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LE NUMÉRO DU JOUR MALADE

Ne vous inquiétez pas pour la drum and bass française : elle va bien, merci

Ce genre cantonné à tort aux pubs pour boissons énergisantes possède une scène parisienne bien réelle, que vous le vouliez ou non.

Photo de Barrington Grant lors des Drum and Bass Awards 2015, via Flickr Creative Commons.

Cet article est extrait du numéro du « Jour malade »

La nuit parisienne voit s'affronter presque quotidiennement les amateurs de house et les férus de techno dans des Hunger Games sans pitié, qui n'impliquent malheureusement ni close combat, ni battle de danse. OK, on a compris : vous aimez la musique « racée » et mettre plein d'adjectifs pompeux pour décrire une de leurs variantes, genre la future-house. Pourtant, d'irrésistibles noctambules se foutent pas mal de l'axe Chicago-Détroit, bien plus intéressés par le Londres crasseux et moite des caves du milieu des 1990s.

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Vous ne les voyez pas, mais ils sont légion. Ils pourraient être vos voisins. Votre oncle sympa qui aime « les grosses basses ». Vos amis sensés qui restent toujours interdits devant Les Nuits fauves ou n'importe quel nouveau club branché des quais de Seine. Vos camarades d'école, votre barmaid ou le grand mec que vous croisez chaque matin le long du canal, un énorme casque d'audiophile sur les oreilles. Et vous savez ce qu'il écoute dans ce putain de casque ? Des décharges de drum'n'bass, délivrées en infrabasses à raison de 170 à 178 battements par minute, les pores qui transpirent la MD mal assimilée et le sang chauffé par dix ans de vodka-Red Bull. Genre souvent moqué, petit frère embarrassant de la jungle, cantonné à tort aux B.O. de SSX ou aux pubs pour boissons énergisantes, la drum'n'bass possède pourtant une scène parisienne bien réelle, que vous le vouliez ou non.

Identifier un profil type du raver de club n'est pas une chose facile. Ici, les âges et les classes sociales se mélangent au rythme effréné des kicks, dans les entrepôts du Bourget, au Yoyo ou encore au Petit bain et au Trabendo. Le « gros son » ne connaît en effet pas les frontières. Depuis quelques années, de plus en plus de filles se pointent aussi, en particulier dans les soirées Jungle Juice et Splash organisées par les magnats Chwet, ou encore chez les plus jeunes de Get In Step. Si le club importe finalement peu, beaucoup d'événements se jouent à guichets fermés, le public drum'n'bass restant loyal à ses collectifs.

Parmi les plus gros noms, on trouve Animalz, une franchise aujourd'hui coproduite avec le géant Live Nation, et qui rassemble jusqu'à 5 000 personnes (oui, 5 000 PERSONNES ensemble prêtes à cramer la vie par les deux bouts dix heures d'affilée aux Docks Pullman). Comme me l'ont martelé les amoureux de bass music, on vient aux soirées « pour la musique » et pour « l'esprit de communauté » qui règne dans la fosse. Un discours a priori naïf, que j'ai pourtant absolument vérifié, cristallisé par un type en béquille au premier rang dansant aux côtés d'une jeune skinhead adorable et surexcitée lors de la dernière soirée Forever au Rex Club, avec DJ Hype en tête d'affiche. Ce dernier, en activité depuis 1993, porte relativement mal son nom : la drum'n'bass n'a (plus) rien de branché. Et ça tombe bien, car elle s'en fout royalement. À ce point que deux de ses membres adoubés, les infatigables Chase & Status, ont produit la moitié des morceaux du dernier album de Rihanna. Tu vas faire quoi contre ça, l'EDM ?

Étrangement, on peut tracer plus d'un parallèle entre le mouvement DnB en 2016 et les scènes metal et punk, qui lui prêtent de nombreux musiciens égarés, lesquels sont encore plus instables avec une mixette entre les mains. Par exemple, la prochaine Get In Step invitera entre autres les Néerlandais June Miller, parmi lesquels on compte le frontman d'un groupe de punk hardcore d'Utrecht.

Son destin n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui du producteur Borgore, ancien du deathcore israélien et Skrillex, chanteur du groupe emocore From First To Last, plus tard reconverti en DJ superstar de la scène dubstep/EDM internationale. Le dubstep, à l'extrême du spectre de la bass music, et le public qu'il ne cesse de drainer, pourrait pourtant initier des frictions avec la scène originelle. À en croire certains amateurs, le dubstep tend en effet à « appauvrir la drum'n'bass », normalement moins violente et qui plus est, moins dégueulasse. Outre ça, quadriller la bass music actuelle implique de se pencher sur les labels Hospital, Viper, Blackout, RAM ou encore Shogun, basés principalement en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Ce n'est pas un hasard si la scène européenne est aujourd'hui cantonnée à ces deux pays, qui ont lancé la rave sur le continent il y a plus de 25 ans.

Du coup, foutez-vous de la gueule de la drum'n'bass autant que vous voudrez, mais sans slogan, sans mode, et sans susciter le moindre intérêt de la part des médias musicaux, ces DJs et autres danseurs sapés en total look Full Metal Jacket weedés comme jamais sont les vrais punks de la musique électronique. Ils se carrent de votre house filtrée. Ils rient de vos belles sapes. Parce qu'eux sont là pour mosher sur des rythmes saccadés, exploser les barrières humaines et possiblement ingérer un max de drogues récréatives.