Tout le monde a peur de dénoncer la mafia, même sur Internet

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Personne n’ose dénoncer les mafieux – que ce soit des membres du clan, des ex-mafieux sur la voie de la rédemption ou même des victimes d’extorsion. C’est probablement dû à cette vieille tradition de l’omertà, une règle tacite qui impose aux mafieux de ne jamais parler de la Famille, sous peine d’être froidement assassiné ou de se réveiller avec une tête de cheval (mort) dans son lit. Depuis des années, cette terreur diffuse a permis au crime organisé de s’ériger en véritable industrie. Mais la technologie est arrivée, avec ses systèmes de messagerie anonyme, ses codes cryptés et ses réseaux sécurisés. Reste à savoir si la technologie privée va finalement permettre de transgresser cette loi du silence.

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Une nouvelle plateforme de dénonciation a décidé de s’y employer. Le site MafiaLeaks s’attaque à la mafia italienne en permettant aux mouchards d’envoyer des informations incriminantes sur les mafiosi en toute sécurité.

Le site sert d’intermédiaire entre des informateurs potentiels, des journalistes et des forces de l’ordre à la recherche de pistes. Pour accéder au site privé, les utilisateurs doivent passer par le réseau Tor. Toutes les communications sont codées de manière à ce que même les administrateurs du site ne puissent y accéder – seuls l’informateur et son destinataire sont en mesure de lire leur conversation. Les données sont disponibles sur le serveur du site pendant 20 jours, et elles sont ensuite supprimés pour une protection plus optimale.

L’idée est assez cool, mais elle implique de faire confiance aux logiciels privés –ce qui est assez compliqué dans ce climat post-NSA où même les outils les plus sécurisés ne sont pas à l’abri des regards. Qu’est-ce qu’il pourrait vous arriver si un hacker parvenait à exploiter une faille de sécurité et qu’il retrouvait votre véritable identité ? Il y a de fortes chances que vous finissiez par nourrir les poissons.

Les fondateurs du site ont aussi de quoi s’inquiéter, bien qu’ils aient tout fait pour préserver leur anonymat. Sur la FAQ du site, ils expliquent : « Nous ne vous demandons pas de faire confiance à MafiaLeaks. Ne faites surtout pas confiance à MafiaLeaks ! Envoyez vos informations en tout anonymat. Ne donnez jamais votre nom, ni aucune donnée qui pourrait révéler votre identité. »

L’inconvénient de cet anonymat, c’est qu’il permet également aux membres de la mafia de s’inscrire et de donner quelques fausses pistes pour se débarrasser des flics. En fait, les individus à l’origine de MafiaLeaks ont déclaré qu’ils avaient eu des difficultés à travailler avec la police, qui n’est toujours pas parvenue à déterminer de quel côté ils étaient.

Mais MafiaLeaks explique que le site met à disposition des indices précieux en encourageant les citoyens à envoyer toutes les vidéos, captures d’écran et informations qu’ils peuvent trouver sur le cercle mafieux. Leur slogan rappelle la campagne post-11-Septembre menée par le gouvernement : « Si vous savez quelque chose, dites-le. »

« À l’heure où tout le monde possède un smartphone, nous estimons que des rapports arriveront en masse d’ici peu », affirme le blog du site. « La mafia opère chaque jour sous les yeux de tous et elle maintient son pouvoir grâce à l’intimidation. Il est temps de leur mettre des bâtons dans les roues. »

Leur technologie est fondée sur Globaleaks, une plateforme open-source anonyme, et leur concept s’inspire directement de SecureBox, un service de messagerie ultra-sécurisé créé par le défunt Aaron Swartz et destiné aux informateurs pour communiquer avec les journalistes. D’ailleurs, le blog de MafiaLeaks a récemment écrit un article sur SecureBox le 8 novembre – date à laquelle Aaron Swartz aurait dû fêter ses 27 ans.

Le projet entre dans la mouvance techno-anarchiste actuelle qui s’est vue renforcée par les réactions négatives contre la surveillence gouvernementale. Le site a été lancé le 5 novembre (date iconique pour tous les hacktivistes) – et bien entendu, le masque de Guy Fawkes se trouve quelque part sur le site, sur la page des offres d’emploi.

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