Comme le disait Gérard Baste, de Svinkels : « Ceci n’est pas un disque, ce n’est pas un album, c’est une œuvre d’art! » Pour la nouvelle scène du rap français, le premier opus du groupe TTC représentait une espèce de concrétisation; une preuve sur CD qu’il existait réellement une alternative au rap français, ou un rap français alternatif. Le 22 avril 2002 sur le label Big Dada, une filiale de Ninja Tune, il a lancé une révolution et contribué à créer une scène de rap alternatif en France. Au cours de leur 10 ans de carrière, le trio (Teki Latex, Tido Berman et Cuizinier) ont collaboré avec des artistes comme Diplo, Skepta et Modeselektor.
Au Québec, TTC s’est surtout fait connaître avec 3615 TTC (et la vague de vêtements fluos que leurs clips ont engendrés), ainsi qu’avec Danse la poutine, hymne officieux de La Banquise, en collaboration avec le groupe québécois Omnikrom. Même si le groupe est aujourd’hui dissous, ses membres gardent un bon souvenir de Montréal et y reviennent dès qu’ils en ont la chance.
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Ceci n’est pas un disque ( CNPUD) a été pour plusieurs, dont moi, un album révolutionnaire, un coup de pied dans la fourmilière monotone du rap français de l’époque, qui était un vague calque du hip-hop old school américain. Avec des morceaux produits par Para One, le légendaire DJ Fab et Tacteel, il se démarque surtout de par son approche expérimentale, où se mêlent hip-hop et musique électronique.
« Ceci n’est pas un disque est l’album qui m’a montré que le rap français n’avait pas besoin de suivre les conventions établies et que c’était possible d’être pris au sérieux par des labels moins conventionnels comme Big Dada. C’était aussi l’équivalent français de tous les trucs obscurs à la Anticon qui me faisaient triper à l’époque », me confie Jeanbart, d’Omnikrom.
L’album s’est fait en deux parties, puisque les membres du groupe n’ont pas aimé le premier résultat. Vu les contraintes de temps pour que l’album sorte à temps, ils ont refait « la deuxième partie en vitesse pour aimer un peu plus l’album, du coup elle est bâclée aussi », me dit Teki Latex.
Mais, pour moi, du moins, ce sont surtout les textes qui rendent cet album si intéressant et important. Ça part un peu dans tous les sens, on aborde une tonne de sujets et rien n’a vraiment de sens. Pourtant, il semble y avoir une cohésion absolue, malgré l’absence de fil conducteur. Si on écoute les trois albums de TTC ( CNPUD, Bâtards Sensibles et 3615 TTC) de suite, on voit clairement que CNPUD est un germe, une base sur laquelle le trio construira le reste de sa carrière.
Car ce qui leur a valu beaucoup de critiques, c’est aussi précisément ce que les fans adorent chez TTC : ce besoin constant de repousser les limites. La convention ne leur va pas bien et ils refusent violemment d’être confinés dans tel ou tel style. Cela devient apparent avec un morceau comme Élementaire, qui transpire le vibe du Queens des années 90, que beaucoup ont simplement pris comme un hymne misogyne; ou Pas D’armure, au son plus expérimental et un featuring avec Doseone; ou encore Subway (morceau préféré de Cuizinier) qui rappelle l’ambiance dark du hip-hop alternatif américain de la fin des années 90, à la Def Jux.
Pour Tido, l’album rappelle de très bons souvenirs et des anecdotes cocasses, comme « des nanas cachées dans [leurs] chambres qui [les] attendaient ou des stripteaseuses qui chantent [leurs] textes en faisant un lapdance des plus torride, pendant que deux femmes font des câlins sur le lit. »
Pour bien démarrer votre fin de semaine, je vous conseille de revisiter ce classique du hip-hop français. Vous vous rendrez sûrement compte de toutes les portes que CNPUD a ouvertes pour les générations futures.
Ah, un dernier mot de la part de Teki : « Cet album est une erreur et il ne faut surtout pas y prêter attention. »