
Ce qui importe alors, ce n’est plus ce que ce mec fait, mais la conviction qu’il y met. Et il y met rien de moins sa vie entière, bordéliquement agencée en un grand tas de motifs hypnogènes, de paroles primitives, d’aboiements, de sirènes d’anti-vol, de sorties de route et de nuits infernales. Libre ensuite à chacun de titrer la ficelle qui l’arrangera dans cette énorme panique – techno, punk, indus, BO pour polar urbain de l’an 3000 : comme si ça ne lui suffisait pas d’être à ce point âpre, féroce, et vitale, la musique d’Usé vous donne aussi le choix – luxe inouï à l’époque où on vous pré-mâche le boulot au point de vous envoyer des articles et opinions livrés clé-en-main, prêts à être publiés (nouvelle trouvaille des attaché-e-s de presse, dont on parlera plus en détail un autre jour).
À vrai dire, la musique de Nicolas Belvalette (l’homme derrière Usé, que l’on peut également croiser chez Headwar, Les Morts Vont Bien, Sultan Solitude, Roberto Succo et 125 autres projets simultanés) aurait très bien pu se contenter du live, contexte où elle semble atteindre son plein potentiel. Face à une telle puissance de feu que pourrait en effet apporter un disque, sinon une inéluctable déception ? Le fait est que c’est tout l’inverse : Chien d’la casse, le premier album d’Usé qui sort le 24 avril sur Born Bad est un instantané parfait de ce qu’a été, de ce qu’est et de ce que sera sans doute encore Usé, formidable machine à broyer le temps et la connerie et d’ores et déjà un des disques les plus passionnants de cette année. On est allés passer un moment avec Nicolas pour parler de son parcours, de sa musique, de ce qu’il est allé foutre dans les élections municipales de 2014, et de Chien d’la casse, qu’on vous présente sans plus attendre en intégralité absolue ci-dessous.
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La pochette c’est du vécu aussi ou tu l’as prise spécifiquement pour le disque ? Rires

Tu n’es pas seulement musicient, tu gères également une salle à Amiens.
C’est une salle associative, au fonctionnement très simple. Le lieu est géré par 10-15 personnes au total. On n’a pas de subventions, on gère tout de A à Z, on paye le loyer, et on organise des concerts, mais ça reste ouvert à d’autres choses, du théatre, etc. Cela dit, les concerts restent vraiment l’acivité principale, on en fait 3 par semaine en moyenne. Et ça se passe bien avec les autres salles d’Amiens. On a eu un souci de fermeture il y a quelques temps et tout le monde nous a soutenu, des salles plus importantes comme la Lune des Pirates se sont montrées très solidaires. Après, on est un peu excentrés, c’est donc un peu particulier. On attire un public plus averti, on va dire. On n’a pas vraiment de badauds même si heureusement de nombreux curieux font le déplacement à chaque fois et c’est cool. C’est très différent de ce que pouvait être une salle comme la Miroiterie à Paris, qui se trouvait en centre-ville, qui était hyper accessible, par exemple.
J’ai organisé des concerts durant les années 90 dans des endroits DIY ou associatifs et c’était un milieu dans lequel le réseau, l’entraide entre organisateurs et groupes était primordiale. Sans contacts, tu pouvais vraiment galérer. Aujourd’hui, tu penses que les choses sont plus simples ?
Je ne sais pas. Des organisateurs de concerts, t’en as toujours en tout cas. Le circuit se renouvelle, si tu veux. Les gens se passent les contacts. La différence, c’est que les jeunes, les nouveaux, ceux qui arrivent dans le truc, ils savent tout de suite où et comment te trouver, ils ont tous les outils pour ça. C’est Seb Normal qui me disait : « Tu te rends compte, d’ici peu tu auras des gens nés après 2000 qui vont nous faire jouer » [Rires]. Ça arrive déjà, à vrai dire. Mais c’est vrai qu’avant les choses étaient nettement plus compliquées, il fallait un moment avant de se faire des contacts, un réseau. Après il y a une autre difficulté, c’est qu’il y a moins de squats et de lieux alternatifs qu’avant, donc la possibilité de jouer s’est réduite pour certains groupes. Après, il existe quelques salles associatives, tu en trouves à Nantes, Strasbourg. Et il y a la nôtre à Amiens, donc. Même si personne ne connait Amiens. Ça n’existe pour ainsi dire pas comme ville [Rires].
L’an dernier, tu t’es présenté aux élections municipales d’Amiens, justement, à la tête du Parti Sans Cible. Ça a pris des proportions assez dingues.
À Amiens, je m’occupe des gens qui m’entourent. Ce qu’il se passe en ville c’est pas mon truc, je suis déjà suffisamment occupé comme ça. On a surtout fait ça parce que rien ne nous en empêchait. Ce que je retiens de cette expérience ? Que certains de mes concurrents n’ont même pas daigné me payer l’apéro ! [Rires] Moi j’y suis allé. Je suis allé au QG de l’UMP après les résultats en mode « Bon j’ai perdu, mais je vais quand même offrir le champagne ».
Ils t’ont accueilli comment ?
Il y en a qui flippaient, d’autres qui étaient impressionnés, et d’autres qui voulaient me virer. Ça te donne un peu une idée de l’ambiance [Rires].
Hormis Chiens d’la casse, tu as d’autres sorties qui arrivent avec tes autres projets ?
Ouais, cette année on devrait avoir un album des Morts Vont Bien. Un disque d’Headwar également, Seb Normal est d’ailleurs en train de le mixer. Et il y a également Âge Tendre, c’est un trio rock ‘n’ roll, yé-yé avec un son très 50/60, on devrait sortir un truc dans l’année là aussi.
Chien d’la casse sortira le 24 avril sur Born Bad. Vous pouvez le pré-commander ici.
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Gijsbert Hanekroot/Redferns -

Photo: marktucan / Getty Images

