FYI.

This story is over 5 years old.

JAMES ELLROY

James Ellroy, aussi appelé « The Demon Dog of American Crime Fiction », est à l'origine d'un grand nombre de best-sellers, parmi lesquels figurent Le Dahlia Noir et L.A. Confidential, ainsi que son récit autobiographique Ma part d'ombre, dans lequel il s'allie avec un détective de la LAPD à la retraite afin d'élucider le mystère du meurtre de sa mère en 1958, à El Monte, Californie. Ses nouveaux mémoires, La Malédiction d'Hilliker parlent de la mort de Jean Hilliker et des conséquences néfastes que cette tragédie a eues sur la vie de son fils. Il s'agit de l'autobiographie d'un homme dont la vie est guidée et gouvernée par des femmes, qu'elles soient mortes ou vivantes, réelles ou fictives. C'est l'histoire d'un homme qui « désespérait d'écrire des histoires et de toucher une femme pour de vrai », pour citer le livre.

Publicité

Je suis allé dans le bâtiment de l'éditeur américain d'Ellroy, Knopf, afin de l'interviewer. Il était en plein milieu d'une discussion animée où il décrivait une série télé à Chip Kidd, le designer responsable des meilleures couvertures de livres de ces vingt dernières années (dont celles d'Ellroy), dans lequel il interprète un policier qui résout des crimes en compagnie d'un chien animé qui parle. Je ne sais toujours pas si c'était une blague ou s'ils étaient sérieux.

Vice : C'est quoi cette histoire de chien parlant ?

James Ellroy : Cet hiver, ma série télé James Ellroy's LA: City of Demons va être diffusée. C'est moi la star. Je joue l'interlocuteur, l'interrogateur, un personnage et le narrateur. Vu que c'est moi qui raconte l'histoire, ça parle de crimes historiques qui ont eu lieu à Los Angeles. J'écris chaque mot que je dis à l'écran. J'ai aussi un acolyte, c'est un chien robotisé qui s'appelle Barko. Il est largement inspiré de feu mon vrai chien, Barko le Bull Terrier, que je reverrais une fois au paradis. Il est immortel. Cette série me représente de façon inimitable, elle traite énormément de Los Angeles. C'est autobiographique, et je ne me cache pas de faire ma propre promotion. C'est l'occasion idéale de présenter la littérature, l'autobiographie, le crime, Los Angeles, le commentaire social et l'humour comme faisant partie intégrante de la télévision.

Ça a l'air vraiment bien. Pour en revenir à vos livres, La Malédiction d'Hilliker est votre deuxième récit autobiographique, après Ma Part d'Ombre, dans lequel vous faisiez des recherches sur l'assassinat de votre mère. Ce livre traite moins du meurtre cela dit, puisqu'il s'appuie plus sur les conséquences de sa mort et de l'influence qu'elle a eue sur votre vie et vos relations avec les femmes.

Publicité

Ce livre traite de l'homme romantique et du désir sexuel qui sont nés en moi de façon post-traumatique. Le livre parle profondément du romantisme et de ses antécédents les plus lointains, comme le meilleur artiste de tous les temps, Ludwig Von Beethoven. C'est l'histoire de ma recherche effrénée d'amour, truffée de détails variés, et c'est clairement une autobiographie. C'est mon premier essai autobiographique qui est entièrement vrai, mais dans un mémoire ou un essai, je me réserve le droit de mettre l'emphase sur mes commentaires rétrospectifs, de manière à ce qu'il y ait deux voix narratives à la fois. On a le vieux Ellroy qui décrit le jeune Ellroy, et exprime son opinion sur lui. Il y des conventions à suivre dans l'écriture d'une fiction, en pesant notamment l'influence de faits réels sur la fiction, pour ce qui est de mon cas tout du moins. Dans mon livre, on parle de quelqu'un qui était imbu de lui-même et sans pitié, avant de se trouver une famille.

Pouvez-vous me dire ce qu'est « la malédiction » ?

Lors de mon dixième anniversaire, en mars 1958, ma mère, Jean Hilliker, une alcoolique de 43 ans, m'a demandé de choisir chez qui je voulais vivre : mon père ou elle. J'ai choisi mon père. Elle m'a frappé. Je suis tombé du canapé. Ma tête s'est cognée sur le bord de la table basse en verre, alors je l'ai traitée d'alcoolique et de pute. Elle m'a frappé à nouveau. À ce moment, j'aurais aimé qu'elle soit morte.

Publicité

J'avais lu un livre qui parlait de sorcellerie et de malédictions quelques mois plus tôt, et j'ai eu honte de moi, je me suis détesté quand elle est morte. Je ne l'ai pas tuée. Je n'ai rien fait pour qu'elle soit tuée. J'avais 10 ans. Néanmoins, ce fut un moment décisif de ma vie, cette affaire de malédiction, qui a eu autant d'impact sur moi que sa mort.

Les filles me rendaient déjà fou, et je les observais par la fenêtre avant même que je sache ce qu'était réellement le sexe. Ça me rappelle cette blague des années 1950, c'est très ironique et je pense que ça résume bien. Ça donne : « J'aimerais retrouver le mec qui a inventé le sexe et lui demander sur quoi il travaille maintenant ». Je vis selon ce précepte. Romantiquement parlant, je suis stable. Je suis religieux. Je suis conservateur. Je vois le monde à travers le prisme de Dieu et la conjonction sacrée des hommes et des femmes. Je ne m'en suis jamais remis. J'ai cherché cette fille mythique depuis que je suis né, et je l'ai trouvée. C'était écrit que je la trouverais. J'obtiens toujours ce que je désire. C'est l'intérêt de La Malédiction d'Hilliker. Ça commence lentement puis ça s'accélère, mais ça pèse constamment.

Il y a eu peu de références à la mystique dans vos travaux qui précèdent La Malédiction d'Hilliker. À l'exception d'À Cause de la Nuit, dans lequel le détective Lloyd Hopkins cours après un gourou perverti qui se fait appeler Dr. John le voyageur de la nuit.

Publicité

C'est un point de vue intéressant. À cause de la nuit et La Malédiction d'Hilliker sont des livres où se passent des choses que je n'avais jamais songé à traiter. C'est un peu le moi d'avant Le Dahlia Noir. J'ai toujours été quelqu'un de mystique. Si on regarde un peu en arrière et qu'on s'attarde sur le livre Blood's A Rover, on constate qu'il traite exclusivement de croyances. Exclusivement. Blood's A Rover, ainsi que ce mémoire s'adressent à des accès stylistiques du culte. J'ai pris consciemment la décision d'écrire un livre excessivement romantique et émotionnel avec Blood's A Rover, et je suis arrivé à cette période de ma vie - c'était pendant l'automne qui a précédé ma rencontre avec Erika - où j'avais une liaison adultère avec une femme qui s'appelait Karen. Elle restait complètement impassible face à mes supplications de quitter son mari pour moi. J'ai commencé à m'adresser plus consciemment à ce que je traversais de façon consciente ou semi-consciente depuis un long moment. Ce n'est pas le crime qui constitue l'étape clé de ma vie, ce n'est pas le fait que ma mère ait été la victime d'un meurtre, mais c'est ma mère, en tant qu'esprit fondateur.

La Malédiction d'Hilliker suggère que chacun de vos romans est constitué autour d'une muse.

Tandis que je devenais plus conscient et que mes livres s'ancraient dans l'histoire, le thème m'est venu : des hommes mauvais, amoureux de femmes fortes. Cette idée prédominait déjà dans L.A Confidential, qu'Erika a lu très récemment. C'est un livre très complexe, mystifiant, ensorcelant et à l'intrigue très dense. Erika n'est pas une grande amatrice de romans policiers, elle est passée directement au moment du livre qui concerne les trois hommes et leur relation torturée avec les femmes. Les femmes étaient des muses pour moi, mais je ne me suis pas penché sur le phénomène comme j'avais dû le faire lorsque mon mariage avec Helen Knode s'est terminé.

Publicité

Le concept de déesse m'est venu pendant la liaison que j'entretenais avec une femme qui s'appelait Joan. J'étais profondément dans le besoin et je n'avais personne, et j'ai jeté mon dévolu sur une femme qui s'est avérée être différente de ce que je cherchais. C'était une fille bien, mais nos croyances différaient tellement qu'on a dû arrêter, et j'étais vraiment, vraiment dans un sale état. Elle était bien plus résistante que moi à cette époque, et il a fallu que je me sacrifie beaucoup pour pouvoir entretenir une relation platonique avec Erika Schickel.

Vous avez rencontré Joan lors d'une séance de dédicaces, et cette scène du livre m'a vraiment marqué. Vous décrivez cet évènement comme étant « La 6000e performance publique de la scène du meurtre de ma mère ». Un homme dans le public vous demande comment vous faites pour simuler ce vieux chagrin. Vous lui fermez son clapet en rétorquant « C'est ma mère, j'ai payé le prix, et vous devriez savoir que ce chagrin fait partie de moi. »

C'est comme si elle était là, que j'étais devant elle, et que je ne pouvais pas la toucher.

Vous supportez le fait de parler et d'écrire sur le meurtre de votre mère aussi souvent ?

J'ai un désir très profond d'être heureux, et je le suis. Je n'ai jamais été déprimé. Je n'ai pas de rancune. J'ai peu d'ironie. Je suis un rentre-dedans, un hétérosexuel religieux de droite d'une autre époque. Je ne pense pas que le monde va exploser. Je ne vois pas l'Amérique comme un démon. Je pense que l'Amérique domine le monde de la géopolitique. Je suis un nationaliste pro-armée, un capitaliste et un chrétien. Personne ne trouve ça choquant.

Publicité

Je ne ressens pas le besoin de justifier mes opinions. Je suis heureux, et être obsessionnel me va bien. Je suis resté campé sur mes positions sur beaucoup de sujets dans ma vie, et j'en ai profité. Je suis très doué pour transformer la merde en or. Si on te présente une assiette de merde, tu peux la déplorer, la sniffer, ou te boucher le nez et essayer de la modeler en une chose qui pourrait te profiter à toi, et au monde entier. C'est l'option que j'ai choisie.

Il semblerait qu'en conséquence de ce livre, vos interventions publiques ne seront plus dominées par le sujet de Jean Hilliker, mais par votre relation avec Erika Schickel. Qu'est-ce que ça fait de parler de sa vie privée devant autant de monde?

C'est un autre spectacle. Erika vient me voir parler parfois. Je raconterai l'histoire. Je ferai mes lectures. Je dirai la vérité, et je serais content de passer à autre chose après, et de pouvoir m'asseoir et me consacrer de façon plus régulière à un roman.

Est-ce que je peux vous demander plus de détails sur votre nouveau roman ?

Il est basé sur Los Angeles, à une période qui précède celles de mes autres livres.

Le dernier projet de film dont vous avez parlé était White Jazz.

White Jazz est mort.

Oh. S'il y a une de vos œuvres qui gagnerait beaucoup à être adaptée au cinéma ou à la télévision, pour moi c'est clairement Le Grand Nulle Part.

Le Grand Nulle Part est, de tous les livres que j'ai écrits, celui qui ferait le meilleur film. Trois heures et demie, en noir et blanc. Je pense que vous avez entièrement raison. Et ce serait racheté par une boîte de films italienne, et ça finirait par crever.

Publicité

Ah. Si j'ai pensé au Grand Nulle Part, c'est parce que les névroses qui existaient à L.A. dans les années 1950 et qui sont dépeintes dans le roman semblent être de retour. C'est un livre sur la paranoïa sociale qui traite de trois peurs qui en disent long sur ce que traverse l'Amérique aujourd'hui : la peur des Mexicains, des homosexuels, et du communisme. On a l'Arizona. On a des milices.

Est-ce que c'est pour restreindre l'immigration clandestine ?

Oui.

Dans ce cas, c'est justifié. Il faut en juger sur une base ad hoc. C'est très simple de passer immédiatement à un parti pris racial. Faire un profil psychologique racial n'est rien de plus que la connaissance empirique qui stipule que certains genres de crimes sont commis dans des sous-catégories de groupes raciaux. C'est logique - si vous étiez un policier et que vous cherchiez un crime, vous réagiriez de cette façon parce que c'est ce que votre instinct vous dicte. Et si vous étiez un policier décemment intelligent, vous auriez plus souvent raison que tort. L'idéologie se fourvoie fréquemment lorsqu'on la confronte à des problèmes de ce calibre, et personnellement, je ne ressens pas une obligation sociale à participer dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, et le commenter. Je suis reconnaissant de pouvoir me réfugier dans l'histoire, et je fais confiance à mes instincts en ce qui concerne les périodes historiques, le moment, le lieu et les personnages. Je n'ajouterai rien de contemporain et j'ignore la culture d'aujourd'hui. Je n'ai pas de portable. Je n'ai pas d'ordinateur. Je suis un illettré de l'ordinateur. Je n'ai jamais été sur Internet. Une femme qui s'appelle Melissa Stafford et qui travaille pour moi possède un ordinateur sur lequel je pourrais me commander une paire de chaussures. Il y a un site plutôt pas mal, « James Ellroy.net » ou une connerie du genre, je ne sais pas, j'y vais jamais. Je suis content de son existence en tant qu'outil pour vendre des livres, mais au-delà de ça, je m'en fiche complètement. Toutes ces disciplines améliorent la solitude et le silence mental dont j'ai besoin pour écrire mes œuvres.

Publicité

D'une certaine façon, ça vous va bien de pas être sur Twitter ni sur Facebook.

J'ai été sur Facebook pendant un moment. Erika Schickel et moi sommes finalement inscrits sur Facebook. Je l'ai uniquement fait parce que les gens de Knopf m'avaient demandé de le faire. Ils s'étaient dit que ce serait une manière efficace de vendre des livres en plus. Erika me cherchait, et je la cherchais aussi. Elle et moi, nous étions inévitables, et Facebook était un moyen de se rejoindre. Maintenant j'ai viré Facebook et j'ai un site à la place.

Avec quoi écrivez-vous ? Sur une machine à écrire ?

Non, j'écris à la main. Et j'y gagne, parce que je suis naturellement anxieux. J'ai l'esprit bien plus tranquille lorsque je sais que toute cette merde peut attendre jusqu'à ce que je rentre chez moi. J'ai un putain de répondeur, et c'est fabuleux. Disons que je passe la nuit chez Erika. Je reviens. Qui a appelé pendant mon absence ? J'écoute les messages. J'ai un fax. Ça me suffit amplement.

Vous vous considérez toujours comme un auteur de polars ? Ce livre n'est pas vraiment motivé par le crime ou la quête de justice.

Mon quatuor de Los Angeles passe de la fiction policière à la fiction historique et politique. Elle traite de plus en plus d'histoire sociale tandis que la période des années 1950 est évoquée. On passe à quelque chose de radicalement différent avec la trilogie Underworld USA : American Tabloid, American Death Trip et Blood's A Rover. Techniquement, ce sont des romans historiques, mais je serai toujours classifié comme étant un auteur de polars. Ça me va tant que mes bouquins continuent à se vendre. J'ai rédigé trois recueils de nouvelles et j'ai écrit deux mémoires. J'ai une carrière plus variée, et on peut soutenir que j'ai aussi une carrière plus profonde que quelqu'un qui se contente de prendre son crayon pour écrire des romans policiers.

Publicité

Il y a une partie où vous dites que le terme « film noir » est employé à mauvais escient, et vous dites que vous ne vous êtes jamais vraiment identifié à Raymond Chandler.

Chandler précède le film noir. Le noir est entièrement une construction de l'Amérique d'après-guerre. C'est aussi de l'art européen, c'est un rejet direct du nazisme et de l'Holocauste. C'était une forme d'art subversive, opposée à une forme d'art conformiste. Le quatuor de L.A, Le Dahlia Noir, Le Grand Nulle Part, L.A Confidential et White Jazz n'ont jamais eu la prétention d'appartenir au genre noir. Ce sont des romans historiques qui appartiennent à l'ère du film noir. L'idée reçue la plus commune sur le film L.A Confidential - et le réalisateur Curtis Hanson dirait la même chose - c'est qu'il s'agit d'un film noir, ce qui n'est pas le cas. C'est un film historique. C'est une romance historique qui est mise en place dans l'ère du film noir.

Vous avez aussi mentionné Jim Thompson, dont le travail est souvent classé comme appartenant au noir, alors que ce n'est pas le cas.

J'ai lu quelques livres de Thompson, et je n'en ai pas pensé grand-chose. J'avais l'impression qu'ils avaient été écrits en trois semaines et pour 500 dollars, ce qui était probablement le cas. Et je n'ai aucune patience pour les romans. Aucune. Le type qui est arrivé en premier, qui a présagé le film noir plus que Chandler, c'est James M. Cain, avec Le facteur sonne toujours deux fois et Double indemnité. Il y a aussi quelques nuances de noir dans Mildred Pierce, et d'opéra noir dans Sérénade. De même que dans le livre On achève bien les chevaux, de Horace McCoy, ce sont des histoires courtes des années 1930 qui anticipent le malaise d'après-guerre, l'Holocauste, la Seconde Guerre mondiale, les millions de victimes, et le noir. Ce sont eux les premiers, Cain d'abord, puis McCoy.

Publicité

Très tôt dans ma carrière, je me suis rendu compte de deux choses : d'une part, je suis un original, et de l'autre, je ne me préoccupe pas de ce que font les autres écrivains. C'est pour ça que je ne chronique aucun livre. Dieu les bénisse, je ne leur veux que du bien. Je ne lance pas de querelles littéraires, et je n'y cède pas non plus. Je ne fais partie d'aucune scène littéraire. Il y a moi, James Ellroy, et il y a tous les autres. Je ne veux pas faire partie d'une communauté d'auteurs. Je mets la référence de côté. Pourquoi ? Parce que ça ne me permet pas d'aller d'un point A à un point B. Ça ne m'aide pas à accomplir les objectifs que je me suis fixés. Me comparer à Chandler, c'est votre travail. Vous êtes un critique, ce qui n'est pas mon cas.

Ces deux révélations sont dérisoires à côté de la troisième. Je vivais dans un appartement il y a 25 ans, où je rédigeais Le Dahlia Noir. Je savais que Le Grand Nulle Part allait suivre. J'en étais intimement persuadé. Je connaissais déjà les personnages à l'avance. J'avais planifié l'intrigue, mais d'un coup, l'idée de L.A. Confidential m'est venue et j'ai réalisé à ce moment-là que ce que je pouvais concevoir, je pouvais l'exécuter. Et ce fut la révélation la plus surprenante. Ainsi, je suis moralement et spirituellement encouragé à concevoir sur une plus grande échelle. Je suis dépourvu de paresse et de flemme. Je suis en très bonne santé pour un homme de 62 ans, et je veux écrire beaucoup plus de romans géniaux et ne jamais m'arrêter dans ma poursuite de la perfection. Mon héros et guide spirituel est Beethoven. Plus sa surdité empirait, plus son état s'aggravait et plus la privation faisait des ravages à Vienne au début des années 1820, plus il devenait talentueux et visionnaire. Vouloir être comme Beethoven est extrêmement mégalomane, mais comme Nelson Mandela l'a dit, « qui sommes-nous pour ne pas aspirer à être meilleurs, plus fabuleux, plus vertueux et plus grands que la vie ? ».

Publicité

Beethoven est très présent dans le livre. Comment en êtes-vous venu à l'apprécier ?

J'ai pris un cours d'introduction à la musique au lycée John Burroughs. C'était pendant l'hiver, en 1960. L'enseignant s'appelait Allen Hyams, un petit mec coquet avec une coiffure Pompadour. C'était un prof de musique. J'ai écrit un essai sur John Burroughs qui s'appelle « Let's Twist Again », dans Crimes en série, mon recueil d'essais.

Hyams possédait plusieurs bustes de Beethoven qu'il exhibait fièrement sur son bureau, qui nous faisait face. Il a posé un phonographe et nous a dit quelque chose du style « Ecoutez les enfants, vous allez adorer », il a mis le morceau, et l'orchestre a fait « la la laaaa », j'étais séduit.

Vous n'écoutez que du classique. Vous n'aimez pas le rock and roll.

Le rock and roll m'a toujours semblé un peu réducteur. Comme une rébellion institutionnalisée. Par nature, je trouve ça plat. Les chansons du style « Je t'aime bien bébé, bientôt tu seras mienne ». Les influences culturelles qui ont formé ma génération ainsi que la suivante ne m'ont jamais touché. C'est ma façon de dire que je n'aime pas. Je ne dis pas que c'est dépourvu de contenu social ou que c'est vulgaire. Je dis juste que je m'en fiche. Je dis juste que ça ne fait pas vibrer ma Kundalini.

Pensez-vous avoir dit tout ce que vous vouliez dire sur Jean Hilliker dans ce livre ?

Je ne sais pas. Elle est là. Je suis ici. Je ne me vois pas écrire d'autres mémoires. J'ai écrit une pièce pour West, qui est le magazine L.A Times, que j'ai appelé "To Live an Die in L.A." quand je suis revenu sur L.A après de longues années d'absence. J'ai dit que ce serait mon dernier roman autobiographique mais je me suis trompé. Il ne faut jamais dire jamais.

Peut-on s'échapper de Los Angeles ?

Bien sûr que oui. Quand la fille d'Erika partira pour l'université, on se casse.

Mais l'essai que vous avez écrit en 2006 semblait tellement catégorique. Ça faisait très « Je suis L.A., et L.A. c'est moi ».

Je pense que plus honnêtement, L.A est l'endroit que je fréquente quand les femmes divorcent de moi et que je n'ai nulle part où aller.

Où irez vous dans le futur ? Est-ce que l'endroit où vous vous trouvez vous importe ?

Oh oui. J'e veux un climat tranquille, froid, homogène, affluent et épanouissant. Je n'ai pas besoin de culture. Je n'ai besoin de rien d'autre qu'un environnement minimal.

INTERVIEW DE MATTHEW CARON

PHOTO DE MICHAEL DE LEON