25 ans, un flow singulier, des rimes complexes, une gueule à faire tomber les minettes de 16 ans comme la ménagère de moins de 50, bref, tout ce qu’il faut pour rassurer les chaumières et assurer le service minimum niveau ventes et retombées média. Mais rien ne nous avait préparés au carton à venir : disque d’or en moins de 3 semaines, couverture des Inrocks aux côtés de Virginie Despentes, Nekfeu plaît décidément à tous. La « révélation » est pourtant loin d’être un jeune rookie dans le Rap, Nekfeu s’étant déjà fait un nom dans l’underground avec l’Entourage ou 1995.
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Le problème du rap c’est que dès que les mecs commencent à percer ils ne gardent plus les pieds dans la culture Hip Hop, ils considèrent qu’ils sont à part, et l’énergie et la performance ne restent pas intactes.
« Ceux qui n’aiment pas le petit grec seront en rogne » (Nekfeu, « Martin Eden »)… Tu te sens grec aujourd’hui ? « Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo » (Nekfeu, « La marche »)… C’était l’une de tes punchlines quelques mois avant l’attentat… Tu la regrettes ?Pourquoi ça te gène ?
Je n’en aurais pas parlé si ça avait été un journal d’extrême droite comme Minute, mais ce qui me dérangeait et que je trouvais triste c’est que j’avais l’impression que les journalistes de Charlie Hebdo étaient du même camp que moi ! Je pensais qu’on avait les mêmes valeurs ; pour moi c’étaient des punks, des humanistes, qui dénonçaient l’ordre établi, qui n’enfonçaient pas les minorités.
En 2013 quand j’ai écris le morceau, c’était la 5ème couverture que je voyais qui se moquait des musulmans ! Je me suis dit « Arrêtez les gars, on est déjà dans un sale climat, vous en rajoutez une couche, vous essayez de nous séparer alors qu’on a grandi ensemble ». Après je sais que ce sont des gens intelligents et que c’était de la provoc, mais moi aussi j’ai voulu faire de la provoc, d’autant plus que je pensais pouvoir me le permettre en tant que non musulman. C’était juste une façon de dire : « Il y a d’autres choses sur lesquelles on peut rigoler que les Musulmans, rigole plutôt sur les investisseurs de ton journal par exemple ! »
Comment tu as réagis aux attentats ?
Je ne suis pas sorti de chez moi pendant une semaine… J’étais super choqué. J’ai aussi reçu des menaces de mort ; j’en avais déjà reçu quand mon morceau avait fait polémique à l’époque. Je suis un petit provocateur mais je ne souhaite pas la mort des gens, je souhaite le dialogue.
« T’es un esclave quand t’es plus maître de toi-même » (Nekfeu, « Être humain »)… Tu as connu la dépendance ?
Oui, rien de trop hardcore mais le pilon, l’alcool… J’en suis sorti en trouvant un sens à ma vie. A partir du moment où j’ai su que quoi qu’il arrive je pourrais toujours écrire et avoir le rap dans ma vie, ça m’a apaisé. Je ne suis pas encore débarrassé de tous mes démons mais maintenant j’ai l’impression que des gens comptent sur moi et que je ne peux pas les laisser tomber pour un manque de volonté. Et je tiens à la vie, je n’ai plus envie de me détruire.
« Et je n’sais pas si c’est d’l’orgeuil ou même de l’amour propre mais on fait souvent abstraction d’l’amour qu’nos parents nous porte » (Salif, « Dur d’y croire »)… Que pensent tes parents du rap ?
J’adore cette chanson… Mes débuts dans le rap coïncidaient avec le moment où je partais le plus en couille de ma vie. Ce n’était pas favorable à leur bénédiction pour mon choix de carrière ! Mais aujourd’hui ils sont super fiers de moi. Dans tous les cas, je ne suis revenu les voir que quand j’étais dans une bonne dynamique. Mais c’est vrai qu’encore il y a un an de ça, mon père m’a dit « J’ai vu une super formation pour être assistant social ». Mes rêves ne correspondaient pas à leur vision de la vie, ils avaient peur que je me brûle les ailes.
C’est quoi ta punchline préférée de tous les temps ?
Il y en a plein ! Je dirais Booba : « Dégouté comme quand j’ai ché-cra » ! Et un proverbe arabe qui dit « Pour punir les hommes parfois Dieu leur donne ce qu’ils veulent ».