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Les jeunes ados s'embrassent avec des Mikados

Et si le comble de l’érotisme tenait dans la dégustation suave et langoureuse de petits bâtonnets de biscuits, enrobés de chocolat ? C’est en tout cas l’avis des jeunes ados japonais qui utilisent les Pockys — la version locale des Mikados — comme un...

Quand on doit citer un aliment qui renvoie instinctivement à l'amour et au sensuel, on en revient toujours aux mêmes poncifs. D'aucuns citent naturellement les moules, les huîtres et les bananes pendant que d'autres (les véritables romantiques) évoquent des fraises recouvertes de chocolat ou crème chantilly comme autant de mets susceptibles de faire monter la température.

Et si le comble de l'érotisme tenait plutôt dans la dégustation suave et langoureuse de petits bâtonnets de biscuits, enrobés de chocolat ? C'est en tout cas l'avis des jeunes japonais qui voient les Pockys — la version locale des Mikados — comme un véritable support amoureux, romantique, voire même sexuel. La raison d'un tel engouement pour ce snack ? La possibilité de réaliser un « baiser Pocky » : une interprétation gourmande du célèbre « baiser spaghetti » qui consiste à manger le biscuit avec un ou une partenaire jusqu'à ce que les lèvres finissent par se rencontrer.

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En fait, cela fait déjà plusieurs décennies que les adolescents japonais et les office lady raffolent de ces biscuits. Les Mikados sont apparus pour la première fois en 1966 dans le pays du Soleil-Levant. Entre-temps, ils ont acquis une vraie popularité sur tout le continent asiatique. Vendus par paquet de quinze, il existe aujourd'hui plus de 300 parfums différents. Parmi les saveurs exotiques — et parfois un peu tirées par les cheveux — on retrouve le haricot azuki, le thé vert, le melon, le caramel ou encore le sésame noir.

L'origine du premier « baiser Pocky » reste quant à elle encore inconnue. Parier sur une référence au « baiser spaghetti » reste l'option la moins risquée. Comme si cette image hollywoodienne du baiser romantique avait subi d'innombrables déformations et évolutions au cours des soixante dernières années, pour finalement atterrir sur les terres nippones.

D'ailleurs en 2015, il est devenu impossible de passer à côté du bisou Pocky, il est partout : dans les dessins animés, sur YouTube et dans toutes les soirées de collégiens.

Mais plus récemment, une nouvelle version du jeu a pris d'assaut les écoles japonaises, comme les Pogs et les Tamagotchis ont déferlé sur les années 1990 en leurs temps. Quelques passionnés de Pocky ont lancé une nouvelle mode qui mélange leur amour pour ces petits biscuits et celui pour les bishonen et les yaoi, des références qui renvoient à la sous-culture homosexuelle japonaise.

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Bishōnen veut dire « joli garçon » et c'est une notion qui est très propre à la culture japonaise. Symbole de beauté et de raffinement, cette icône est très largement mis en valeur dans le théâtre kabuki ainsi que les groupes de musique glamour. Et les jeunes filles les adorent.

Le yaoi a aujourd'hui un autre nom : Boy's Love ou BL. C'est un genre de dessin animé et de manga dont l'intrigue principale est une relation amoureuse entre deux personnages masculins.

Vous commencez à voir où tout ça nous mène ? Le web est envahi par des garçons qui utilisent des Pocky pour dévoiler au grand jour le désir qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Ce qui ne manque pas de ravir toute une génération de jeunes filles écolières en mal d'amour qui regardent les vidéos en boucle sur leur écran d'ordinateur, bien au chaud dans leur lit.

Dans les vidéos de « baiser Pocky », il y a toujours un groupe de jeunes hommes en uniformes d'écoliers. Au milieu des rires et des cris, on observe généralement deux beaux et jeunes garçons en train de manger un Pocky en partant des deux extrémités. La dégustation se conclut toujours par un baiser sur la bouche. Il existe aussi des vidéos dans lesquelles on peut voir des jeunes filles complètement hystériques pousser des cris perçants quand leurs pops-stars préférées se prennent au jeu du bisou Pocky. Cette pratique est d'ailleurs devenue un incontournable des émissions télévisées japonaises.

One Pocky boy, une vidéo uploadée sur Vine, a atteint le nombre hallucinant de 13 234 072 vues en une après-midi. Une compilation de bisous échangés lors de l'International Pocky Day est également disponible.

Et au cas vous auriez envie de vous plonger dans un vortex quasi infini d'existentialisme multiculturel, c'est comme si les Japonais ne voulaient plus jamais se passer des Pockys. Qualque part dans un vortex quasi infini d'existentialisme multi-culturel, il y a la vidéo de deux femmes, déguisées en personnage d'une série japonaise populaire, en train de s'échanger une bonne grosse Pocky-pelle.

Comment expliquer l'impact structurel d'une telle pratique sur la société japonaise ?

En fait, bien que plus de la moitié de la population japonaise affirme être opposée au mariage gay, il persiste une longue tradition de la représentation homoérotique au Japon. Depuis l'époque des temples bouddhistes, les Japonais ont romancé l'amour entre deux personnes du même sexe dans les monastères. Ce qu'on appelle les relations nanshoku impliquent une liaison entre un partenaire plus âgé, appelé nenja, et un autre plus jeune. On trouve aussi pas mal de documentation sur les relations amoureuses homosexuelles entre samourais, celles-ci étant évoquées sous le nom de « contrats entre frères d'armes ». Disons tout simplement que les bisous Pocky, qui se propagent à travers le web, ne sont que la dernière forme d'une longue et vénérable tradition homoérotique et qu'en ce qui concerne les Mikados, les Japonais sont indéniablement super-gay.