Cet article a été initialement publié sur VICE Allemagne.
Le « Bordoll » se tient entre une maison jumelée et un atelier de métallurgie dans un coin tranquille du sud de Dortmund, en Allemagne. La modeste boutique en briques rouges n’attire pas vraiment l’attention – un minuscule panneau orne la porte et du tissu noir recouvre les fenêtres. Mais derrière cette façade se cache la dernière innovation sexuelle allemande – le premier bordel de poupées sexuelles du pays.
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Evelyn Schwarz, 29 ans, en est la fondatrice et la tenancière. Ces trois dernières années, le lieu a fait office de bordel de quartier et studio BDSM. Mais depuis avril 2017, les clients se voient proposer une nouvelle option, celle de coucher avec une poupée en silicone – à raison de 50 euros pour une demi-heure et 80 euros pour une heure.
Les amateurs de sex toys à taille humaine pouvaient déjà assouvir leurs désirs dans les 70 bordels de ce type au Japon, ainsi que dans celui de Barcelone, le tout premier à ouvrir ses portes en Europe en mars 2017. Schwarz avait hâte d’importer le concept en Allemagne. « Les poupées sont des employées idéales », me dit-elle tandis que nous pénétrons à l’intérieur. « Elles ne tombent jamais malades, sont toujours belles, et offrent n’importe lequel de leurs trous sans se plaindre, et sans appliquer de frais supplémentaires. »
Mais qui peut bien payer pour coucher avec une poupée ? « Nous avons toute sorte de clients, explique-t-elle. Des jeunes, des vieux, des chômeurs, des magistrats réputés. » Selon elle, 30 pour cent des invités ne sont là que pour essayer, tandis que 70 pour cent deviennent des clients réguliers. Certains sont prêts à parcourir beaucoup de kilomètres pour faire l’expérience – ce qu’elle met sur le compte de la qualité de ses poupées.
« On dirait des top models, fanfaronne-t-elle. La plupart des mecs seraient trop intimidés pour aborder des filles comme ça dans la réalité. »
Pendant qu’elle me fait faire le tour des lieux, Schwarz m’explique que la plupart de ses clients apprécient les poupées car elles sont dépourvues de sensations. « Beaucoup d’invités voient ça comme une opportunité d’essayer librement ce qu’ils voient dans le porno », déclare-t-elle. Elle soupçonne certains d’entre eux de n’avoir jamais eu de rapports sexuels tant ils sont « timides, voire effrayés par les femmes ». D’autres encore y voient une alternative. « Leurs femmes et petites amies ont leurs propres désirs, et les prostituées imposent leurs limites, poursuit-elle. Mais les poupées font tout ce qu’ils veulent, dans la position qu’ils veulent. »
Un client lui a d’ailleurs lâché de but en blanc : « Je sais que ce que je fais ici est bizarre et flippant mais, d’habitude, quand je veux faire l’amour, je dois prendre l’autre personne en considération. Ce n’est pas pareil avec une poupée. Je n’ai pas besoin de lui demander si elle passe un bon moment – je n’ai à me préoccuper que de mes propres désirs. »
Nous arrivons dans la salle d’attente, où règne une odeur de cigarette et de désodorisant. Il y a deux canapés en cuir noir, une chaise et une télévision écran plat sur laquelle est diffusé un film porno. De la chambre voisine proviennent les gémissements d’une prostituée et de son client – ce qui rappelle brutalement que ce bordel s’adresse aussi aux hommes qui préfèrent les femmes aux poupées.
Lors de la phase test initiale, les poupées n’étaient disponibles que le dimanche. Mais très vite, la demande s’est faite si forte que Schwarz a dû consacrer ses six chambres à son nouveau projet. Elle a en outre reçu des critiques élogieuses sur son site. « J’avais de grandes attentes qui ont toutes été comblées. Je me suis beaucoup amusé et le temps est passé très vite. J’en suis sorti épuisé », écrit un client satisfait – avant de mentionner le fait que « Naomi est tout de même très lourde et ses articulations sont encore un peu raides ». Un autre précise que le sexe avec une poupée est « à 95 pour cent » similaire que le sexe avec une vraie femme.
En exposition dans le couloir se trouve Sabrina – avec ses fausses lèvres peintes en rouge et ses cils collés au-dessus de ses yeux marron en plastique. Sa fiche produit liste ses caractéristiques : « Vagin : 18 cm ; Anus : 16 cm ; Bouche : 13 cm ; Pas de poils pubiens ». Schwarz a déboursé près de 2 000 euros pour Sabrina. « Tu veux l’essayer ? me demande-t-elle. Elle se cambre relativement bien. » Les seins de Sabrina ressemblent à des tomates trop mûres. Ses tétons paraissent un peu plus authentiques. Sa peau en silicone colle à ma main comme de la pâte à cookie crue.
« Anna est la star de l’équipe », m’apprend Andrea, qui prête main-forte à Schwarz dans la gestion du bordel. « Tout le monde la veut. » La femme de 55 ans pointe en direction d’une poupée d’1 m 55, blonde aux yeux bleus, assise sur le canapé. « La première Anna s’est cassée, ajoute Schwarz. C’est en réalité la Anna numéro deux. »
Aujourd’hui, Andrea s’occupe du service du matin – elle répond aux appels, accueille les invités, nettoie les chambres et prépare les poupées pour les clients. La préparation consiste à désinfecter, brosser et habiller les poupées venant d’être utilisées. Andrea ne souhaite pas rentrer dans les détails du processus de nettoyage, qui peut prendre jusqu’à 30 minutes. Ce sont les combines du métier, me dit-elle.
Tandis que je parcours les lieux, il devient de plus en plus difficile d’ignorer les caractéristiques légèrement inquiétantes de ces sex toys – leurs formes et leurs traits enfantins.
« Les poupées sont toutes très féminines », rétorque Andrea lorsque je lui demande si elle est à l’aise avec l’idée que ses clients soient attirés par quelque chose qui a l’air si jeune. « Elles ont du cul, des seins, une taille marquée. Elles n’ont rien d’enfantin. »
Pourtant, le bordel s’adresse aussi aux clients présentant un fétichisme pour les écolières. Une chambre est équipée de pupitres et d’un tableau noir. Mais Andrea ne transige pas sur le fait que l’endroit offre avant tout un espace sain et alternatif, où les gens peuvent se laisser aller à leurs fantasmes.
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Au moment où je m’apprête à partir, un nouveau client arrive. Andrea le salue chaleureusement et lui tend sa poupée préférée, qu’il a préréservée en ligne. « N’est-elle pas jolie comme un cœur ? » lui demande-t-elle. Il opine de la tête. Dans sa chambre se trouvent une sélection de films porno, une variété de sex toys, des préservatifs et du lubrifiant. Le lubrifiant est obligatoire – c’est la politique de la maison, pour le bien des poupées. Il est en outre interdit de les mordre ou de les griffer.
C’est à peu près tout pour les règlements. Selon Schwarz, la majorité des gens laissent les poupées en bon état. Un homme, cependant, a littéralement pénétré l’une d’elles.
« Il lui a percé un deuxième trou du cul », se marre Schwarz, en prenant une clope dans son étui à l’effigie de Che Guevara. À l’adolescence, durant sa « phase pseudo-punk de courte durée », elle avait un penchant pour Guevara. « Cela vient probablement du fait que, tout comme lui, je fais les choses à ma façon, peu importe ce qu’en pensent les autres, explique-t-elle. Tant de gens dans l’industrie se sont moqués de moi quand je leur ai parlé des poupées. Mais plus personne ne se moque aujourd’hui. »