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Tous les Canadiens donnent sans le savoir 100 $ par année à l’industrie pétrolière

L’article original a été publié sur Motherboard.

Alors que vous payez déjà des prix record pour l’essence, vous serez sans aucun doute heureux d’apprendre que, comme chaque femme, chaque homme et chaque enfant au Canada, vous faites tous les ans un « don » d’environ 100 $ à des compagnies pétrolières en bonne santé financière et, dans bien des cas, sous contrôle étranger. Collectivement, ces dons, sous forme de subventions fédérales et provinciales, se sont élevés à 3,67 milliards de dollars en moyenne par année en 2015 et 2016. Ce qui fait de nous les plus généreux parmi les pays du G7, d’après une récente étude.

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L’étude chiffre le soutien financier de chaque pays du G7 accordé au secteur des énergies fossiles. À partir de ces données, on a ainsi calculé que le gouvernement a donné environ 100 $ pour chaque citoyen en 2015 et 2016. C’est beaucoup plus généreux que de plus grandes économies comme les États-Unis et le Japon, qui donnent respectivement à l’industrie 60 $ CA et 50 $ CA par citoyen.

Après l’élection de Justin Trudeau, le gouvernement canadien a promis d’être un chef de file de la réduction des émissions de CO2, qui causent les changements climatiques. Pourtant, il demeure celui qui soutient le plus la production pétrolière par unité de PIB, d’après l’étude G7 Fossil Fuel Subsidy Scorecard, rendue publique en amont du Sommet du G7 dans Charlevoix les 8 et 9 juin.

« Ces subventions sont fondamentalement en contradiction avec l’engagement du Canada dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat », me dit le coauteur de l’étude, Yanick Touchette, consultant politique à l’International Institute for Sustainable Development (IISD), un think tank canadien indépendant. Dans le cadre de l’accord de Paris, le Canada, ainsi que pratiquement toute autre nation dans le monde, s’est engagé à grandement réduire les émissions de CO2 qui résultent de l’utilisation de combustibles fossiles.

De plus, deux tiers des Canadiens sont en désaccord avec l’octroi de subventions aux compagnies pétrolières parce qu’elles sont polluantes et aggravent les changements climatiques, selon un sondage dont les résultats ont été publiés lundi. Et presque toute la population canadienne veut que le gouvernement divulgue le montant des fonds publics versés aux compagnies pétrolières.

L’achat récent par le gouvernement Trudeau du pipeline Trans Mountain au montant de 4,5 milliards de dollars s’accompagnera probablement d’une hausse des subventions à l’industrie, selon Yanick Touchette. « Le gouvernement n’a pas rendu publique l’analyse économique de cet achat, alors on ne sait pas à combien s’élèvent les subventions qu’il implique », ajoute-t-il.

L’étude montre d’ailleurs aussi que le Canada est au bas de la liste des pays en matière de transparence à propos des subventions.

Pour mettre en perspective ces 3,67 milliards de dollars de subventions, le gouvernement fédéral et les quatre plus populeuses provinces donnent environ 29 milliards par année en subventions à l’ensemble des secteurs de l’économie, selon un rapport de l’Université de l’Alberta. L’Alberta est de loin la plus généreuse : chaque Albertain a donné 640 $ au cours de l’année financière 2014-2015. C’est aussi la province la plus transparente à propos de ces subventions, note-t-on dans le rapport.

Précisons qu’habituellement, les subventions ne sont pas des sommes versées en argent. Il s’agit plutôt d’une combinaison d’allégements fiscaux, de crédits d’impôt, de mesures législatives éliminant des revenus pour le gouvernement et de transferts de passif, ainsi que des services comme des garanties de prêts ou l’injection de capitaux à des taux plus bas que le marché. Tout cela souvent bien à l’abri du regard du public. L’étude montre d’ailleurs aussi que le Canada est au bas de la liste des pays en matière de transparence à propos des subventions, selon Yanick Touchette.

Toutes les subventions ne sont pas négatives. Plusieurs aident de petites entreprises ou soutiennent des secteurs émergents. Toutefois, en 2009, alors que Stephen Harper était premier ministre, le Canada ainsi que d’autres pays du G7 ont promis des réformes concernant les subventions aux industries polluantes, notamment l’élimination de celles accordées aux compagnies du secteur des énergies fossiles, parce qu’elles faussent le marché, nuisent à l’investissement dans les énergies renouvelables et plombent la lutte contre les changements climatiques.

Bien que le gouvernement canadien ne soutienne plus l’industrie du charbon, il continue de donner des milliards de dollars pour soutenir l’exploitation pétrolière, ce qui, d’après nos calculs, équivaut à payer 19 $ pour chaque tonne de CO2 de l’industrie.

Le gouvernement Trudeau a mis en place un système national de tarification de la pollution par le carbone, qui a pour but de réduire l’investissement dans les énergies fossiles. Les compagnies pétrolières et d’autres grands émetteurs de CO2 devront verser 10 $ par tonne de CO2 à compter de septembre, et ce montant passera à 50 $ la tonne à compter de 2022. Les subventions aux secteurs des hydrocarbures annulent en grande partie les effets de cette taxe, poursuit Yanick Touchette.

Selon Alex Doukas, de Oil Change International, une organisation qui a pour mission de révéler le véritable prix des combustibles fossiles, le Sommet du G7 de cette semaine à Charlevoix est une occasion pour le gouvernement Trudeau de passer à la prochaine étape, soit de présenter un plan concret pour l’élimination graduelle des subventions à l’industrie pétrolière au cours des prochaines années.

« En tant qu’hôte du Sommet, le Canada peut profiter de l’occasion pour inciter les autres nations à faire de même », écrit-il dans un communiqué.

L’étude G7 Fossil Fuel Subsidy Scorecard classe les pays — qui ont à répétition promis d’éliminer les subventions au secteur des combustibles fossiles d’ici 2025 — en fonction de leur transparence, de leurs engagements et de leurs progrès en vue de cesser de soutenir financièrement l’exploitation et l’utilisation du pétrole, du gaz naturel et du charbon. Ce soutien par les gouvernements des pays du G7 représente au minimum 100 milliards de dollars par année, indique-t-on.

Dans ce classement, le Canada est au troisième rang sur sept, notamment pour avoir cessé de subventionner le secteur du charbon et pour ne pas encourager la consommation de combustibles fossiles en maintenant les prix artificiellement bas. Les États-Unis sont quant à eux au dernier rang, notamment parce qu’ils continuent de subventionner l’exploration et la production de charbon, en plus de renoncer à des engagements pris.

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