Je ne dirais pas que je suis experte en matière de sexualité, de genre et de corps, mais je suis suffisamment en phase avec la réalité pour connaître deux trois trucs. Mais quand même, pour en savoir plus sur cet univers, je me suis rendue au GUM, le Musée de l’Université de Gand. Et comme j’ai pour credo « Oser penser », j’ai décidé de me pencher davantage sur les questions liées à nos organes génitaux et je suis donc allée voir Phallus, leur exposition sur la bite.
Vu qu’il faisait une chaleur étouffante ce jour-là, j’étais contente de rentrer dans un bâtiment climatisé. L’entrée sombre ne semblait pas super accueillante au premier abord et contrastait fortement avec le jardin de plantes vives et colorées à l’extérieur. Cependant, j’ai reçu un accueil amical dans ce bâtiment d’unif transformé en musée. J’ai pris l’ascenseur jusqu’au troisième étage où, dans une pièce remplie d’objets étranges – comme dans un cabinet de curiosités -, l’hôte du musée était prêt à recevoir les seul·es visiteur·ses de la journée. Après une brève explication sur le fonctionnement du musée, on m’a laissée me promener librement à ma guise.
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Phallus est une expo temporaire parmi la collection permanente du musée. En général, les œuvres que vous pouvez trouver dans le GUM sont d’anciens matériels pédagogiques mis de côté à cause de l’avènement du numérique que connaît notre bon vieux 21ème siècle. Après une brève balade entre un cheval grandeur nature en papier mâché, une gigantesque sculpture en fer de ce qui semble être un pénis, des masques indigènes, des animaux empaillés, des plantes en métal et une vidéo d’un ancien prof d’une matière que j’ai dû me retaper trois ans d’affilée, je me suis dirigée vers des escaliers qui mènent à une petite pièce encore plus sombre remplie d’objets en forme de teubs de tous genres.
Sur papier, l’expo promet de mettre les organes génitaux masculins sur un piédestal, avec l’idée de les faire tomber par la suite. Mais c’est surtout ce piédestal qui était vraiment perceptible. L’espace incarnait la vision masculine de la sexualité et du monde médical. Cette vision critiquable est également brièvement abordée dans la section sur les sextoys et la recherche sur les vagins. Vous pouvez y voir comment Andreas Vesalius a représenté le vagin dans son ouvrage De humani corporis fabrica libri septem. À l’époque, il était convaincu que le vagin n’était qu’une forme inversée du pénis. Une idée qui va de pair avec le dogme social et chrétien qui prévalait à l’époque selon lequel le vagin n’était destiné qu’à exister pour accueillir les organes génitaux masculins et fabriquer des enfants. Cette idée rejoint la théorie selon laquelle le vagin était un réceptacle pour le sperme et rien de plus. C’est pourquoi la médecine ancienne n’a pas accordé plus d’attention que ça au vagin.
Dans cette pièce remplie de pénis – genre vraiment partout et de toutes sortes d’animaux -, j’ai vu beaucoup d’explications sur cet organe. J’ai vu le pénis en érection d’un renard volant et les conduits sanguins d’un pénis de chien. J’avoue que j’étais un peu déçue de ne pas voir le cloaque d’un canard. Pour les gens qui l’ignorent : les organes génitaux d’un canard mâle sont en forme de spirale, comme un tire-bouchon, et ceux d’un canard femelle sont également en spirale, mais inversés. C’est pour éviter les rapports sexuels non désirés. Bluffant, le pouvoir évolutif de la cane ! Au mur étaient accrochés d’étranges statues de micropénis. Sur la table, y’avait aussi une série de polaroids sur le même thème. Bizarrement, on pouvait aussi trouver des manuels scolaires sur les organes génitaux masculins et féminins que j’ai reconnus et qui datent de mes propres cours d’éducation sexuelle à l’école primaire. Même s’ils semblaient encore assez pertinents 13 ans plus tard, je me suis aussi rappelée que je n’en avais pas tiré grand-chose à l’époque.
Au milieu de la pièce, je me retrouvais encore devant du vieux papier mâché du même style que le cheval que j’avais croisé un peu plus tôt, à l’étage du dessous. Cette fois-ci, j’étais face à un corps « masculin », mais la seule chose qui ressortait vraiment, c’est que sa tête était penchée vers le bas et qu’il avait un membre en érection. Je ne sais pas quoi en penser. Il est triste, peut-être ? Et puis, pourquoi est-il si raide ? Il y a une sorte d’émotion cachée dans ce corps pour lequel l’exposition n’a pas non plus d’explication évidente.
L’exposition nous renseigne également sur la manière dont se développent nos propres organes génitaux. En fait, on a tou·tes le même « tubercule » à partir duquel nos organes génitaux se développent. Des recherches ont même montré que le vagin n’est en fait pas si différent du pénis. J’avais appris ça dans le bouquin Jouissance Club de Jüne Plã, un livre révolutionnaire qui explique toutes les subtilités du sexe et des organes sexuels d’une manière respectueuse du genre, en mettant l’accent sur le vagin et le pénis. Je ne veux pas trop en faire, mais honnêtement, ce livre est à lire absolument pour tou·tes les noobs de l’orgasme. La petite boule que beaucoup de livres associent au clitoris est une image qui est gravée dans la mémoire visuelle de chacun·e grâce à nos manuels scolaires, aussi mystérieuse que le Point G. Mais il s’avère que le vagin possède également un gland, un prépuce et un tissu gonflant. Les petits clitoris verts sculptés dans l’exposition montrent à quel point elle est grande en réalité, cette petite boule.
Du coup, on a tou·tes un pénis ? Ça m’en a tout l’air. Fun fact, une vidéo parle des personnes intersexes. La vidéo explique comment, jusqu’à il y a quelques années, on opérait des bébés ainsi que leurs deux organes génitaux dans les trois mois qui suivaient leur naissance. Les chirurgien·nes choississaient du sexe de ces nouveaux nés. C’est absurde, si vous voulez mon avis. Et maintenant, on s’en rend compte progressivement. Le monde médical attend désormais que ces personnes grandissent pour faire un suivi sentimental, physique et voir comment tout ça évolue dans le temps. Les personnes bisexuées, comme chez les fleurs, sont-elles l’avenir de notre société ? Qui sait, je suis curieuse d’en savoir plus.
OK, j’ai quand même fini par apprendre quelque chose au final. Mais entre les tubes à essai remplis de pénis, les pilules de Viagra et un masque indigène avec un nez qui représente clairement quelque chose d’autre, on accorde très peu d’attention au vagin. L’expo a-t-elle vraiment fait tomber le phallus de son piédestal pour remettre en question le patriarcat ? J’ai des doutes. Nombre de mes idées sur la domination masculine dans le domaine de la recherche ont été confirmées. J’ai appris des choses sur le pénis, mais j’ai surtout été rassurée, enfin je crois. Il est bien sûr rassurant de savoir que la longueur moyenne en Belgique est de 14,5 cm, ce qui nous place devant le Royaume-Uni, la France et l’Espagne, mais qu’au final les personnes ayant un vagin s’en tapent. Ou que les gens utilisaient une côte pour opérer les soldats qui avaient perdu leurs parties génitales – on rafistolait comme on pouvait à l’époque. J’ai aussi été rassurée de voir que le spectre des genres, avec toutes ses différences, était accepté, car douter, remettre en question et évoluer fait aussi partie intégrante de la recherche scientifique. Mais pour une exposition qui veut remettre en question la pensée phallocentrique, elle est restée trop centrée sur le phallus à mon goût. En d’autres termes, on veut plus de vagins et moins de bites !
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