Alors que l’on se déconfine doucement ici et là, le photographe français Arnaud Montagard saisit depuis cinq ans sur papier glacé ce « monde d’après » – sans que cela ne soit vraiment volontaire. Dans The Road Not Taken, son premier ouvrage fruit de nombreux voyages à travers les États-Unis, le jeune homme de 28 ans donne à voir une Amérique vidée de ses habitants. Comme si les diners, stations-services et motels formaient un décor de cinéma fantasmé mais déserté. « C’est vrai que les photos résonnent différemment avec le contexte actuel », sourit Montagard depuis son appartement new-yorkais. « Il y a un sentiment de solitude à travers toutes les photos. C’est soit un homme qui marche tout seul au milieu d’une rue déserte ou bien des scènes où il y a une absence d’êtres humains. »
Si Montagard est un photographe talentueux, il n’est pas non plus devin. L’idée de cette série n’était pas de prévoir un monde post-pandémie, mais surtout de saisir ces lieux de vie intemporels sur lesquels les Américains ne s’interrogent guère plus. Influencé par la culture américaine dans sa jeunesse, Montagard a sillonné ces dernières années l’Alabama, le Nevada en passant par le Nouveau-Mexique tout en faisant un crochet par le Wyoming et l’Idaho. Là-bas, il est parti à la recherche de souvenirs qu’il s’est lui même façonnés et n’a jamais vécus. « Avant de mettre un pied aux États-Unis, on débarque avec un imaginaire, que personnellement je m’étais construit avec les photos de William Eggleston ou Stephen Shore, puis avec des films classiques comme ceux de Tarantino ou des frères Coen. »
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Dans la préface de l’ouvrage (édité par Setanta Books), la journaliste du LA Times Leah Ollman propose ainsi le terme de « souvenirs adoptés », que le jeune Français cherche à retranscrire en photographiant ces scènettes banales pour les Américains, mais iconiques : des condiments sur la table d’un diner, une station essence posée au beau milieu du désert ou encore un motel aux couleurs défraîchies. Ces toiles de fond de la vie courante semblent intemporelles et invitent à la décélération. « C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pour ce livre. Au début je faisais mes photos au numérique, puis au fur et à mesure du projet, j’ai switché vers l’argentique comme une envie de prendre plus de temps », explique Montagard.
Si le travail du photographe s’inscrit dans une certaine déférence à l’Amérique et ses symboles, il rend aussi hommage au courant du mouvement dit des New Topographics, porté notamment par Stephen Shore. « New Topographics était le nom d’une expo organisée à Rochester dans les années 1970, et qui a marqué une génération », rembobine Montagard. « Leur idée était de photographier des paysages modifiés par l’homme », pour aller chercher une certaine beauté dans la banalité, et où l’humain n’est que très peu présent. Mais après cinq ans et 10 000 bornes passés à immortaliser ce décor dans lequel les Américains évoluent, Montagard compte bien retrouver un peu d’humains pour sa prochaine série. Un peu comme nous, dans les mois qui arrivent.
Quelques photos de “The Road Not Taken” ci-dessous :












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