Des gens reviennent sur leur petit boulot le plus étrange

petit boulot

En théorie, il n’y a rien de mal à occuper des petits boulots, aussi ennuyeux soient-ils. Il s’agit quand même d’un bon moyen d’obtenir de l’argent en échange de votre temps passé à faire la plonge dans votre pub de quartier ou à combler les désirs de ce client infernal qui vous a commandé des wings « un peu épicées, mais pas trop épicées non plus ».

Mais la dernière fois que vous avez eu besoin d’arrondir vos fins de mois, il ne vous est sans doute pas venu à l’esprit que vous pouviez faire quelque chose qui sort de l’ordinaire – comme tricoter des costumes Superman pour des pingouins, ou maquiller des vaches pour des séances photo. Nous avons discuté avec huit personnes venues de partout dans le monde qui sont la preuve vivante que les petits boulots n’ont pas forcément besoin d’être d’un ennui mortel.

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Karmen*, 25 ans, assistante sociale en Allemagne, a été styliste pour vaches

Photo publiée avec l’aimable autorisation de Karmen.

VICE : Salut Karmen. Comment t’es-tu retrouvée à maquiller des vaches sur ton temps libre ?
Karmen : Ma sœur travaillait déjà dans ce « milieu » et avait besoin d’un peu d’aide. Je me suis dit que ce serait facile, étant donné que j’ai grandi dans une ferme et que je sais gérer des vaches.

Comment s’y prend-on pour rendre une vache plus belle ?
Nous nous rendions en équipe, avec un photographe, dans différentes fermes de la région pour dénicher des modèles de vache. Lorsqu’une vache était choisie, en fonction de tous les critères de beauté, nous la nettoyions et utilisions de la farine pour retoucher ses taches blanches, avant de couper et brosser ses poils de queue – le but étant de la rendre plus jolie. La plupart des photos se retrouvaient dans des calendriers. Pour être honnête, je n’ai aucune idée de ce qui rend une vache belle. Pour moi, une vache est juste une vache, mais il y a vraiment des gens dont le travail est de pouvoir faire la différence.

Avais-tu peur des vaches ?
Non, car j’ai grandi dans une ferme. Mais chaque vache peut réagir différemment face aux gens – certaines donnent des coups quand elles sont en colère. J’ai eu droit à quelques bleus, mais rien de plus.

– Nora Kolhoff

Lyn, 60 ans, réceptionniste en Australie, a tricoté des pulls pour les pingouins victimes de marées noires

Photo publiée avec l’aimable autorisation de Lyn.

VICE : Salut Lyn, alors comme ça, tu as tricoté des pulls pour des pingouins ?
Lyn : En effet – tout a commencé il y a 17 ans. Je bosse comme réceptionniste dans le parc naturel de Phillip Island à Victoria, dans le sud-est de l’Australie, et nous recueillons les pingouins malades pour les soigner. En 2000, il y a eu une série de graves marées noires. Une simple goutte d’huile peut passer à travers les plumes d’un pingouin, ce qui permet à l’eau froide et glacée d’atteindre directement sa peau. Ils peuvent se noyer ou mourir de froid. Ils paniquent, ne mangent plus, et s’ils atteignent la terre, ils ingèrent de l’huile toxique lorsqu’ils essaient de nettoyer leurs plumes avec leur bec.

Nous avons essayé de trouver des moyens d’empêcher les pingouins de lisser leurs plumes et de les garder au chaud le temps qu’ils se rétablissent, mais ils étaient des centaines. Ensuite, une des vétérinaires a trouvé un patron de pull que quelqu’un avait inventé pour une autre race d’oiseaux d’eau dans un magazine. Son amie et elles ont donc adapté ce vêtement pour les petits pingouins.

Combien de pulls as-tu réalisés ?
J’ai dû en faire près de 300. Parce que c’était une excellente idée, des milliers de personnes nous ont proposé leur aide. Il a fallu des années pour trier tous les pulls que nous avons reçus par la poste. Nous n’avons pas connu de marée noire importante depuis 2001, mais nous avons gardé tous les pulls, car il nous arrive occasionnellement d’accueillir un pingouin couvert de pétrole.

Combien de temps faut-il pour en tricoter un ?
J’y passais quelques soirs par semaine après le travail. C’est un patron à deux faces, alors je tricotais un côté un soir, l’autre le lendemain – puis je les cousais ensemble. J’ai également réalisé des costumes Superman pour pingouins et beaucoup de maillots d’équipe de foot. J’ai même fait un costume Elvis avec un col et une cape ; c’était tellement mignon.

– Liberty Lawson

Ana, 24 ans, rédactrice pour VICE Serbie, a été coach sexuelle free-lance

Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Ana.

VICE : Salut Ana. Comment es-tu devenue coach sexuelle à temps partiel ?
Ana : J’ai travaillé avec des pick-up artists australiens à Belgrade. Ensemble, nous avons appris à des mecs peu sûrs d’eux à parler aux femmes. Il y a quelques semaines, ils m’ont demandé d’intervenir lors d’un atelier sur la sexualité dispensé dans un donjon qu’ils avaient loué à Barcelone.

As-tu eu des relations sexuelles avec tes élèves ? Combien y avait-il de coachs ?
Non, pas du tout. Au total, nous étions quatre femmes coachs, deux démonstrateurs BDSM et deux pick-up artists – le tout pour seulement quatre étudiants. Nous avons appris aux mecs à dominer au lit – à faire des jeux de rôles, fesser et fouetter les filles de façon sexy. Ils ont également pris des cours de massage sensuel et de sexe tantrique. C’était très intense et très amusant en même temps.

Plus important encore, les organisateurs se sont assurés que le consentement était un élément essentiel de l’atelier. Les étudiants ont dû demander le consentement avant chaque exercice, et se sont également entraînés à le faire dans différents scénarios de la vie réelle. Nous avions mis en place des signaux et des safe words, mais je n’ai jamais eu à utiliser le mien.

Comment étaient les mecs ?
Ils n’étaient pas le genre de mecs timides avec lesquels j’étais habituée à travailler – ils avaient de très bonnes compétences sociales et ne semblaient avoir aucun problème à séduire les femmes. Ils voulaient simplement apprendre quelques trucs qui amélioreraient leur vie sexuelle.

VICE Serbie

Tage, 20 ans, étudiant au Danemark, a travaillé comme strip-teaseur sur le thème du petit-déjeuner

Photo publiée avec l’aimable autorisation de Tage.

VICE : Salut Tage. À quel âge as-tu commencé le strip-tease ?
Tage : J’ai commencé à travailler en tant que strip-teaseuse à l’âge de 18 ans – en particulier pour des enterrements de vie de jeune fille. Je me suis toujours efforcé de rendre ça spécial pour la future mariée, tout en m’assurant que chaque invité passe un bon moment également.

Ton thème était quelque peu… étrange.
Ah, oui. En danois, « Bolle » veut dire à la fois « petit pain » et « baiser », donc mon nom de scène, « Morgenbollefyr », avait un double sens assez amusant. L’idée était de préparer le petit-déjeuner avec les femmes après m’être déshabillé, donc je travaillais surtout avant midi. En règle générale, la prestation durait une heure, donc je pouvais avoir une réservation à 9 heures, une autre à 11 heures et parfois une à 13 heures au plus tard. Je facturais 1 200 couronnes (160 €) de l’heure.

Utilisais-tu des accessoires ?
Ouais, plein de trucs. Je léchais du Nutella et mangeais des fruits sur le corps des invitées. Disons que j’essayais de dépasser un peu les limites, tout en restant dans la légalité. Une fois le petit-déjeuner prêt, j’isolais la mariée du reste des invitées, l’emmenais dans la cuisine, me mettais debout derrière elle et lui lavais les mains tout en lui susurrant des trucs coquins à l’oreille.

Quelle a été la situation la plus gênante dans laquelle tu te sois trouvé ? As-tu déjà été harcelé sexuellement ?
Oui, je m’en souviens très bien. C’était lors de ma toute dernière performance, et ce, pour une bonne raison. Quand je suis arrivé dans cet appartement à Copenhague, il y avait environ sept ou huit femmes âgées de plus de 50 ans. Dès que j’ai franchi la porte, elles m’ont demandé de porter un tablier sans rien dessous. Je venais tout juste d’avoir 18 ans et je croyais qu’elles plaisantaient. J’ai rigolé, avant de comprendre qu’elles étaient sérieuses. Je leur ai expliqué que ça ne marchait pas comme ça. Pendant toute la durée de ma performance, la fiancée, qui devait avoir dans les 70 ans, n’a pas arrêté de m’attraper par le bras en me demandant de la rejoindre dans la salle de bains. Ça a été l’heure la plus longue de ma vie.

– Alfred Maddox

Maciek Piasecki, 28 ans, rédacteur pour VICE Pologne, recrutait des diseurs de bonne aventure pour la télévision

Photo publiée avec l’aimable autorisation de Maciek.

VICE : Salut Maciek. Quel était ton job d’appoint ?
Maciek : Tu vois ces émissions télévisées où les gens appellent pour connaître leur avenir ? Eh bien, je devais m’occuper des diseurs de bonne aventure. Je faisais tout de A à Z – je les recrutais, les entraînais à parler devant la caméra, je veillais même à ce qu’ils restent sobres au cours de la journée. Je ne sais pas s’ils croyaient sincèrement avoir un don ou s’ils mentaient pour se faire un peu d’argent. La plupart d’entre eux semblaient être des gens simples, donc j’aime à penser que leur but était vraiment d’aider les autres.

Comment t’es-tu retrouvé à faire ça ?
J’avais 19 ans et je venais tout juste de perdre mon emploi sur une chaîne de télévision locale à Varsovie. J’avais l’impression que mon diplôme universitaire ne menait à rien, et je savais que je pouvais réaliser mon rêve d’être écrivain de pratiquement n’importe où, alors quand on m’a donné l’occasion de travailler pour une société de télévision à Budapest, j’ai sauté dessus sans avoir pleinement conscience de ce qu’elle impliquait.

Quels étaient les bons et mauvais côtés de ce travail ?
Le salaire était bon et j’ai eu la chance de vivre dans une ville incroyable, mais le travail en soi était vraiment à chier. Plus tard, la société m’a fait bosser sur des jeux télévisés – une arnaque complète qui consistait à soutirer de l’argent à des personnes vulnérables. Je n’ai pas honte de dire que j’étais vraiment mauvais pour ça, et que j’ai probablement fait économiser de l’argent à pas mal de gens. Mon licenciement a été un véritable soulagement.

– Pawel Maczeweski

Inga*, 23 ans, étudiante en Allemagne, passait son temps libre à courir sur des tapis roulants lors des foires de fitness

Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Inga.

VICE : Salut Inga. Combien de temps par jour devais-tu courir ?
Inga : Je travaillais huit heures par jour, en sprintant toutes les 10 minutes pendant les heures de pointe. Au fil de la journée, la foire se vidait et je pouvais ralentir la cadence.

À quelle vitesse devais-tu courir ?
Je sprintais constamment parce que les clients devaient voir jusqu’à quelle vitesse le tapis roulant pouvait aller. Mais certains me demandaient de sprinter pour la simple et bonne raison qu’ils trouvaient ça drôle.

Serais-tu prête à le refaire ?
Absolument. Bien que le fait de courir et de discuter avec les clients pendant huit heures d’affilée soit épuisant, j’ai rencontré beaucoup de gens formidables.

– Nora Kolhoff

Claire*, 21 ans, étudiante en Grande-Bretagne, travaille occasionnellement en tant que modèle shibari

Photo publiée avec l’aimable autorisation de Claire.

VICE : Salut Claire. Qu’est-ce que le shibari ?
Claire : Il s’agit d’une niche du bondage japonais qui est très populaire sur la scène kink londonienne. L’instructeur se sert de moi comme accessoire pour enseigner cette technique particulière à des groupes de 10 à 30 personnes. C’est un professionnel accompli qui pratique différentes sortes de bondage, mais le shibari est sa spécialité. Il s’agit d’une forme d’art très complexe : il ne suffit pas d’acheter une corde et d’essayer de le faire chez soi. Ce hobby est très onéreux et prenant, en plus d’être dangereux ; il est facile de se faire une lésion nerveuse ou de se casser un os si ce n’est pas fait correctement, donc tout le monde prend ça très au sérieux.

Où faut-il aller pour prendre des cours de bondage shibari ?
Chaque événement a lieu dans une résidence privée. Tous ceux qui participent aux ateliers font déjà partie de la scène kink, donc l’ambiance est décontractée. La maison comprend un studio construit spécialement à cette fin – des crochets sont attachés au plafond, et le sol est recouvert de tapis rembourrés au cas où je tombe. Les cours peuvent durer jusqu’à cinq heures, et je gagne environ 30 euros de l’heure, donc ce n’est pas trop grave. Je ne me pends jamais plus de 15 minutes d’affilée – passé ce délai, vous commencez à avoir des problèmes de circulation. Je fais ça depuis près d’un an maintenant. Parfois, je travaille plusieurs fois par semaine, d’autres fois, il peut s’écouler plus d’un mois entre deux cours.

Comment as-tu commencé ?
J’étais dans un club fréquenté par une grande partie de la scène kink et j’en ai discuté avec un mec. Il semblait un peu étrange au début, mais j’ai compris que c’était pour lui une sorte de poursuite artistique, ce qui m’a beaucoup plu. J’aime aussi l’aspect sexuel, même s’il n’apparaît pas vraiment au cours des démonstrations. L’atmosphère des ateliers est plutôt clinique, en fait. C’est aussi sexy que d’aller à un cours de tricot.

– Patrick Heardman

*Ces noms ont été modifiés.