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Le chasseur d’orages qui collectionnait les boîtes de burgers

« Obèse », « no-life », « puceau »… Voici les divers quolibets dont Serge Zaka a été affublé par des internautes, en réaction à sa passion dévorante pour les emballages de hamburgers McDonald’s.

Pourtant, celui qui nous donne rendez-vous au McDo de Jacou – banlieue de Montpellier – en face de son travail, est bien loin du cliché du « gros nerd ». 28 ans, barbe de trois jours, chapeau de cow-boy, chemise à carreaux entrouverte et bretelles, c’est un joyeux mélange de gentleman farmer sauce bavaroise supplément hipster, qui malaxe une grosse boule de patafix pour se canaliser.

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« Je suis quelqu’un d’atypique, rien qu’avec mon look on m’aborde facilement. Et quand, en plus on me demande ce que je fais : chasseur d’orages et collectionneur de boîtes de sandwich McDo, c’est le jackpot. » Bref, venez comme vous êtes.

Serge en plein « apéroDo ». Toutes les photos sont de Sophie Lauth.

Véritable pile électrique, Serge commande tout en expliquant le nouveau système de service du leader des fast-foods. La carte géolocalisée qu’il a entre les mains indique à l’employé la table où nous sommes assis. On s’installe au soleil pour son « apéroDo » – clope et Coca. C’est tout ce qu’il aime.

Son savoureux hobby naît bien entendu au pays de Ronald. En stage aux US, il y a sept ans, Serge ne s’imagine pas rapporter un vieux magnet ou une boule à neige comme souvenir.

« Je me suis dit, Serge, l’Amérique ça te fait penser à quoi ? Aux cow-boys et aux burgers. Donc tu vas aller t’acheter un chapeau du Far West et garder une boîte de Big Mac. » Le look Far West est validé par les potes, la boîte accrochée au mur comme une carte postale.

Le délire aurait pu s’arrêter là. Mais la vraie passion du bonhomme est le petit cornichon qui fait déborder le burger : Serge est chasseur d’orages. Fasciné par les arcs électriques, il adhère à InfoClimat, l’association de référence en météorologie à 13 ans et poursuit de brillantes études en agroclimatologie, couronnées par une thèse qu’il vient de terminer.

Aujourd’hui chercheur dans une start-up qui invente des outils d’aide à la décision agricole, il met au point des solutions pour faire parler les plantes et connaître leurs besoins en fonction du temps. Mais surtout, il passe son temps libre à barouder aux quatre coins du monde, au gré de la foudre. Quel meilleur prétexte pour collectionner les boîtes de burgers ?

Serge nous emmène chez lui et sort enfin sa collection des cartons : 495 boîtes différentes, originaires de 44 pays. « J’ai une base de données, dans laquelle je note tout, provenance, édition limitée, etc. » Ses amis qui voyagent lui en ramènent, et on le contacte des quatre coins de la planète pour lui en envoyer.

« À ma connaissance, je n’ai pas d’alter ego dans le monde », sourit-il. Il déballe quelques-unes de ses plus belles pièces, souvent des « collectors » : le McNutella chopé en Italie, le McChoucroute – trois saucisses, un steak et de la choucroute – proposé (on s’en doute) en Allemagne, le McRaclette franco-suisse, ou encore le McArabia libanais.

« McDo a trop d’imagination. Ils sont capables de s’adapter à toutes les spécificités locales : des soupes au Portugal ou le Chicken Maharaja Mac – remake du mythique Big Mac au poulet, vache sacrée oblige – en Inde. Au Québec, l’anglicisme est proscrit : Happy Meal pour les enfants devient Joyeux Festin ».


Le McChoucroute (Hüttengaudi)

« Un des goûts les plus surprenants est sûrement celui du burger allemand. Le McChoucroute est composé de trois saucisses et de chou. Pour info, je n’ai pas osé le goûter. Certainement trop original pour une fois ! J’ai pu l’obtenir au marché de Noël de Strasbourg. Je n’ai pas pu m’empêcher de traverser le Rhin pour récupérer cette boite très représentative de l’Allemagne ! »

Le McRoyal Fan

« Une chasse à l’orage m’a emmené jusqu’au Portugal lors de la dernière Coupe de monde de football. J’y ai découvert le McRoyal Fan, un burger pour les fans puisque le bun a la forme d’un ballon. Jusqu’à présent, je n’en ai jamais retrouvé de similaire dans le monde. Ça me laisse également un bon souvenir de ma visite à Porto. »

Le Kiwi Angus Burger

« La boite du Kiwi Angus Burger est certainement ma boîte préférée. À travers son design, on retrouve l’ensemble des caractéristiques les plus célèbres de la Nouvelle Zélande : le Kiwi, oiseau terrestre endémique du pays, la célèbre équipe de rugby All Blacks, la danse Haka des Maori ou encore l’équipe de cricket. »


Fasciné, il remarque que le géant du burger propose des produits régionaux répondant aux goûts, religions ou politiques de chaque culture. La folle collection se transforme en étude sociologique. « En fait, ce qui m’intéresse, c’est cette différence dans l’uniformisation. Et là, McDo, implanté dans 117 pays, c’est les meilleurs. C’est une entreprise capitaliste, symbole d’une mondialisation qu’elle assaisonne en fonction de chaque pays ».

Serge est paradoxalement anti-malbouffe, cuisine beaucoup et « fait même ses confitures maison ». Il ne va pas plus de quatre fois par mois dans son fast-food fétiche. Tout est question d’équilibre selon lui : « Je prends une salade à la place des frites ».

Bien que connaissant « les saloperies » que les industriels mettent dans leurs recettes, Serge trouve que McDonald’s est une cible facile. Malgré tout, l’entreprise « gère sa chaîne de fabrication de A à Z, ce qui est respectable pour une si grande distribution, fait de gros efforts pour réduire son empreinte environnementale et se fournir chez des producteurs locaux ». Et surtout, elle propose ces emballages qui font battre son cœur.

L’homme au chapeau aimerait bien faire une exposition de sa collection pour qu’elle vive. S’il n’a pas encore eu le temps d’organiser ça, il estime qu’au-delà des différences culturelles, ce serait enrichissant pour illustrer la transformation de la société.

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« McDo change de design tous les dix ans. Les années 90, qui étaient très fast-food, ont connu la mode des boîtes en polystyrène avec pleins de M jaunes. Quand on a commencé à dire que c’était de la malbouffe, ils ont imaginé des emballages cartonnés, plus ‘écologiques’ et recherchés. La nouvelle mode est à l’épuration complète : il n’y a plus qu’une icône. »

Une bonne raison de repartir chasser les orages et les boîtes. Parce que Serge is lovin’ it.