Mon métier : aider des personnes handicapées à atteindre l'orgasme
Illustration : Deshi Deng

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Mon métier : aider des personnes handicapées à atteindre l'orgasme

Et j'en suis fière.

Depuis octobre dernier, je profite de ma colonne sur VICE pour tenter d'éclairer les gens sur le sexe et le handicap – deux sujets encore tabous. Je n'ai jamais été très sûr de moi avec les filles, et j'ai souvent perçu mon fauteuil roulant comme un tue-l'amour. Au lycée, j'étais persuadé que je n'aurais jamais de relation sexuelle. Même une simple relation amoureuse me semblait hors de portée. Aussi, le fait de ne jamais avoir eu de cours d'éducation sexuelle ne m'a pas vraiment aidé. J'ai fini par perdre ma virginité à 23 ans. Mais pour être franc, je ne me suis senti prêt que l'année suivante, lorsque j'ai rencontré Joslyn Nerdahl. Avec l'aide de Joslyn, j'ai pu m'exprimer entièrement et de manière saine. En raison de mon handicap, j'ai déjà eu besoin d'aide pour beaucoup de choses intimes dans la vie quotidienne, comme m'habiller ou aller aux toilettes. Pour cette raison, je n'étais pas très à l'aise à l'idée de demander de l'aide à quelqu'un pour m'assister dans ma vie sexuelle. Mais Joslyn est très douée dans ce qu'elle fait, et elle comprend parfaitement mes besoins et mes fantasmes ; grâce à elle, je me sens désormais totalement à l'aise avec mes préférences sexuelles. Comme j'ai appris à bien la connaître au cours de ces deux dernières années, je lui ai posé quelques questions sur son travail en tant qu'assistante sexuelle.

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VICE : Parle-moi de toi et de ton travail.
Joslyn Nerdahl : J'ai 34 ans, j'ai un merveilleux petit garçon de sept ans et je suis éducatrice sexuelle et coach de l'intime. Ou plutôt, je vais dire que je suis sexologue. En général, les gens me demandent : « Quoi ? Qu'est ce que c'est que ça ? Qu'est ce que ça veut dire ? » Et je leur réponds : « J'offre des services d'éducation sexuelle et j'utilise des techniques de réhabilitation pour les personnes handicapées. » Je compare souvent mon travail à des soins palliatifs. Ton travail est-il considéré comme de l'assistance médicale ?
En effet. Au Canada, il n'existe pas de classification pour ce que nous faisons. Donc nous utilisons le mot « assistanat », et c'est d'ailleurs le mot que je vais utiliser dans le cadre de cette interview. Mais en réalité, il n'existe aucun statut d'assistanat au Canada – pour l'instant, tout du moins. Nous sommes en train de nous battre pour créer ce statut en ce moment même. Aux États-Unis, la Surrogate Partner Therapy existe déjà, par exemple. Il n'existe pas de réglementation ou de certification, et il n'y a pas encore de formation pour les assistants au Canada. Comment t'es-tu retrouvé à faire ce métier ?
J'ai rencontré ma patronne, Trish, au moment où je me lançais dans une carrière de coach sexuel, et une amie m'a envoyé un article sur sa société en me disant : « eh, tu serais douée dans ce métier. » Un an plus tard, on parlait de la société de Trish dans le journal. J'ai donc décidé de la rencontrer, et ça a été un coup de foudre professionnel !

Comment expliquer ce métier à un conjoint ou un être cher, de manière à ce qu'il ou elle comprenne bien ?
C'est quelque chose qui diffère selon les personnes. En général, j'en parle assez librement, mais comme je le raconterais à quelqu'un que je viens de rencontrer dans la rue. J'aide les personnes handicapées à faire un avec leurs corps. Et je les aide à se développer sexuellement. Tout le monde a des besoins différents. J'ai la chance d'avoir un conjoint qui me soutient dans mon travail et qui est très fier de moi. Il est également ouvert d'esprit et très mature quant à la sexualité. En quoi l'assistanat sexuel est-il différent des autres travaux sexuels, comme les services d'escort par exemple ?
Mon travail entre dans le domaine de l'assistance médicale. Je ne devrais pas dire que les prostituées font leur métier uniquement pour l'argent, mais souvent, lorsque vous avez recours aux services d'une prostituée, elle ne va pas nécessairement vous aider à accomplir vos buts, à apprendre de nouvelles choses ou à explorer quelque chose. Elle veut se créer une clientèle régulière. Pour notre part, nous sommes soumis à des protocoles stricts. Comme l'implication émotionnelle peut devenir un problème, tout particulièrement lorsqu'on traite de l'intimité de cette manière, il y a une limite à ne passer dépasser lors des sessions. Et nous sommes censés faire un compte rendu en fin de session, pour aider les clients à comprendre ce qu'il vient de se passer et pour les aider à gérer tout lien émotionnel qui aurait pu apparaître. Et aussi pour s'assurer que chacun reste dans un espace sain. Notre métier est entièrement basé sur le client. Les clients identifient ce qu'ils ont envie d'explorer ou ce qu'ils ont envie d'apprendre ou d'essayer, et le coach joue le rôle de guide ou de conseiller. Ce service est utilisé majoritairement par des hommes. Avez-vous pensé à le rendre accessible aux femmes handicapées ?
Nous acceptons également les clientes, mais nous recevons beaucoup moins d'appels de femmes. C'est intéressant que tu poses cette question, car j'ai récemment fait une autre interview avec une doctorante de Toronto, et elle m'a demandé la même chose : à quelle fréquence recevez-vous des appels de femmes ? Je suis spécialisée dans les couples. Nous avons reçu des appels de couples qui souhaiteraient avoir l'intervention d'un conseiller, afin que celui-ci leur donne des idées pour pimenter un peu leur relation, ce genre de choses. Mais en effet, ça n'arrive pas très souvent. En quoi votre domaine se rapproche des autres formes de thérapie (psychologie ou kinésithérapie) ?
Un psychologue et un kinésithérapeute ne peuvent pas s'occuper de la sexualité de leurs clients sinon ils perdent leur droit d'exercer. C'est pour ça qu'ils doivent faire appel à des gens de l'extérieur, des gens comme nous. La psychologie est importante lorsqu'il s'agit de comprendre où se trouve un client dans son exploration sexuelle. L'aspect physique est évidemment l'un des plus importants. Ça fait partie du profil du poste : nous utilisons nos corps pour découvrir l'intimité. Et c'est ce qui est très thérapeutique. Comment fais-tu pour briser le tabou entre sexualité et handicap ?
J'essaye de briser le tabou autour du travail sexuel en général. Et le lien entre sexe et handicap joue un grand rôle là-dedans. Je suis fière du travail que je fais et je suis heureuse d'être associée à cela. L'assistanat sexuel doit-il être légalisé ou réglementé ?
Je ne pense pas que l'assistanat doit être légalisé, car ensuite il sera réglementé. Je pense que la dépénalisation est la bonne solution, car tant que ce qu'il se passe se fait entre deux adultes consentants, il n'y a rien d'illégal. Tous les travailleurs et travailleuses du sexe devraient pouvoir exercer leur métier légalement, car c'est le meilleur moyen d'assurer la protection de tout le monde. Comme ça, tout le monde est satisfait et, au final, ça permet d'avoir des gens plus heureux et plus en forme. Il y a un débat houleux en ce moment pour la dépénalisation du travail sexuel en général. Le lien entre sexe et handicap est l'argument le plus avancé. Si les gens peuvent comprendre à quel point il est important pour les personnes handicapées de pouvoir s'épanouir sexuellement en compagnie d'un professionnel, c'est un petit pas dans la bonne direction : peut-être qu'un jour ils comprendront aussi que les gens « valides » ont également des raisons légitimes de faire appel à des professionnels pour satisfaire leurs propres désirs sexuels. Peut-être qu'ils sont déprimés, peut-être qu'ils sont nerveux, peut-être qu'ils ont une phobie sociale. Merci beaucoup Joslyn !