Music

Moderat : « On a eu la chance de démarrer avant l’arrivée des touristes à Berlin »

Toutes les photos sont de Flavien Prioreau I

Videos by VICE

II  III
III
Noisey : La première fois qu’on s’est rencontrés avec Modeselektor, c’était pour l’album Happy Birthday en 2007. Vous alliez tous les deux être pères, ça vous a changé la vie de musicien ? Gernot : Est-ce que tout ça peut expliquer l’évolution de votre musique au fil des ans, de moins en moins club, de plus en plus pop ? Gernot : Pour toi aussi Szary, c’en est fini des rythmiques effrénées ? Szary : Votre process de composition a donc changé ? Gernot :

Sascha : C’est quelque part un vrai challenge, un nouveau territoire pour nous. C’est toujours intéressant d’aller en studio en tentant quelque chose qu’on n’a jamais fait. Ça donne donc un processus un peu chaotique. Il l’a toujours été, ça va un peu mieux. Au moins maintenant, on essaie d’abord d’écrire les chansons puis de les produire. Mais il reste encore de la marge entre la théorie et la pratique.

Les textes, c’est uniquement Sascha ?
Sascha : On a tellement de trucs à faire en studio que je m’en occupe à fond, ça a toujours été comme ça.

Gernot : Personnellement, je ne me soucie pas des textes car ça m’obligerait à adapter mon travail, mon point de vue sur un beat ou une mélodie. Ce n’est pas un manque de respect, juste l’envie de rester volontairement ignorant pour ne pas être influencé. C’est ce qui s’est passé la première fois qu’on a bossé avec des chanteurs, avec TTC. On ne comprenait rien à leurs textes en français mais on les a utilisés tels quels.



Et l’humour qui vous caractérisait dans Modeselektor, vous l’avez encore ?

Gernot : Totalement, c’est super important pour nous. Mais pas dans Moderat, c’est différent, c’est un truc profond pour nous.

Sascha : On ne se prend pas au sérieux mais l’humour n’est pas très présent dans notre musique.

La musique de Modeselektor n’était pas drôle non plus, c’est juste l’enrobage (les pochettes, les clips, les photos…) qui l’était.
Gernot : C’est totalement ça, notre musique n’était pas drôle non plus. Mais les idées qu’on a pour Moderat ne vont pas dans le sens de l’humour. C’est notre boulot d’avoir des idées. La plupart sont nazes, certaines sont bonnes.

Sascha, tu as bossé avec Ellen Allien sur Orchestra of Bubbles, tu as l’air d’un habitué des collaborations.
Sascha : A l’époque, Ellen m’a un peu forcé. Je voulais faire un disque avec elle mais je pensais qu’on aurait pu le faire par internet, même si on vivait dans la même ville. Je nous voyais bien bosser chacun de son côté. Et elle m’a dit : « Non, non, je viens dans ton studio ». Je travaillais alors complètement en autiste et ça a été la merde. J’ai dû tout apprendre dans le dur. Elle m’a forcé et on se fritait tout le temps. Avec elle, j’ai appris comment bosser en collaboration. J’étais innocent et elle a un peu pris ma virginité.

Avec ce nouvel album, on a vraiment l’impression que pour des producteurs allemands, vous vous êtes ouverts à tout ce que les sons électro que l’Europe peut produire, comme la scène électro anglaise en particulier.
Gernot : Quand on a commencé Moderat, vers 2008, cela correspondait à une époque de changement. Beatport nous a récompensés de l’award du meilleur producteur dubstep. On ne savait même pas qu’on faisait du dubstep ! Sur une dizaine d’années, on s’est pas mal intéressés à la scène anglaise. Quand on a sorti le premier album de Modeselektor en 2005 sur BPitch Control, c’est là qu’on a trouvé notre identité. On a beaucoup tourné en Angleterre et ça a totalement changé notre vision de la musique anglaise, même si on était déjà bien branchés par Aphex Twin et d’autres. Ce sont des musiques qui ne peuvent venir que d’Angleterre. J’ai aussi toujours adoré tous les producteurs UK garage comme DJ EZ car ils sonnent différemment de tout ce qu’on a connu.

Sascha : Berlin a toujours été très techno et toute la musique de club qui venait d’ailleurs nous paraissait une bouffée d’air frais.

Gernot : Tous les sept ans, Berlin définit quelque chose de nouveau. Il y a sept ans c’était la minimale version Villalobos, avec des titres de 12 minutes pour des gens qui font la teuf 24 heures sur 24. Maintenant c’est la même avec un coté plus industriel, plus dur. Dans sept ans ce sera autre chose, ça fait vingt-cinq ans que c’est comme ça.

Et vous pensez que des jeunes vont continuer et encore redéfinir la musique Berlin ?
Gernot : On y compte bien, c’est une des raisons pour lesquelles on a gardé un label qui sert de plateforme à la nouvelle génération.

Sascha : En même temps, c’est dur car Berlin a attiré l’attention du monde entier. Plein de gens y viennent pour trouver une sorte de cliché qu’ils ont vu dans la presse.

Gernot : Il y a encore plein de bons spots, de bons clubs, mais tu les trouveras pas dans les plans soirées du magazine de ta compagnie aérienne. C’est une ville qui ne se compare à aucune autre. Il n’y a pas vraiment de son de Berlin, juste une bande-son qui change régulièrement pour chaque été et tous ces gens qui viendront passer les vacances de leur vie. On a eu la chance de nous rencontrer et de démarrer avant l’arrivée des touristes.



Vous restez l’un des rares cas où l’union de deux artistes devient plus importante que les deux artistes eux-mêmes, vous le sentez aussi ?

Gernot : Bien sûr. Le premier Moderat correspondait à des vacances de nos propres projets pour garder leur fraicheur. Avec le deuxième, on a compris qu’on tenait un projet plus fort que nos deux autres. C’est pour ça qu’on a décidé de poursuivre, dans l’idée aussi d’avoir plus de titres pour tenir un live.

Votre biographie annonce la fin d’une trilogie, après ce sera encore une autre histoire ?
Sascha : C’est juste pour dire que cet album clôt quelque chose, au niveau musique, des pochettes… Donc peut-être que l’on reviendra avec quelque chose de nouveau, de différent. Ça sonne conceptuel mais ça ne l’est pas du tout, tout vient sur le moment.

Gernot : Ça sonnait bien au moment où on a fini l’album.

Ça veut donc dire que vous vous dédiez uniquement à Moderat ?
Sacha : Oui, quand on y est, c’est à fond. D’ailleurs Moderat nous prend à plein temps, ce serait trop compliqué de devoir gérer plusieurs projets à la fois. On ne donnerait pas le meilleur.

Gernot : Quand tu veux faire un truc bien, tu ne dois faire que ça, enregistrer, tourner… D’ailleurs la tournée était bookée avant la fin de l’album.

Grosse pression donc ?
Gernot : Non, on a l’habitude, la pression vient plus de nous-mêmes.

Sascha : On voulait se surprendre nous-mêmes, offrir toujours mieux, avec cette impression que rien n’est jamais assez bien, ce qui est un peu frustrant. Mais ça pousse aussi à réaliser des choses que tu ne croyais pas possibles avant. Même si elle peut sembler facile, la musique de Moderat demande beaucoup de travail et d’énergie.

Gernot : L’importance prise par Moderat nous surprend toujours car nous n’avions rien planifié.

Comme un vieux couple, vous arrivez encore à vous surprendre ?
Sascha : Avec l’âge, c’est de plus en plus dur mais il faut continuer, à la manière d’un vieux couple comme tu le dis. Si tu laisses tomber, c’en est probablement fini de ton couple, tu tombes dans la routine. Je n’oublie donc jamais d’offrir des roses aux deux autres.

Moderat sera au festival This Is Not A Love Song à Nîmes le 9 juin et on vous fait gagner des pass pour les 3 jours juste ici : 

Pascal Bertin est sur Twitter.