Alizée Gamberini
Photos : Luis Alejandro Cuéllar pour VICE FR

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Culture

Au chevet des instagrameuses

On a demandé à trois instagrameuses françaises de se laisser prendre en photo dans les toutes premières minutes de leur journée, sans artifice.

Il y a leur image sur Internet, qu’elles contrôlent à leur guise à coups de poses et d’angles bien choisis. Et puis il y a les jeunes femmes qui campent derrière les profils aux dizaines de milliers d’abonnés. Alizée Gamberini, Kenza Sadoun-el Glaoui et Victoria Gasperi ont accepté de se laisser photographier au réveil et de raconter leur relation à leur image, à leur travail et au regard des autres.

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Alizée Gamberini – 26 ans – 76 000 followers

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« Je ne me maquille pas. Quand je me lève, je me coiffe à peine les cheveux. Sur mon Insta, je prône à fond le naturel. En dehors des photos de photographes, je shoote à l'iPhone et je ne mets aucun filtre. J'incite à s'assumer pleinement et j'essaie de valoriser le visage des filles. Donc, ce projet de photos au réveil correspond parfaitement à mon message.

« Quand j'étais plus jeune, je me maquillais beaucoup, en mode gothique. Je n'avais pas forcément confiance en moi »

Je suis juriste de formation. Puis j'ai été RP, tout en faisant du mannequinat et de l'influence à côté, jusqu'à ce que ça devienne mon activité principale. Je me suis lancée sur Instagram parce que j'aime la photo. C'est aussi un moyen très narcissique de se donner de l'assurance. Quand j'étais plus jeune, je me maquillais beaucoup, en mode gothique. Je n'avais pas forcément confiance en moi. Découvrir que des gens s'intéressaient à ce que je faisais, même en me présentant au naturel, m'a apporté de la confiance et un certain épanouissement personnel. J'ai fait ça pour pouvoir m'assumer.

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Aujourd'hui, j'ai de plus en plus de projets qui m’épanouissent énormément. Mais il faut avoir un mental assez fort, parce qu'on est sollicitée de tous les côtés. Il n'y a pas de week-end. On t'appelle tout le temps et les autres pensent qu'ils sont proches de toi, qu’ils te connaissent, parce qu'ils te suivent toute la journée sur les réseaux sociaux. Comme si une barrière était tombée. Ça m'a aussi amené des névroses. À force de se voir tout le temps en photo, on développe des nouveaux petits complexes.

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On peut être la cible de harcèlement. En MP, je reçois des trucs horribles, des messages sexuels, des dick pics [photos de pénis, ndlr]. Il y a aussi des messages dépressifs de gens qui cherchent des conseils. Je suis consciente que ce réseau peut être flippant et malsain, mais c'est aussi ce qui me permet de vivre, de faire des choses que j'adore. L'important est de rester fidèle à soi-même. Plein de filles paniquent si les gens ne s'abonnent plus à leur compte et se demandent : “Pourquoi on ne m'aime plus ?” Mais un “like”, ce n'est pas de l'amour. J'ai conscience de ces choses-là. Si tout s'arrête, je rebondirais. Ce réseau n'est pas ma vie. »

Kenza Sadoun-el Glaoui, 32 ans, 157 000 followers

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« J'ai toujours été très à l'aise avec l'image que je renvoie. Internet ne m'a jamais créé de complexes. Je fais ce que j'aime, je m'habille comme il me plaît. Sur Instagram, je fais de la DA, du stylisme et de la production. J'ai démarré la rédaction de mon blog, La Revue de Kenza, il y a dix ans et j'ai pu en faire mon job grâce aux sollicitations des marques. Mon compte Insta est une extension de ce blog, une plateforme de plus sur laquelle je prends plaisir à échanger.

« Là, c'est une démarche d'autant plus sincère que je n'ai pas le contrôle dessus. C'était l'occasion de m'exprimer dans un autre format, avec quelqu'un que je connais »

Dans mon travail, j'ai malheureusement connu du harcèlement de la part d'une personne déséquilibrée qui m'a poursuivie pendant un an. J'ai déposé trois plaintes, et un procès aura lieu prochainement. Je le gère comme je peux, car ce n'est jamais plaisant, mais je suis assez solide. En dehors de ce souci, rien n'a jamais été trop envahissant.

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J'ai accepté ce shooting pour VICE parce que je connais le travail du photographe, Luis, et parce que j'aime la démarche de montrer autre chose que des photos “contrôlées”, que j'ai moi-même l'habitude shooter ou de retoucher. Même quand je me mets en scène au naturel sans maquillage, c'est moi qui ai la main sur mon image. Là, c'est une démarche d'autant plus sincère que je n'ai pas le contrôle dessus. C'était l'occasion de m'exprimer dans un autre format, avec quelqu'un que je connais.

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C'est aussi une manière de désacraliser une certaine image de “femme parfaite”. Même si rechercher la perfection n'est pas mon objectif, je sais que ça peut être perçu comme tel. Sur les photos que je poste, je suis pimpée, coiffée, maquillée. Mais je ne suis pas forcément cette nana-là au quotidien. J'ai d'ailleurs un autre compte Instagram sur lequel je poste les photos ratées. Dès qu'il y a des façons de se montrer différemment, je trouve ça intéressant. Quand on se met en scène sur les réseaux sociaux, c'est bienvenu de révéler l'envers du décor. J'aime l'idée de pouvoir montrer que, peu importe le nombre d'abonnés, on a toutes la même tête au réveil. »

Victoria Gasperi, 25 ans, 101 000 followers

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« J’ai commencé Instagram à 21 ans, avec un compte privé. Je postais d'abord des photos autour du voyage, puis, progressivement, la mode. Aujourd'hui, après avoir fait des études de communication, je fournis du contenu pour les marques et je crée des images pour mon propre plaisir.

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Être photographiée au réveil était un nouveau challenge pour moi. J'ai trouvé l’idée sincère et poétique. Au réveil, c’est simplement le vrai moi ! Ce shooting ne m'a pas paru difficile, car je suis à l’aise avec le fait d’être naturelle. Je me maquille, mais jamais jusqu’à en être vraiment transformée. Je sais qu'Instagram est souvent perçu comme le réseau social où on livre la meilleure version de soi-même. Mais je n’ai aucun mal à poster des stories 100% “no make up” ou au réveil lors de voyages, dans des moments pas toujours très flatteurs. Cette plateforme m’a apporté une carrière et j'ai pu créer mon métier sur-mesure en rassemblant toutes mes passions.

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Je suis consciente qu'Instagram est un moyen de se sentir validée pour certaines personnes, mais ce n'est pas ce que je cherche. Je ne m’adapte pas à un moule pour y être acceptée. Je ne fais pas semblant, je ne poste pas pour les “likes”, même si c’est évidemment plaisant d’avoir un retour sur son travail. Je suis juste moi et “qui m’aime me suive”. Mon rapport à mon image est assez simple et pas tellement contrôlé. Je montre ce qui me plaît et ce que j’ai envie de partager, surtout. Je cherche du beau partout et je trouve que ce réseau social, c’est cela avant tout : de l’inspiration. Il y a évidemment des limites. Une overdose de belles images, de “mieux”, tout le temps, c’est parfois blasant. »

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