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Waxwork Records n’est pas juste un énième label de B.O. de films

Waxwork Records s’est imposé en très peu de temps comme une référence dans le monde des labels dédiés aux rééditions de bandes-originales. Il faut dire que Waxwork a frappé fort d’entrée en sortant l’an dernier la bande-originale de Re-Animator, film culte de Stuart Gordon, composée par Richard Howard Band en 1985. Un coup d’éclat qu’ils ont confirmé quelques mois plus tard en rééditant le soundtrack de Rosemary’s Baby, signé Krzysztof Komeda. Aujourd’hui, le catalogue Waxwork compte 5 références — avec la sortie en 2014 des B.O. du Jour Des Morts-Vivants, de Creepshow et plus récemment de Shopping — et il ne compte pas en rester là, une réédition de la bande-son de Vendredi 13 ayant déjà été annoncée par le label pour la fin de l’année. Bien décidés à en savoir un peu plus sur cette obscure entreprise, nous sommes allés à la rencontre de Kevin Bergeron, le fondateur du label, qui nous a parlé des débuts difficiles de Waxwork, des secrets d’Harry Manfredini et de ce qui nous attend pour l’année 2015.

Noisey : Le lancement de Waxwork Records a été un véritable défi, tu peux nous en parler ?
Kevin Bergeron : Beaucoup n’ont pas compris ce que je voulais faire. Je n’avais pas beaucoup de thune pour lancer Waxwork et aucune banque n’a accepté de me faire un prêt quand je leur ai dit que mon label se concentrerait uniquement sur des sorties vinyles. C’est comme si je leur avais parlé chinois et ils m’ont tous demandé la même chose : « Ils font encore des vinyles ? Mais, ils font encore des platines aussi ? ».

J’ai vendu tout ce que je possédais, et j’avais tout juste de quoi payer les pochettes pour Re-Animator.

Quand j’ai pu finalement lancer Waxwork et que les gens s’y sont peu à peu intéressés, les plus curieux m’ont envoyé des mails. On a sorti Rosemary’s Baby quelque mois après notre création et ça a eu l’effet d’une bombe. J’ai directement été contacté par des gens de l’industrie musicale, ils voulaient en savoir plus sur nous et sur nos prochaines sorties. À cette époque, je ne voulais que personne ne soit au courant de nos projets en cours, mais on s’est vite retrouvé au pied du mur.

On était les petits nouveaux, il fallait bien qu’on montre qu’on existe.

Les plus grosses difficultés qu’on a rencontrées au début c’était l’incompréhension des uns, qui se détournaient de nous, et la méfiance des autres, qui comprenaient notre projet mais refusaient de nous intégrer, en tout cas au début.

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Waxwork Records

Tu avais déjà travaillé au sein d’un label ? Quel a été ton parcours ?
Avant Waxwork, j’avais eu quelques expériences avec le pressage de vinyles et les studios d’enregistrement. J’ai joué dans des groupes de punk hardcore pendant près de 15 ans, avec des groupes qui voyaient sur le long terme et voulaient sortir des albums. Tout le procédé qu’il y a derrière la réalisation d’un album me fascine et j’adorais être en studio, donc je suis vite devenu l’homme à tout faire du groupe. Avec mon dernier groupe, on avait personne pour nous aider, je me suis retrouvé seul, j’ai dû tout apprendre. J’étais à la fois guitariste, agent, chargé de promo, roadie et j’étais le type derrière la table de merch, celui qui imprimait des T-shirts à 3 heures du matin, mais aussi celui qui écrivait absolument toutes les chansons, payait la location du studio et l’enregistrement… Et pourtant, il y’a avait 4 autres types avec moi ! J’ai même dû jouer de la guitare ET de la basse sur l’album, parce que notre bassiste était un vrai branque. Mais je ne m’en plains pas, je voulais juste que le travail soit fait et qu’on avance. Au bout d’un moment, tu ne comptes plus sur l’aide de personne. Et puis, c’est toi qui gères, et il y a plein d’avantages à ça. Juste avant qu’on se sépare, j’étais en train de préparer une tournée en Russie ! On avait prévu de faire une réunion, mais le chanteur et le lead guitariste ont préféré se barrer du groupe et j’ai foutu le batteur dehors, tout ça en l’espace de 10 minutes. Je me suis dit qu’ils pouvaient bien tous aller se faire foutre, et j’ai décidé de fonder mon propre label, Waxwork.

Quel est le procédé à suivre pour acquérir les droits de bandes-originales ? Les démarches ont l’air pénibles et coûteuses.
Il faut d’abord trouver qui est propriétaire ou co-propriétaire des droits. Il faut aussi se méfier des personnes qui veulent te vendre une licence sans pour autant être propriétaires de ces droits. Une fois que tu as déterminé qui possédait ces droits, tu dois demander l’autorisation au propriétaire d’exploiter son oeuvre et devenir titulaire d’une licence, puis d’une licence de reproduction mécanique, qui est plus compliquée à obtenir. Ça peut vraiment être long et pénible pour avoir sa licence, et c’est jamais la même chose. On peut avoir les droits sur un morceau en deux jours comme on peut les avoir au bout d’un an. Parfois, tu as 20 personnes différentes qui te demandent des royalties.

Waxwork

Pourquoi avoir choisi Re-Animator comme première sortie ?
Le compositeur Richard Band a été le premier à croire en nous ! Je l’ai appelé, je lui ai expliqué mon projet et il a accepté d’apporter son aide au label. C’est un chouette type. Richard Band est aussi ami avec le compositeur Harry Manfredini, et quand il a vu que notre label en valait la peine et qu’on était hyper motivés par cette sortie, il nous a mis en contact avec Harry. C’est donc grâce à lui qu’on a pu commencer à travailler sur les musiques de Vendredi 13.

Toutes tes productions sont très différentes. Même si ce sont toutes des bandes-originales de films d’horreur, les styles sont super variés. C’est un choix volontaire ?
Ça n’a jamais été notre but, mais je suis content du résultat, au final. Je ne veux pas que Waxwork se cantonne à un style de musique. Ma seule envie, quand j’ai fondé Waxwork, c’était de pouvoir sortir les bandes-originales des films avec lesquels j’avais grandi et que j’avais adoré. J’ai listé les bandes-originales de tous ces films et je suis parti à la recherche des morceaux.

Les deux dernières bandes-originales sorties sur ton label — Shopping et Vendredi 13 — présentent des thèmes principaux très forts, très typés, qu’on rattache immédiatement aux personnages. Tu penses que la musique peut aider à construire l’identité d’un monstre, d’un tueur en série ou d’un personnage en général ?
Bien sûr, ça peut vraiment créer l’identité de ce personnage. Par exemple, dans Vendredi 13, on entend de la musique seulement quand on est présence du tueur.

Par exemple, dans Shopping, la bande-originale a des sonorités très électroniques, qui se marient hyper bien avec les agents de sécurité-robots. Il y a une scène qui t’a marqué plus qu’une autre justement à cause de la musique ?
La scène d’ouverture de Shopping, avec le titre principal de la bande-originale en fond, pose vraiment l’ambiance du film. L’introduction et le morceau principal sont représentatifs de l’époque à laquelle le film a été tourné. Ils montrent d’entrée l’objectif que visent les réalisateurs, et le budget dont ils disposent aussi. C’est un film de série B pur jus, avec le fun de l’époque.

Waxwork

La bande-originale de Vendredi 13, bien qu’elle soit à la base un hommage à Psychose et à son compositeur Bernard Herrmann, est par la suite devenue elle-même un modèle pour tout un tas de B.O. de slashers, notamment grâce à son « chi-chi-ah-ah ».
Ça vient d’une réplique du personnage de Betsey Palmer : « Kill Her Mommy »… Du coup, ça a donné « Ki-ki-ki Ma-ma-ma ». Harry Manfredini, le compositeur, nous a raconté en détails comment il a crée cet effet légendaire, on a tout mis dans le livret du disque. En fait, il a murmuré les premières consonnes de « Kill » et « Mommy » dans le micro, et à tout passé à travers un delay. Ça a immédiatement donné une identité au tueur et c’est devenu un son incroyable.

Quelles bandes-originales ont, selon toi, le mieux réussi à mêler ambiance et personnage ? Les Dents de la Mer ? Halloween ? Et même au delà des films d’horreur.
C’est difficile à dire. Je pense que pour Les Dents de la Mer et surtout Halloween, les compositeurs ne soupçonnaient pas que ces musiques traverseraient les âges. John Carpenter est connu pour enregistrer les bandes-originales de ses films dans l’urgence.

En revanche, Tobe Hooper et Wayne Bell ont été plus méthodiques quand ils ont composé la bande-originale de Massacre à la Tronçonneuse. Il n’y avait pas beaucoup de budget et le film s’appuyait beaucoup sur le DIY, mais ils savaient pertinemment qu’un orchestre ou même des musiques électroniques ne seraient pas adaptés au film. Ils ont composé la bande-originale la plus pétée qui soit, sans même utiliser d’instruments de musique. On ne peut même pas appeler ça une bande-originale et c’est juste parfait.

Tu bosses sur un marché assez particulier, dans lequel il y a de plus en plus de concurrence.
C’est pas si particulier que ça. Des labels ont sorti des bandes-originales que j’aurais moi aussi adoré sortir sur Waxwork mais ça ne me dérange pas tant que ça. On sélectionne beaucoup ce qui sort sur le label. Il y a sûrement plus de compétition concernant les bandes-originales de légende, surtout avec tous les nouveaux labels qui apparaissent. Il y a même certains labels plus anciens qui pressaient principalement du CD qui retournent vers le vinyle.

J’essaye toujours de trouver ce qu’il y a de mieux pour mon label et je veux faire en sorte qu’il touche un maximum de personnes qui partagent ces intérêts. Le milieu connaît aujourd’hui quelques changements, de plus en plus de labels se tournent vers des projets autres que les bandes-originales. On commence à en discuter pour Waxwork aussi. L’idéal serait de bosser sur des projets vraiment cool, et de ne plus s’inquiéter quand un autre label sort une bande-originale qu’on envisageait aussi. On espère que nos fans nous suivront dans nos choix.

Waxwork Records

Tu penses aussi ne plus te limiter à l’horreur et à la science-fiction ?
Oui. En 2015, on devrait sortir la bande-originale des Guerriers de la Nuit, et d’autres productions pas forcément évidentes pour ceux qui connaissent le label. On aimerait aussi faire plus que des bandes-originales.

Il y a une production que tu aimerais vraiment sortir sur Waxwork ?
J’aimerais vraiment chopper le bruit du vent et les coups de téléphones qu’on entend dans Black Christmas (1974) et le sortir pour Noël. Ce film est vraiment flippant.

Et ça ne te plairait pas de sortir des bandes-originales de films actuels ?
C’est en cours !


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