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Crise agricole et pénurie de semences : l'autre conséquence de la guerre civile Syrienne

La Réserve mondiale de semences du Svalbard, le coffre-fort qui contient les échantillons témoins de toutes les semences agricoles du monde, vient d’être sollicitée en ultime recours pour relancer l’agriculture dans les zones du Moyen-Orient en proie à...
Photos courtesy of the Svalbard Global Seed Vault.

Le signal que la fin du monde est proche a-t-il été lancé ? Car la Réserve mondiale de semences du Svalbard, le coffre-fort du PôleNord qui contient des échantillons témoins de toutes les semences agricoles du monde et à laquelle l'humanité n'est censée recourir qu'en cas de dernière nécessité, vient d'être sollicitée en ultime recours. Le but de cette requête est en réalité beaucoup plus prosaïque : il s'agit de permettre de relancer l'agriculture dans les zones agricoles du Moyen-Orient en proie à la sécheresse et aux dégâts provoqués par les conflits armés.

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En Syrie, par exemple, les conséquences de la guerre civile se traduisent de manière très concrète : elle engendre des centaines de millier de victimes, elle pousse des millions de migrants sur la route de l'exode et elle contribue au renforcement de l'organisation État islamique. Le conflit actuel est aussi le théâtre de dégradations — et parfois, de la destruction pure et simple — de plus d'une centaine de sites archéologiques, de monuments et de constructions historiques. Autant d'atteintes qui portent un coup terrible au peuple et au patrimoine culturel syrien.

Mais d'autres conséquences directes de la guerre — moins exposées mais peut-être tout aussi dramatiques — sont aussi à l'œuvre. Comme les dégâts causés au Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA), une chambre forte semencière située dans la ville d'Alep. Il s'agit de l'une des 11 banques de gènes internationale dont la mission est de garder précieusement des échantillons témoins des semences les plus cultivées sur notre planète. Au total, ces banques de gènes conservent (enfermé à double tour dans des chambres froides) plus de 100 000 paquets contenant les souches les plus anciennes de blé, de blé dur, de lentilles, d'orge ou de haricot fève. Le centre a aussi pour mission d'approvisionner en graines les agriculteurs qui travaillent dans des conditions de sécheresse comme dans certaines zones du Moyen-Orient.

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En 2011, le Centre a commencé à délocaliser sa collection de semences vers d'autres banques de gènes en prévision des éventuels dommages collatéraux causés par le conflit. En mars 2015, les derniers transferts de graines ont été effectués à destination de la Réserve mondiale de semences du Svalbard, un coffre-fort géant de plus de 1 000 m2 creusé dans les montagnes de l'île de Spitsbergen en Norvège, à environ 1 200 km du Pôle Nord.

À l'époque, voici ce que disait Ola Westengen, la coordinatrice du projet, sur la portée symbolique du transfert : « La situation dans laquelle se trouve actuellement la banque de gènes en Syrie est préoccupante et illustre précisément la raison d'exister de notre coffre-fort à graines — la nécessité de pouvoir disposer d'un endroit où sauvegarder les collections de graines les plus précieuses que l'humanité possède. » La Réserve de Svalbard est surnommée « Le coffre-fort de la fin du monde » car elle est supposée être utilisée en ultime recours : si une guerre nucléaire ou une épidémie de maladies se déclarent soudain et que les autres banques de gènes ne sont pas accessibles.

Pourtant, la chambre forte semencière du Moyen-Orient vient de demander à ce qu'on lui renvoie ses graines en urgence.

Dans une dépêche publiée sur Reuters, on apprend que l'ICARDA a demandé le retour express de plus de 130 des 325 colis de graines qu'elle avait au préalable envoyé au coffre-fort Svalbard. Cette demande de retour, urgente, est la première jamais formulée dans l'Histoire.

Bien que l'activité du centre ICARDA d'Alep ait été maintenue tant bien que mal depuis que la situation intérieure du pays a commencé à tourner au vinaigre en 2012, la banque de gènes de Syrie n'est pas fonctionnelle ni en mesure d'assurer son rôle de conservation des graines comme par le passé. Pour cette raison, l'ICARDA a pris la décision de délocaliser ses activités dans la ville de Beyrouth, au Liban, pour pouvoir continuer une autre de ses missions : alimenter les agriculteurs du Moyen-Orient en semences et en cultures capables de résister aux fortes sécheresses.

Toujours selon Reuters et d'après un expert du Ministère de l'Agriculture de Norvège, plus de 100 000 graines vont bientôt être acheminées depuis le coffre-fort de Svalbard dans le sens inverse. Enfin, à condition que d'ici là, « tous les formulaires administratifs soient remplis en bonne et due forme » et que surtout, le Monde ne se soit pas arrêté de tourner.