Larmes de sang contre petites natures : avec les amateurs de piments hardcore

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Larmes de sang contre petites natures : avec les amateurs de piments hardcore

Je suis allé au Dutch Chili Festival des Pays-Bas à la rencontre de ceux qui prennent un plaisir maso à s'enfiler des piments qui arrachent la gueule.

Perso, j'aime bien manger épicé. Enfin, de temps en temps. En général, je force toujours un peu trop sur la harissa et je me retrouve invariablement à devoir boire du lait toute la soirée, avec la bouche défoncée et les yeux pleins de larmes. Mais c'est une petite galère de rien du tout comparée à celles qu'endurent les tarés qui se réunissent chaque année au Dutch Chili Fest des Pays-Bas.

Les visiteurs de ce festival, qui en est à sa sixième édition et attire environ 6 000 personnes, peuvent y découvrir les dernières sauces les plus pimentées et autres produits dérivés présentés par les exposants qui viennent avec leurs propres plantations. Les plus braves d'entre eux rappliquent ici pour se déchirer la gueule en mangeant des Carolina Reapers ou des Moruga Scorpions – des piments parmi les plus forts du monde – comme si c'était des bonbecs.

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J'ai voulu aller y faire un tour pour voir, de mes propres yeux, sans chialer, à quoi ressemblait cette population de gens passionnée par les piments qui arrachent la gueule. Je leur ai posé quelques questions pour essayer de comprendre d'où leur venait cette inclination presque masochiste à s'enfiler l'équivalent de toute l'échelle de Scoville dans le gosier.

Jan, 64 ans

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Toutes les photos sont de l'auteur.

MUNCHIES : Jan, comment es-tu devenu un adepte du piment ? Jan : Je suis tombé dans cet univers un peu par hasard. J'ai d'abord commencé par cultiver des cactus. Et puis en 1985, j'ai rencontré une Californienne qui m'a refilé quelques graines de Tabasco. À l'époque, ça ne se trouvait pas si facilement. J'ai donc planté les graines et c'est à partir de là que je me suis mis à aimer les piments. Je n'ai plus aucun cactus depuis que j'ai trouvé autre chose qui pique à planter dans mon jardin.

Qu'est-ce qu'il y a de si unique dans les piments ? C'est comme une drogue, sérieux. Tu veux avoir ce pic d'adrénaline et du coup tu cherches à goûter toujours plus piquant. Mais ça doit aussi rester bon parce que tu veux quand même manger un truc pas dégueu.

Est-ce que manger pimenté, ça te remue vraiment de l'intérieur ? Je fais pousser ces plantes moi-même et il m'arrive de les exposer au public lors de foires. Si quelqu'un trouve ça drôle, je lui file la sauce la plus épicée à goûter et il capte tout de suite que ce n'est finalement pas de la rigolade. Il n'y a pas longtemps, quelqu'un s'est même évanoui et on a eu du mal à le ranimer. Je l'avais pourtant prévenu. Voilà ce qu'on récolte quand on essaye de faire le malin.

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Twan, 44 ans

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Comment es-tu devenu fan de piment ? Twan : Au départ, je suis surtout fan de bouffe. Et puis, disons que j'allais un peu trop souvent au resto thaï. C'est toujours sympa d'inviter des amis à dîner et de faire un petit barbecue mais à partir du moment où tu commences à servir de la viande grillée épicée, c'est l'escalade et il faut toujours servir plus épicé.

Selon toi, quelle est la meilleure méthode pour augmenter la tolérance de quelqu'un aux nourritures épicées ? Il faut y aller doucement et voir ce que ton corps peut supporter. C'est vraiment un processus très lent mais tu finis par pouvoir manger plus épicé. Et en plus, en prenant ton temps, tu apprends à distinguer les différentes saveurs et intensités des piments. Parce qu'il n'y a pas que le côté épicé, il y a aussi toute une saveur qui reste en bouche après. Certains piments brûlent un peu le devant de la bouche alors que certains arrachent toute la bouche pendant longtemps. Il faut prendre son temps parce que le but n'est pas de s'enfiler un litre de lait après chaque repas.

Est-ce que tu prends la peine de cuisiner séparé pour tes amis qui n'aiment pas le piment ? Oui. Si je mets plein de jalapeños dans ma salade, j'en fais une autre à côté qui n'en contient pas. C'est marrant de faire manger des piments très forts à des gens qui ne sont pas habitués, mais j'essaie de ne pas trop abuser de cette blague parce que c'est méchant.

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Sylvia, 27 ans

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Bonjour Sylvia, qu'est-ce que tu es venue chercher ici ? Sylvia : Je viens d'Indonésie. Ça fait deux ans que j'habite ici. J'ai grandi en mangeant épicé – dans mon village, ma famille faisait pousser ses propres piments. Je suis venue pour trouver de bonnes sauces épicées à acheter ainsi que des piments frais.

À ton avis, pourquoi tant de personnes aiment manger épicé ? Les épices donnent une tout autre dimension aux plats, une dimension qui ne se trouve pas dans les autres saveurs.

Mandie, 22 ans

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Hello Mandie, tes amis me disent que tu es une vraie « folle à piments ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Mandie : Je viens de Finlande. Mon père est vraiment très branché piment – il a sa propre entreprise de sauce pimentée. Donc en grandissant, il m'a souvent répété : « mets un peu de Tabasco pour t'habituer. » En Finlande, on mange souvent de la nourriture IKEA un peu fade, des boulettes de viande et du saumon. Donc pour mon père, c'était une façon de mettre un peu de piments dans nos assiettes, littéralement.

Tu supportes donc bien les piments très forts ? Il y a un exposant ici qui m'a lancé un défi et, comme je suis la fille d'un type dans le milieu, je me devais de le relever. Mais il s'est avéré que le piment était un peu trop balèze pour moi : pendant que mes amis me cherchaient du lait en vain, j'étais en train de baver près d'une poubelle. Ils ne vendent pas de lait au bar, ici. C'est dingue, non ? Mais la bière et la vodka calment bien le feu de piment aussi, heureusement. C'est sans doute parce que ta bouche a subitement mal pour une autre raison, ce qui annule la première douleur.

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Il y a beaucoup de mecs ici. Est-ce que le monde des piments est un truc plutôt masculin ? Oui, c'est pas faux. Mais je survis. On dit souvent : « Les piments, c'est comme les femmes : c'est chaud et plein de saveurs mais ça finit toujours par vous faire pleurer. »

Olaf, 38 ans, Siem, 33 ans et Guus, 34 ans

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Vous vous êtes tous acheté un plant de piment ? Siem : C'est mon nouveau piment. Je vais l'appeler Johnny parce que c'est un piment « Ring of Fire ». Je ne sais pas trop à quel point il est fort mais avec un nom pareil, je me devais de l'avoir. J'espère juste ne pas moi-même choper un « ring of fire » après les avoir goûtés, si tu vois ce que je veux dire… Aimer les piments, c'est aussi une question de fierté : tu manges pimenté avec tes potes et tu vois qui résiste le mieux.

Guus : C'est mon cousin qui est chef qui m'a raconté la pire des anecdotes – il a peloté sa copine après avoir cuisiné des piments et sans s'être lavé ses mains… Autant te dire qu'il n'a pas pu retenter quoi que ce soit avec elle pendant une semaine.

Olaf : Pour nous, manger pimenté, ça fait partie de notre mode de vie rockabilly : on boit un peu trop de bières, on regrette certains de nos tatouages et on avale des trucs qui arrachent.

Julie, 35 ans

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Je remarque qu'ici, beaucoup de personnes portent des T-shirts de groupes de rock ou de punk. C'est quoi le rapport avec les piments ? Julie : C'est pas vraiment un festival de food-trucks gentillets. Les piments comportent de vrais risques, c'est ce qui les rend dangereux et excitants. Donc ouais, peut-être que c'est punk.

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Wilbert, 44 ans

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Je vois que tu produis toi-même ton sambal. Tu fais tout pousser toi-même ? Wilbert : J'ai toujours adoré la bouffe pimentée. On cuisine souvent épicé à la maison et donc on a commencé à en cultiver pour s'amuser. Maintenant, les pousses sont très grandes. Et comme on ne peut pas tout manger d'un coup, j'ai commencé à faire du sambal pour conserver les piments.

Guus, 29 ans

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Alors, ça fait quoi d'avoir mangé le burger le plus piquant de tous les Pays-Bas ? Guus : Je suis encore un peu en souffrance. Ils m'ont fait venir sur scène parce qu'ils manquaient de participans. À ce moment-là, je pensais que c'était une bonne idée. Mais j'ai jamais mangé un truc aussi épicé de toute ma vie.

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Tu es encore un peu rouge autour de la bouche. Ça va ? Si tu manges trop de piments, ton visage rougit et tes lèvres se mettent à gonfler. Je sens encore la chaleur dans le fond de ma gorge là.

Elif, 26 ans

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Qu'est-ce qui te fait te sentir si bien dans ce festival ? Elif : Ce n'est pas un festival de mauviettes où des mamans font goûter des petites choses mignonnes à leur progéniture. C'est un truc de durs. Je me sens dans mon élément.

C'est quoi le truc le plus piquant que tu aies testé aujourd'hui ? Je viens de manger un burger et j'ai demandé à rajouter un peu de piment. En général quand je demande ça dans les restaurants, ça me convient parfaitement. Mais j'avais oublié que j'étais dans un salon du piment. Après quelques bouchées, je n'y arrivais plus. J'ai dû jeter tout le burger.

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C'est quoi la pire expérience que tu as eue en lien avec du piment ? Ma coloc fait souvent à manger mais elle est un peu trop téméraire. Un jour elle est revenue des courses avec plein de sauces et d'huiles et elle a tout balancé dans le plat qu'elle préparait. Après quelques bouchées, on était toutes les deux à terre. L'une d'entre nous a même vomi. En fait, elle avait acheté une huile extra-pimentée. Depuis, plus personne ne lui fait confiance en cuisine.

Marcello, 34 ans

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C'est quoi ce que tu tiens dans les bras ? Marcello : J'ai acheté deux plants pour une pote qui mange souvent épicé. C'est bientôt son anniversaire et c'est une bonne idée de cadeau, je trouve.

Toi aussi, tu manges épicé ? J'ai toujours mangé un peu épicé mais maintenant que je sors avec une Indienne, c'est encore pire. Bizarrement, j'arrive à manger plus épicé qu'elle.

Ann, 38 ans

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Tu as trouvé tous tes bijoux ici ? Ann : J'avais déjà le pendentif piment, mais je cherchais une pince à cheveux. Je suis aussi venue pour goûter la nourriture et les sauces mais ma priorité, c'était vraiment les bijoux. Je fais un spectacle burlesque sur un thème mexicain donc ça va bien me servir.

Du burlesque mexicain ? Oui. Un peu comme un show du Moulin Rouge mais avec de la musique mexicaine.

Cet article a été initialement publié sur MUNCHIES NL.