Dimanche 26 février, Olivier Atton a fêté ses 50 ans en faisant ce qu’il sait le mieux faire : jouer au football. Non je ne délire pas, ce que je vous dis est sérieux. Kazuyoshi Miura, doyen mondial des footballeurs professionnels, portera un an de plus le maillot du FC Yokohama, équipe qui évolue en deuxième division japonaise.
En plus d’être une légende dans son pays, le garçon qui a inspiré au dessinateur de manga Yoichi Takahashi le personnage d’Olivier est sans aucun doute l’un des footballeurs les plus célèbres de toute l’histoire. « Bien que je me sois principalement inspiré de Kempes et Maradona pour les actions incroyables, je voulais vraiment que le personnage d’Olivier Atton ait beaucoup de ressemblances avec Kazu Miura, puisqu’il a été le premier joueur japonais à évoluer à l’étranger », reconnaît le créateur d’Olive et Tom dans des propos recueillis par So Foot.
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Les parcours des deux joueurs sont clairement similaires. Ils sont tous les deux nés à Shizuoka et ont tous deux émigré au Brésil pour progresser. En effet, Olivier tient beaucoup de Kazu qui, à 15 ans, a quitté son pays pour apprendre de l’école footballistique brésilienne. Imagine-toi, un petit japonais qui se retrouve tout seul dans le pays de la samba, et ce dans les années 80.
Le petit Kazuyoshi a grandi à une époque où les Japonais commençaient à s’intéresser au football européen, mais à l’époque, il n’y avait dans le pays aucune ligue professionnelle ou quoi que ce soit qui s’en rapproche. Lui voulait être professionnel, et, malgré la désapprobation de sa famille, il s’est envolé pour le Brésil où il y avait une importante communauté japonaise. Pour gagner son pain, il a travaillé comme guide touristique et vendeur ambulant, et, après s’être formé dans les centres de formation de Santos et de Palmeiras, deux clubs historiques du Brasileirão (championnat brésilien), Miura est retourné au Japon pour être un pionnier de la professionnalisation naissante du football nippon.
« Après avoir joué au Brésil, mon prix a considérablement augmenté. J’ai appris des techniques qui pouvaient se révéler très importantes pour le football japonais qui manquait de », a affirmé Miura en 1989 à la correspondante de La Vanguardia au Brésil. L’objectif, selon le joueur, était de faire du Japon l’eldorado du football oriental.
Kazu y est parvenu, puisque le Japon continue aujourd’hui d’être la ligue asiatique avec le niveau de jeu le plus élevé et le plus stable du continent. Lui s’y est vite imposé comme le principal référent et chouchou des supporters. Sa vie et son attitude confirmaient bien sûr son statut de star. Pour commencer, Miura était fils de mafieux. D’après ce que raconte le journaliste Jake Adelstein dans son livre Tokyo Vice, le joueur a décidé de prendre le nom de sa mère puisque Nobu Naiya, son père, entretenait des liens étroits avec les Yakuza.
Au fil du temps, Kazuyoshi Miura est devenu beaucoup plus qu’un footballeur. En 1993, toutes les discothèques du Japon dansaient la “Kazu dance”, inspirée des célébrations de buts du joueur qui a commencé son parcours professionnel sur son île sous les couleurs du Verdy Kawasaki où il a marqué 100 buts en 192 matches joués. Cette même année, Kazu a été nommé meilleur joueur asiatique de l’année, premier MVP de la J-League et, pour couronner le tout, il s’est marié avec une célèbre actrice japonaise. « Nous lui devons beaucoup. Nous pouvions recruter beaucoup de joueurs étrangers célèbres, mais nous avions besoin de notre propre héros pour que les gens l’aime. Miura a été notre homme », reconnaissait Saburo Kawabuchi, pionnier du football professionnel japonais, sur le site Panenka.
Autant de succès ont attiré l’attention du football européen, et le Genoa a fait de Miura le premier footballeur japonais à fouler les pelouses du Calcio. Cependant, en Italie, il a été persécuté par la malchance. Lors de son premier match, contre le Milan AC, Francesco Baresi lui a cassé la cloison nasale et il a dû être évacué à l’hôpital avec une commotion cérébrale. Au total, il a disputé 24 matches et n’a marqué qu’un seul petit but, lors du derby contre la Sampodria. « Gagner le derby grâce à mon but a été une joie intense, j’ai encore en mémoire cette émotion intense », se souvenait-il dans la Gazzetta dello Sport
Au Japon, ils l’attendaient les bras bien ouverts.
Il a continué de marquer à tout-va et s’est également imposé comme un taulier de la sélection nationale. En 1994 il a marqué un total de 12 buts lors des 14 matches de qualification pour le Mondial, mais les Japonais se sont inclinés face à l’Arabie Saoudite et ont manqué le rendez-vous aux États-Unis. Son absence en France en 1998 est plus inexplicable. Le sélectionneur Takeshi Okada l’a écarté de la liste alors même qu’il avait marqué 18 buts en 19 matches rien qu’en 1997. Okada était un fanatique de la discipline et de la tradition, et considérait que la vedette n’était qu’un ”Brésilien excentrique”. Ne pas être du voyage pour la France a été un coup de massue qui l’a définitivement éloigné de la sélection.
Pour oublier ce mauvais coup, Kazu est reparti à la quête du succès en Europe. Il est allé en Croatie, mais il n’y a pas rencontré plus d’opportunités de développer son jeu électrique ni de montrer son instinct de renard des surfaces. Son plus grand exploit dans les Balkans a été de jouer un match de Ligue des champions, devenant ainsi le premier Japonais à disputer la plus grande compétition continentale. En 2005, à 38 ans, il a signé au Yokohama FC, où il demeure un atout majeur pour l’entraîneur.
Tout au long de sa carrière, Miura est apparu dans des publicités de tout genre et en est venu à doubler la voix d’un personnage de Détective Conan. Bien qu’il se soit tenu loin du nom de son père, la malchance a voulu que dans les années 80 il soit confondu avec un entrepreneur accusé d’avoir assassiné son épouse et qui, évidemment, portait le même nom que lui. Coquet, il a un jour expliqué qu’il aimait changer de veste à chaque fois qu’il descendait dans la rue, même si c’était plusieurs fois dans la journée. On raconte même que le gars est allé jusqu’à s’acheter un appartement à Tokyo pour y entreposer tous ses vêtements.
Pour prendre sa revanche sur le Mondial, Miura s’est inscrit à la sélection de futsal de son pays, avec laquelle il a disputé la Coupe du monde 2012 en Thaïlande. Il n’a pas eu beaucoup de chance puisque l’équipe a été éliminée d’emblée sans qu’il ne puisse marquer le moindre but. Au final, pour son palmarès, il a dû se contenter de quatre titres de champion du Japon, d’un championnat Paranaense et d’une ligue de Croatie, en plus de quelques Coupes du Japon.
Entre les paparazzis, les apparitions dans des émissions télévisées et ses crises d’égocentrisme, Kazu a perdu le rythme de buteur qui l’avait emmené sur le devant de la scène du football de son pays. Cependant, avec 55 buts en 88 matches sous le maillot de l’équipe nationale et la perspective d’une 30ème saison professionnelle en carrière l’année de ses 50 ans, les chiffres parlent pour l’incarnation d’Olivier Atom.
« Si je n’avais pas été joueur de football, je crois que je n’aurais pas pu exister », confessait Miura, allergique à la presse, au cours de l’une des rares interviews que l’on peut récupérer sur YouTube. S’il n’avait pas existé, Oliver n’aurait pas suivi son chemin jusqu’à Barcelone dans Olive et Tom. Donc merci, Kazu.
Notre ami Kazuyoshi Miura est entré un peu plus dans l’histoire du football japonais dimanche 12 mars. Il a permis à son équipe du Yokohama FC de s’imposer face au Thespa Kusatsu (1-0) lors de la troisième journée de J. League 2, repoussant ainsi son record du plus vieux joueur à marquer un but.
50 piges putain !
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