En effet, les chevaux de laboratoire sont impropres à la consommation, tout comme les équidés de centres équestres, qui sont parfois traités avec des anti-inflammatoires et des antibiotiques. Grâce à leurs nouveaux papiers, les faussaires faisaient passer les chevaux de laboratoire pour des animaux d'élevage que l'on peut manger légalement en France.

Plus surprenant, on retrouve le directeur de cabinet du maire de Narbonne (Sud de la France) parmi les personnes arrêtées. Dès ce jeudi, Didier Mouly, le maire de la ville du sud de la France, a assuré que son directeur de cabinet n'occupait pas ce poste au moment des faits qui lui sont reprochés et que son arrestation relève de « sa vie privée » — une manière de dire que la ville n'est pas impliquée dans ce scandale. On ne connaît pas encore le rôle joué par le conseiller du maire dans cette affaire. Deux maquignons (marchands de chevaux) ont aussi été interpellés ce mercredi pour leur implication dans ce scandale.

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Des chevaux de laboratoire

Autre acteur, malgré lui, de ce scandale, le géant français de l'industrie pharmaceutique : Sanofi. Les chevaux de laboratoire qui se seraient retrouvés dans certaines boucheries venaient en effet d'un élevage que possède Sanofi, à Alba-la-Romaine dans l'Ardèche. Dans cette ferme-laboratoire, Sanofi se sert des chevaux pour la fabrication d'antidotes antirabiques, antitétaniques et des antivenins. Les chevaux sont vaccinés dans cette ferme et produisent ensuite pendant trois ans des anticorps que l'on utilise pour fabriquer les sérums. Ils sont ensuite euthanasiés ou revendus à des centres équestres.

Entre 2010 et 2012, près de 200 chevaux de laboratoire ont été achetés à Sanofi (à un prix défiant toute concurrence puisqu'ils sont logiquement impropres à la consommation), par les organisateurs du trafic démantelé. Ces derniers revendaient ensuite la viande au prix fort — en la faisant passer pour de la viande chevaline propre à la consommation, de la viande d'élevage en sorte.

Tout était pourtant fait pour que les chevaux de chez Sanofi ne finissent pas en Parmentier de cheval. L'acheteur de cheval de laboratoire est censé signer un document sur lequel il s'engage à ne pas emmener l'animal à l'abattoir puisqu'il est impropre à la consommation. Ces documents auraient justement été falsifiés par les vétérinaires interpellés ce mercredi. Les chevaux de laboratoire sont aussi équipés de puces électroniques, qui auraient apparemment été changées pour déjouer les contrôles. Enfin, les carnets de santé des animaux ont été modifiés pour faire disparaître la mention de leur origine.

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Les chevaux de laboratoire peuvent contenir des substances en cours de test et pas forcément validés par les autorités, notait le journal Le Monde, en décembre 2013, lors de la révélation du scandale. À l'époque, le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, en charge de l'enquête s'était voulu rassurant sur les risques sanitaires liés à la consommation de la viande chevaline incriminée. « Ce n'est pas parce que la viande est impropre à la consommation qu'elle est nuisible à la santé de l'homme. [Il s'agit d'une] fraude aux normes sanitaires, pas d'une fraude sanitaire ».

Aucun rapport avéré avec l'affaire des lasagnes

L'Aude (le département de Narbonne) avait déjà été le théâtre d'un scandale du même goût, quelque mois avant que Patrick Rochette ne se fasse pincer pour la revente de chevaux de laboratoire. Aucun lien entre les deux affaires n'est fait pour le moment.

En janvier 2013, la société Spanghero, basée à Castelnaudary, est accusée d'avoir vendu à Comigel (qui fournit Picard, Findus et nombre d'enseignes de la grande distribution européenne) de la viande de cheval en la faisant passer pour du boeuf. Résultat, les lasagnes de Findus censées être au boeuf étaient « 100 pour cent cheval, » selon des études irlandaises. Le « horsegate » était lancé. Rapidement, Spanghero avait rejeté la faute sur les abattoirs roumains qu'ils leur avaient vendu la viande mise en cause.

Les responsables de Spanghero ont toujours nié être au courant qu'il s'agissait de viande de cheval, malgré son prix étonnamment bas et la présence de codes douaniers dédiés à la viande de cheval sur les lots de viande.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray