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LE NUMÉRO 1994

La voix de la grosse boule

Ça fait un an que je me réveille tous les matins en écoutant La Grosse Boule sur Radio Nova présentée par Édouard Baer et Ariel Wizman. Comme ils sont très drôles, j’ai eu envie d’aller les saluer mais Édouard n’était pas là...

Édouard Baer et Ariel Wizman de La Grosse Boule sur Radio Nova

Ça fait un an que je me réveille tous les matins en écoutant La Grosse Boule sur Radio Nova présentée par Édouard Baer et Ariel Wizman. Comme ils sont très drôles, j’ai eu envie d’aller les saluer mais Édouard n’était pas là, alors j’ai papoté avec Ariel, un garçon très intelligent qui a sûrement un brillant avenir de chroniqueur télé devant lui.

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Vice: Salut Ariel, ça va ?

Ariel Wizman :

Terrible. J’ai mixé hier soir au mariage de Laurent Garnier. Il y avait Derrick May, Carl Cox et Jeff Mills, en pleine campagne anglaise. Il y avait aussi un type chelou qui se fait surnommer Mr Oizo, dont les parents ont un garage. Il est grave.

Comment ça se passe à La Grosse Boule ?

Je peux pas te dire. On dit tellement de choses absurdes qu’on a tout oublié en sortant. Ce matin, on avait un ange du bizarre, Michel Houellebecq. On n’avait pas lu son livre, alors on a chanté ensemble. Il aime beaucoup notre rubrique « C’est calme en ce moment », quand nous appelons des commerçants pour leur faire dire cette phrase mythique, saluée par un jingle explosif.

Je viens de lire un papier de toi paru dans Actuel il y a quelques mois sur « le grand minitel mondial ». C’est quoi Internet au fond ?

Un nouveau truc fascinant, sur lequel réfléchissent des gens comme Baudrillard, Virilio, Jaron Lanier (le chantre de la réalité virtuelle) et toutes les grosses têtes du M.I.T. Un « réseau des réseaux » mondial, relié par un « modem », avec des BBS, des « Bulletin Board », où chacun s’exprime potentiellement pour le monde entier, et peut recevoir des réponses par le « mail » (sorte de courrier électronique). Imagine ce que ça pourra donner pour l’underground ! Je prépare un magazine sur cette ébullition,

Interactif

. La France est hyper en retard, à cause du monopole du minitel. J’espère juste que ça ne va pas être récupéré par le commerce. Ça peut devenir l’outil majeur de ce qu’on commence à appeller la mondialisation. Il y a même un projet ultra secret d’une « autoroute de l’information » !

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Ça va changer quoi dans nos vies ?

Ça va fluidifier les rapports, créer des réseaux. Il parait qu’à terme, on pourra même faire des groupes electro connectés d’endroits éloignés du monde ! Et on pourra mettre des films et de la musique en ligne. Directement du caméscope ou du DAT ! En numérique, mec !

C’est pas contrariant, rapport au droit d’auteur ?

Non, j’en ai parlé à Pascal Nègre. Il est pas inquiet pour deux sous. Le CD a encore de belles années devant lui. Et la VHS aussi !

Vu que tu étais punk, peut-être que tu peux m’expliquer : c’est quoi, au juste, un cyberpunk ?

C’est un lecteur d’un ouvrage fondateur,

Nécromancien

de William Gibson. Mais au-delà, un adepte de la philosophie des TAZ, les Zones autonomes temporaires de Hakim Bey, un soufi spécialiste de l’histoire des pirates, et qui fantasme à bloc l’Internet. Pour lui, c’est comparable aux réseaux des pirates, présents dans de multiples points inaccessibles, et qui prennent le pouvoir dans un « filet », sans avoir de territoire. Le « net » (c’est le nom que lui donnent les cyberpunks) ça veut dire filet, et donc ça pourrait devenir une TAZ, une zone où serait décrétée une nouvelle forme d’anarchie.

Quels sont les musiciens, stylistes et médias qui te semblent prometteurs cette année ?

Il y a la scène jungle, qui prend le dessus sur la house, avec l’utilisation de breakbeats ultra accélérés, des magazines cyber américains géniaux comme

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Wired

ou

Boing Boing

, et une explosion de zines comme

Answer Me!

ou Grr. Certains ont une page Internet accessible. En mode, Stussy et Mambo, venus du skate, inventent une sorte de mélange appellé « streetwear », qui se porte XXL, à la manière des gangs de L.A. Et puis en politique, on vit sous Balladur.

Sans commentaire.

T’es plutôt hip hop ou grunge ?

La scène grunge ne me passionne pas, et le hip hop commence à tourner en rond. Le ragga bouge à mort, avec des lyrics ultra sex, des nouvelles danses toutes les semaines comme le bogle ou le butterfly. Et cette coutume de faire un « riddim » sur lesquels chaque DJ vient poser son flow. J’achète ça à Londres chez Dub Specialist. Un pote m’a filé une « dubplate », c’est un disque en acétate, pressé en exemplaire unique. C’est General Levy, qui toaste sur de la jungle. Une bombe ! J’ai aussi chopé un « white » de « Da Funk », une sorte de house injouable parce que trop lente. C’est des mecs qui avaient un groupe de rock, les Darling je sais plus quoi. Terrible ! Mais injouable ! Il faut garder le tempo, le BPM !

IAM ou NTM ?

Les deux. C’est des potes. Mais, quand

Télérama titre

: « “Pose ton Gun“, une chanson citoyenne », je me demande quand même si ça sent pas la récup.

Oasis ou Blur ?

Les Blur et Oasis, qui font genre « le rock revient » alors qu’ils sont des blaireaux, je les conchie. Avec Édouard, à Nova, on a foutu les Blur dehors à coups de pompes ! C’est des fiotes, je leur aurais fait bouffer leurs Clarks ! En revanche, je crois vachement à la scène easy listening, qui commence à bouger, avec The Mike Flowers Pops Orchestra ou Count Indigo. Même Aphex Twin s’y ­intéresse !

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Tu vas dans les raves ? T’en penses quoi ?

On a fait une rave dans un chantier sous la Défense, avec mon pote Pat Cash. Y’avait Laurent Garnier, DJ Deep, Gilb-R, et même des DJ’s de hip hop comme Dee Nasty, ou l’autre scratcher, hyper jeune, David Guetta. On en fait une autre, sous l’Opéra Bastille, dans le parking. À minuit, on avait donné rendez-vous à tout le monde dehors, on est descendu d’un coup, on a branché le son, ils ont rien pu faire ! Avec Pat, on a été chez l’arabe du coin, on acheté des packs de bière. Ça nous a fait le bar, mais on n’a pas gagné d’argent.

Tous les jeunes gens semblent prêts à revendre leurs guitares pour acheter des platines, t’as pas peur de la dictature des DJ’s ?

Non, les DJ’s sont des gens cool. Si tu vas à Ibiza, et que t’écoutes les mecs qui sont dedans depuis longtemps, les Balearic, tu verras que leur philosophie est très proche des hippies. Pareil pour les mecs genre Cox, Fabio ou Grooverider, qui animent les Sound Systems et les raves pirates à Londres et dans le nord de l’Angleterre.

Jusqu’ici, c’est quoi la différence notable entre les années 1980 et les années 1990 ?

Tout devient électronique, et l’élitisme eighties disparait. Heureusement, parce que le chômage monte !

As-tu un point de vue sur l’affaire Florence Rey ?

Ils l’ont sacrément amochée, les képis !

C’est la première fois que je vois ton visage et je suis un peu surpris parce qu’à entendre vos voix à Édouard Baer et toi, je vous imaginais comme deux vieux gays…

Tu me trouves jeune ? T’es cool ! Tu veux venir à ma soirée Latin Harlem ? On passe que de la house latino et du latin hip hop, aux Bains.

Euh, non merci je suis contre les boîtes de nuit. Tu as plutôt une bonne tête en fait, tu as pensé à faire de la télé ?

On nous l’a proposé, on a même vu un hélicoptère se poser sur le toit de TF1 alors qu’on discutait avec une hystéro, genre « je gère les programmes, je peux vous propulser en trois mois ». Elle nous a demandé de la faire rire, on n’a pas réussi. On l’a pas revue.