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Vice Blog

L'ART SEMINAL DE JORDAN McKENZIE


« Spent », littéralement « vidé » en français, c'est la nouvelle expo de Jordan McKenzie en ce moment à Londres. On peut y voir un lot de toiles souillées par ses soins. Quoi de plus noble comme démarche artistique que d'immortaliser une bonne branlette, ce qui doit sûrement rapporter plus que de vendre son sperme sur ebay à un couple de lesbiennes. On est allé à sa rencontre pour savoir ce que ça faisait de mettre du foutre sur un tableau.

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Vice : Pour la tête de gland de base, vous êtes juste un branleur qui éjacule sur une toile et appelle ça de l'art. Est-ce que vous pouvez nous renseigner un peu plus sur votre démarche, histoire de ?
Jordan McKenzie : Je voulais tenir un journal très intime des évènements. Ces travaux relèvent du dessin instantané puisque je ne peux pas contrôler la manière dont la semence va atteindre la toile.

Est-ce que vous envisagez d'en faire une performance, bientôt ?
En fait, pas mal de gens m'ont déjà posé la question. Je ne veux pas que cela devienne le spectacle de ma personne
en train de se masturber. Je ne sais pas si c'est vraiment nécessaire. Les gens ont juste besoin de regarder mes peintures pour faire le lien avec l'acte physique. Pierre Molinier mélangeait son sperme à ses peintures. Il disait qu'il voulait mettre le meilleur de lui-même dans son travail. Vousêtes d'accord avec lui ? Pas tout à fait. On pense souvent à tort que la peinture découle du travail de la main, de l'oeil, et du cerveau, mais on oublie trop souvent le rôle du reste du corps. J'ai fait des oeuvres d'art en dessinant avec mon souffle, ma respiration, ou en déplaçant de larges cubes dans l'espace (ndlr : pour comprendre, allez sur son site). Ce travail, c'est donc juste une autre manière de peindre avec son corps. Et est-ce que vous faites quelque chose de particulier pour être dans un état d'esprit créatif, artistique, avant de concevoir une oeuvre ? Ou est-ce que vous vous mettez juste un petit porno et vous vous laissez « aller » ?
Il n'existe pas de formule miracle pour faire ça, et je n'enregistre pas ce que je pense ou sur quoi je fantasme. C'est purement mécanique en fait.

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Y-a-t-il des pièces en particulier dans Spent que vous trouvez plus agréables, esthétiquement parlant ?
Non, c'est pas vraiment l'esprit de l'expo. Chaque composition est aussi bien que celle qui va suivre. Je ne pourrais pas me mettre devant une toile et dire : « Oh, j'étais en super forme ce jour là ! ».

Donc vous n'êtes pas du genre « Putain, sacrée
éjac' ! » ?
Haha, non, je ne m'auto-congratule pas, ni ne repense à mon fantasme de l'instant d'avant.

Hmm, vous préfèrez quelle approche de la toile : rafales ou lignes droites ?
C'est une question plutôt immature, dis moi.

Bon, très bien. Comment vous interprétez les réactions négatives à Spent ?
On sait tous ce que ça fait d'éjaculer, ou de vomir, alors je suis un peu surpris de constater que cela soit toujours un sujet qui fasse la une, particulièrement dans un contexte artistique. Manzoni mettait en conserve sa propre merde, Warhol pissait sur ses toiles, et il y avait aussi Helen Chadwick qui
travaillait sur la pisse. Je trouve ça plutôt fou que les travaux qui concernent les fluides corporels soient toujours considérés comme outrageants. Tiens, prends la plus iconique des représentations de Jésus : Il y a eu des centaines de toiles qui montraient du sang sortir de ses blessures, et ça pendant des siècles.

J'ai entendu dire qu'un prêtre prie pour le salut de votre âme. C'est pas le genre de mec qui va vous appeler pour une petite branlette, pas vrai ?
Ouais, j'ai vraiment trouvé ça un peu exagéré venant de la part de cette catégorie de gens, mais bon, que veux-tu !

En même temps c'est pas très nouveau que les occidentaux n'aiment pas parler de fluides corporels. Enfin, du moins pas en public.
C'est étrange, ces fluides ne sont pourtant pas
si explicites. J'espère que les gens trouveront les pièces magnifiques, au lieu de se poser tout un tas de questions. Je veux que les gens se sentent à la fois séduits et un peu dégoutés..

Et est-ce qu'on peut compter sur la presse pour quoi que ce soit ?
Et bien, mon travail n'a pas été réellement abordé ou interprété de manière intelligente. C'était juste des trucs du genre « Oh mon dieu ! Est-ce que ce mec est pervers ? », « Je trouve que c'est une honte ! ». L'autre jour, on m'a interviewé pour London Life, et l'article, une fois publié, racontait à quel point mon travail pouvait être ennuyeux et crado. J'ai vraiment eu envie de taper quelqu'un. Je veux dire, merde, si vous trouvez mon travail si ennuyeux, n'écrivez pas dessus. Juste ignorez-le, je pense que c'est la
meilleure des critiques.