Adam Richard Wiles – de son vrai nom –, DJ écossais né en 1984, s’est rendu célèbre en 2007 avec la sortie de son premier album, le terrifiant I Created Disco. Bourré de titres aussi navrants que « Vegas », « Neon Rocks » ou « Electro Man », cette série de 14 morceaux était digne d’une playlist d’un étudiant en deuxième année s’essayant à la production et pensant défoncer à l’aise le « Daft Punk Is Playing In My House » de LCD Soundsystem. Un album qui sonnait comme une parodie involontaire de Justice et Simian Mobile Disco, les deux têtes d’affiche de l’époque.
Sur le single « The Girls », un mec sûr de 23 ans très sûr de lui répétait ce refrain : « I like them black girls, I like them white girls / I like them Asian girls, I like them mixed-raced girls… I get all the girls, I get all the girls, I get all the girls. » Inutile de préciser que Calvin Harris – qui avait opté pour ce nouveau nom pour sa sonorité « plus ambigüe d’un point de vue racial » – n’a finalement pas pécho toutes les meufs. Il a juste failli. En même temps, sans même parler de sa musique, il partait plutôt mal en arborant cette tenue.
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Nous ne fêterons donc pas l’anniversaire de I Created Disco mais nous avons tout de même eu envie de parler de Calvin Harris après avoir remarqué, depuis la sortie de ses deux derniers morceaux, « Slide » et « Heatstroke », sa tentative désespérée pour faire savoir à l’Univers tout entier qu’il est désormais un vrai musicien. Déjà, il a calé des featurings de folie sur ces titres – Frank Ocean et Migos sur « Slide », Young Thug, Pharrell Williams et Ariana Grande sur « Heatstroke » (comment ça, ce ne sont pas de vrais musiciens eux non plus ?). Mais plus important encore, la star mondiale de l’electro, richissime DJ et tête d’affiche régulière de Coachella, tient absolument à vous faire savoir qu’il n’est, au fond, qu’un mec créatif comme les autres, un mec qui n’a jamais porté ces stupides sapes ni enregistré de disco merdique il y a 10 ans de ça. Non non, tout ça ce n’était pas lui.
En dehors de ses vidéos ambiance « un couple s’éclate en vacances » que vous avez peut-être aperçu sur Facebook – longues, nombrilistes, filmées sur une GoPro et dont la bande sonore est laissée à un certain Kygo – la musique de Harris a toujours respecté une constante : elle n’a jamais communiqué aucune émotion. Evidemment, il s’est toujours arrangé pour bosser avec les gros noms de son époque et a même tutoyé le sommet les charts tout seul comme un grand. Après tout, ce n’est pas de sa faute si les majors l’appellent dès qu’une une star leur demande un « gros son de bâtard » (c’est ce qui s’est passé notamment avec « We Found Love » de Rihanna ou « Holiday » de Dizzee Rascal). Pourtant, côtoyer les plus grands ne lui a servi à rien, Harris a toujours cultivé une personnalité aussi inexistante que celle de Zac Efron dans We Are Your Friends : propre, précise, mécanique, dénuée de vie. Mais ces nouveaux titres sont là pour vous faire oublier tout ça.
On vous présente aujourd’hui : Calvin Harris, un véritable artiste, qui joue de plusieurs instruments, tellement souvent et avec tellement de vitalité, que ça mérité des tas de petites vidéos promotionnelles. Pour ceux qui n’ont pas suivi, « Slide » et « Heatstroke » ont été lancés avec le plan marketing suivant : quelques jours avant leur sortie, Harris publiait sur Twitter les liner notes des singles, présentées avec un visuel digne d’une vraie pochette où chacun des instruments dont il jouait étaient listés. Haha. Avec en bonus, une vidéo de lui en studio – ambiance « ce qu’il se passe dans les coulisses d’un hit », mais aussi et surtout dans l’espoir un peu trop évident d’imposer sa nouvelle image.
Ce serait injuste d’en déduire que Calvin est désormais un DJ Khaled qui sait jouer de quelque chose. Déjà, parce qu’il il est bien moins drôle que DJ Khaled, et qu’en effet, ces deux nouveaux morceaux sont objectivement plutôt bien écrits. Perso, je ne suis même pas capable d’écrire une chanson, ni même de jouer d’un instrument, et c’est sans doute votre cas aussi.
La prochaine fois que vous écouterez « Slide », pensez donc aux notes de Yamaha C7, et à cette douce reverb qui les enveloppe. Quand vous vous passerez « Heatstroke », imaginez-les doigts de Calvin effleurer les cordes de cette basse Ibanez 1200. Pensez à la musique, ce truc pour lequel nous vivons tous. Enfin, faites comme vous voulez – je ne suis ni votre père ni votre patron. Rappelez-vous juste bien d’une chose : ce type a du talent. Et, plan marketing ou pas, il a attendu 2017 pour vous le montrer.
Ryan est sur Twitter.