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Des feux de forêt pourraient rendre Tchernobyl encore plus radioactif

Tôt dans la matinée du 26 avril 1986, une explosion dans la centrale nucléaire soviétique de Tchernobyl perce l’un des réacteurs de la centrale. Elle souffle le toit, et une colonne de fumée radioactive de 900 mètres de haut se répand dans le ciel ukrainien.

Près de trois décennies plus tard, la région est toujours vide d’habitants. Près de neuf pour-cent du césium radioactif qui a été rejeté dans l’air après l’explosion se retrouve encore prisonnier du sol et de la végétation qui entoure la centrale abandonnée.

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Des feux de forêts se déclenchent régulièrement dans la région. Un changement climatique pourrait signifier une augmentation de leur fréquence et de leur intensité.

Ces feux pourraient dégager du matériel radioactif dans l’atmosphère, ce qui pourrait causer des problèmes de santé aux personnes qui vivent bien au-delà de la zone contaminée, d’après une nouvelle étude publiée dans le journal Ecological Monographs.

« À des endroits comme Tchernobyl, ou Fukushima, nous devons nous préparer à la possibilité de ces feux catastrophiques, » a déclaré à VICE News Tim Mousseau, un biologiste de l’université de Caroline du Sud de Columbia et coauteur de l’étude. « On doit investir dans la gestion de ces zones pour qu’elles ne partent pas en fumée. »

Près d’un millier de feux de forêt ont touché la surface évacuée de Tchernobyl entre 1993 et 2010. Des feux déclenchés par la sécheresse ou par la déforestation liée à l’action de maladies et d’insectes. Mousseau et son équipe de chercheurs ont utilisé les données de trois incendies survenus en 2002, 2008 et 2010. Ils ont aussi utilisé des informations sur la façon dont le matériel radioactif s’est répandu au moment de la catastrophe, pour créer un programme informatique capable de modéliser l’impact d’un feu de forêt et la répartition de la radiation qu’il engendrerait.

La catastrophe de Tchernobyl a libéré du césium radioactif. C’est ce que les chercheurs ont pisté parce que cet élément est simple à mesurer. Ils ont aussi étudié d’autres éléments radioactifs, dont du strontium et du plutonium. Même si beaucoup de ce matériel a disparu dans la décomposition des éléments radioactifs, ce qui reste est disséminé dans les sols et l’eau, qui est ensuite absorbée pendant la repousse des arbres pour finir par se répandre dans leur feuillage.

Les feuilles mortes tombées sur le sol sont l’un des principaux combustibles qui alimentent les feux de forêts.

Dans des études précédentes, les chercheurs ont découvert que les feuilles contaminées par la radiation ne se décomposaient pas aussi rapidement que les feuilles qui n’avaient pas été contaminées, ce qui explique l’augmentation du nombre de feuilles mortes entassées sur les sols.

« Le césium s’introduit dans l’eau pendant la croissance de l’arbre, et s’y concentre, » explique Mousseau à VICE News. « Il ne disparaît donc pas aussi vite que ce qu’on avait imaginé. »

Quand un feu brûle les feuilles, le matériel radioactif se répand, et la chaleur fait monter ces vapeurs dans l’atmosphère. Une fois qu’elles y sont, elles se déplacent dans les airs, jusqu’à ce qu’elles retombent au sol, parfois entraînées par la pluie.

L’étude estime que le niveau de radioactivité du césium relâché par les feux, représente 8% du niveau de radioactivité total du césium relâché lors de la catastrophe.

« C’est une estimation au pif » raconte à VICE News Ian Fairlie, un expert du gouvernement britannique pour les risques liés aux radiations. « Dans leur analyse, tout repose sur cette estimation des 8 pour cent, on ne peut pas s’y fier. »

Ce chiffre est fondé sur l’hypothèse que le type de césium qui a été étudié, le césium-137, perdrait en 10 ans la moitié de sa radioactivité. Fairlie indique que d’autres recherches ont indiqué qu’il fallait beaucoup plus de temps au césium-137 pour perdre la moitié de cette valeur de radioactivité.

« Autrement dit, leur modèle de simulation sous-estime probablement le danger réel, » indique Fairlie.

En raison du réchauffement climatique, ce danger pourrait être amplifié par les changements climatiques. Selon certaines études climatiques, d’ici la fin du siècle la moyenne des températures annuelles dans la région de Tchernobyl pourrait augmenter considérablement. Un changement climatique pourrait également augmenter la fréquence des pluies dans la région, ce qui a pour effet de réguler les feux de forêt, mais cela développe dans le même temps la végétation qui alimente ces feux.

Une attention peu marquée en Ukraine pour la question de la lutte contre les feux de forêt fait que le pays est peu équipé pour parer à l’éventualité de tels sinistres, estime Mousseau. Un document présenté en 2011 à une conférence internationale des feux de forêt indiquait que le gouvernement ukrainien a balayé des demandes de réaction au problème. 

Les scientifiques estiment que la radioactivité dégagée par les feux sera significative pour l’homme jusqu’en 2070. « C’est peut-être un tout petit niveau d’exposition à la radioactivité qui peut ne pas affecter tel ou tel individu, » dit Mousseau. « Mais quand vous diffusez quelque chose de ce genre à travers la campagne, que vous exposez autant de personnes, certaines vont nécessairement être touchées. »

Suivez Laura Dattaro sur Twitter: @ldattaro