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Aux origines contestées de la fameuse « ice cream » américaine

Non, Thomas Jefferson, 3e président des USA, n'a pas inventé la crème glacée. Par contre, il a popularisé sa consommation en laissant une recette culte à la postérité.
Photo vis Flickr user chocopops

Aujourd'hui, la crème glacée est un truc aussi commun que l'eau. Ce n'était pas si évident au XVIIIe, quand les Américains n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était une glace ou un cornet. Si les mentalités ont depuis évolué et que la crème glacée a progressivement conquis les foyers, c'est en partie grâce à l'influence de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis.

Contrairement aux idées reçues, Jefferson n'a pas inventé la crème glacée. Ce n'est pas le premier Américain à en avoir importé non plus. On sait avec certitude qu'il en raffolait pendant son séjour à Paris comme ministre plénipotentiaire de 1784 à 1789 et qu'il a grandement aidé à sa popularisation en servant de la crème glacée dans la President's House [ancienne Maison Blanche, à Philadelphie] à six reprises selon les registres.

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« Il fait partie des personnes qui ont aidé la crème glacée à devenir populaire », estime l'historien culinaire Michael Twitty. « La question n'est pas de savoir si quelqu'un avait servi des glaces aux États-Unis avant lui mais de mesure l'influence qu'il a eue sur ce phénomène. »

Comment sait-on que Thomas Jefferson aimait autant la crème glacée ? Pour commencer, il est revenu de son périple français avec des moules à glace – outils référencés dans l'inventaire de ses cuisines à Monticello et la President's House.

Autre trace de cet amour invétéré ; une recette – qu'on peut trouver dans la bibliothèque du Congrès, rangée à la catégorie Jefferson Papers – et qui se trouve être la première connue de crème glacée aux États-Unis. Méticuleusement consignée, elle énumère les ingrédients : six jaunes d'œuf, une demi-livre de sucre, deux bouteilles de crème et une gousse de vanille. Une fois les ingrédients mélangés et cuits, ils sont placés dans une sorbetière [que les Américains appellent sabottiere], un récipient placé dans un seau de glace.

Certains pensent qu'elle vient d'Adrien Petit, le majordome français du président.

Est-ce qu'on peut dire que c'est Jefferson qui a créé la recette ? C'est peu probable puisque ce n'est même pas lui qui l'a écrite. Certains pensent qu'elle vient d'Adrien Petit, le majordome français du président. Pour Michael Twitty, il est fort probable que le cuisinier/esclave de Jefferson, James Hemings [frère de Sally, une autre esclave de Jefferson considérée comme la mère présumée de plusieurs des enfants du président] en soit l'auteur. Avant de devenir un chef affranchi, Hemings avait fait le voyage à Paris avec Jefferson dans le but précis de se former à l'art de la cuisine française, raconte Lucia Stanton dans Free Some Day : The African-American Families of Monticello.

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« James a reçu une éducation culinaire 3 étoiles en France et il a appris avec les mêmes personnes qui s'occupaient du dernier monarque français », ajoute Twitty. « C'est un lettré, il comprenait le français quand il était sur place, et il a écrit sur des choses que même Jefferson ne maîtrisait pas. »

James a probablement appris à faire de la crème glacée en France avant d'en servir à la table de Jefferson et de sa femme Martha.

Vous pouvez même déguster la fameuse crème glacée présidentielle dans un lieu plutôt approprié : le mémorial national du Mont Rushmore.

Pour Twitty, ce n'est pas la première fois que Jefferson reçoit des louanges imméritées en matière de bouffe.

« En fait, il partageait surtout des modes culinaires qu'il avait assimilées pendant ses voyages. James était un rouage essentiel dans ce processus », juge Twitty. « C'est surtout l'occasion de parler de Thomas Jefferson comme d'un grand gourmet – ce qu'il était – mais aussi l'occasion de mentionner les chefs afro-américains qui ont eu une influence sur le régime des Américains. »

Aujourd'hui, vous pouvez même déguster la fameuse crème glacée présidentielle dans un lieu plutôt approprié : le mémorial national du Mont Rushmore dans le Dakota du Sud. Cette année, le monument célèbre ses 75 ans. Lloyd Shelton, chargé de l'approvisionnement du Xanterra Parks & Resorts, qui s'occupe de l'exploitation du site du mémorial, a décidé de la servir après avoir découvert un signe laissé par les concessionnaires d'origine dans les années 1950.

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« Il est écrit : 'Thomas Jefferson a importé la crème glacée aux États-Unis' », se rappelle Shelton. « C'est un de ses détails rigolos – ou un de ses mythes pour être exact – qui rendent l'expérience plus intéressante et qui nous permettent d'accompagner au mieux le National Park Service dans sa mission. »

Après des recherches, Shelton a aussi lancé un poster et des cartes avec la recette originale et une explication sur le rôle de Thomas Jefferson. Des goodies si populaires qu'il a finalement décidé d'ajouter la glace au menu.

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Shelton a contacté plusieurs fermes laitières en leur expliquant qu'il cherchait à faire une crème glacée qui soit le plus proche possible de la recette. Pride Dairy, une société familiale de Bottineau, dans le Dakota du Nord, a relevé le défi.

« La crème glacée est la même que celle qu'ils mangeaient dans les années 1780, à la seule exception que le lait est aujourd'hui pasteurisé », précise Shelton, ajoutant que la recette a été adaptée en tenant compte aussi de la production de masse. Pride Dairy fait venir ses gousses de vanille de Madagascar, qui est probablement là où les Jefferson se fournissaient à l'époque.

Depuis qu'ils ont commencé à la servir il y a 3 ans, Pride Dairy a produit presque 40 000 litres de crème glacée pour le mémorial du Mont Rushmore. Shelton estime avoir vendu plus de 100 000 glaces.

« La crème glacée Thomas Jefferson permet au visiteur de goûter l'histoire », glisse-t-il.

Et même si cette histoire-là est contestée, la crème glacée, elle, a toujours le même goût.