Culture

On a retrouvé le type qui transforme des animaux morts en drones

En 2017, plus grand-chose ne nous étonne : on trouve des pommes vendues en sachet individuel aux caisses des supermarchés, Miss France a été élue Miss Univers, et la campagne présidentielle a été un vrai théâtre de guignol. Après tout ça, lorsqu’on m’a dit qu’un mec faisait voler un chat, un requin ou encore une autruche en les transformant en drones, je n’ai pas vraiment été surpris.

Bart Jansen est un artiste qui fait ce que personne d’autre n’aurait imaginé. Auteur de The Observers Book of Roadkill et de divers projets qui mettent en scène des animaux morts, ce père de famille a beaucoup fait parler de lui avec son cat-copter, un drone réalisé à l’aide son chat mort. Par l’intermédiaire de sa Copter Company, ce Hollandais a fabriqué un drone-requin, un drone-autruche, et prévoit des drones de plus en plus volumineux. Pour en savoir un peu plus sur sa folie, ses motivations et sa fascination pour les animaux morts, je lui ai posé quelques questions.

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VICE : Comment t’est venue l’idée de transformer ton chat en drone ?
Bart Jansen
: À l’époque, j’avais un gros problème de souris chez moi. Ça grouillait de partout, il y en avait plus de 400 dans la maison. Pour mettre fin à tout ça, j’ai acheté deux chats. J’en ai nommé un Orville – comme l’un des deux frères Wright, des piliers de l’aviation. Orville avait cinq ans et aimait beaucoup les oiseaux. Puis il est décédé, alors j’ai décidé de lui rendre hommage et d’en faire un monument.

Tu as déjà essayé d’effrayer les souris ou d’autres chats avec ton cat-copter ?
Pour les souris, j’ai essayé et ça ne marche pas. À vrai dire, j’ai fait ça pour le fun. En 2007, j’ai entrepris de collectionner des animaux morts au bord de la route pour un projet intitulé The Observers Book Of Roadkill. Pour moi, une fois morts, les animaux sont une espèce différente. Si on prend l’exemple du lapin, il y a le lapin, et le lapin plat. Pareil pour l’écureuil – une fois mort, il ne bouge plus, il pue, on peut l’approcher facilement, et il n’est plus aussi mignon. Je me suis dit que j’allais en faire un bouquin. J’ai donc commencé à collectionner les animaux morts, les chats, les poules, les écureuils…

C’est quoi ton problème avec les animaux morts ?
Je suis fasciné par la vie, par la biologie dans son ensemble. Je ne fais pas ça pour choquer les gens. Quand on est parti, on est parti. Je ne crois pas en la vie après la mort. Ce qui me restait de mon chat, c’était sa peau, alors je l’ai mise sur un drone.

D’ailleurs, ça te prend du temps de réaliser un drone ?
Je pourrais le faire en deux semaines, mais j’ai un travail, des enfants, une maison, donc il ne me reste pas énormément de temps. On va dire que je m’accorde un an par projet, en moyenne. Quand je gagnerai de l’argent avec tout ça, je m’y consacrerai pleinement.

Tu n’arrives pas à les vendre ?
Non, ils sont à vendre, mais personne n’en veut. C’est bizarre d’ailleurs, non ? Qui ne voudrait pas d’un chat mort qui vole ?

Tu les vends combien ?
Orville coûte 45 000 euros. Mais c’est parce qu’il est aujourd’hui connu mondialement. Sa renommée fait son prix.

Effectivement. Tes drones peuvent-ils servir à espionner les gens ?
Ce n’est pas mon but. Les drones peuvent être malsains. Moi, en les camouflant en animaux, j’essaye de les rendre moins hostiles, plus inoffensifs. Mes drones ne comportent pas de caméra, ils sont là pour agiter les gens et leur curiosité.

À quoi servent tes drones, au final ?
Je ne sais pas si on peut dire qu’ils ont « un rôle ». En tant qu’artiste, j’adore mettre énormément d’énergie et faire beaucoup d’efforts pour des choses qui n’ont, en fait, aucun but, et ne servent à rien. Le drone n’a pas un but défini mais a le mérite de fonctionner.

Tu sais, on essaye toujours de résoudre nos problèmes grâce à des machines. Au final, on se crée de nouveaux problèmes. Si on prend l’exemple de la voiture, c’est une invention géniale, qui a permis à beaucoup de gens de se déplacer. Mais ça a eu un impact négatif important, avec la pollution, les accidents, etc. Il y a quelque chose de très cynique et drôle dans tout ça. En fin de compte, l’humain cherche toujours à avancer, à créer et à inventer, mais il le fait toujours mal. Moi, je fais des inventions qui n’aident personne, mais qui ne font de mal à personne non plus.

Tu es un amoureux des animaux, mais tu utilises des corps comme œuvre d’art. N’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal là-dedans ?
Tout le monde veut la paix, mais tout le monde s’entre-tue pour l’avoir. On peut penser que les gens apprennent de l’histoire pour ne pas reproduire les mêmes erreurs, alors que non. Il y a donc un paradoxe, une sorte de blague cynique dans ce que je fais.

En fait, j’essaie de pousser les blagues jusqu’au bout. Imaginons que nous sommes dans un café et que je te dise : « Regarde, un chat volant. » Ça va être drôle, mais c’est tout. Moi, je vais plus loin, car je rends cette blague réelle. Il y a ce côté paradoxal de prendre un animal mort pour lui donner une nouvelle vie – ou plutôt de s’en servir pour faire vivre quelque chose d’autre. Je prends des animaux proches de l’être humain pour en faire des choses hostiles à l’homme, mais sans ce côté malsain. Les gens aiment ou n’aiment pas, mais souvent il n’y a pas d’entre-deux.

D’ailleurs, tu les trouves tous ces animaux ?
Je les ai trouvés, ou on me les a donnés. Le requin, c’est un aquarium qui me l’a donné. Il était mort et le biologiste de l’aquarium me l’a filé. L’autruche, je l’ai trouvée moi-même. Elle venait d’une ferme mais il faisait trop froid en Hollande pour qu’elle survive.

Tu n’as jamais été attaqué par des associations, qui trouvent que ce que tu fais est cruel ?
Non – pas directement en tout cas. Certaines personnes se plaignent, m’envoient des mails, mais je préfère ne pas répondre. Ce n’est pas vraiment cruel, car ils sont déjà morts.

Des gens t’ont-ils déjà demandé de taxidermiser le corps d’un proche décédé ?
Non, pas ça [Rires]. Malgré tout, on a eu des requêtes bizarres après une vidéo diffusée sur AJ+. Une femme m’a demandé de transformer son chien en hélicoptère, par exemple.

En parlant de ça : tu projettes de transformer une vache en hélicoptère. Pourquoi te diriges-tu vers des animaux de plus en plus gros ?
C’est indépendant de ma volonté, en fait. Là, l’objectif est simplement de construire un hélicoptère de nos propres mains. Ça fait longtemps qu’on essaye.

Mais pourquoi désires-tu voler dans une vache ?
On ne voulait pas forcément voler dans une vache, on voulait juste voler. On a donc essayé de designer un hélico. Le problème c’est qu’aujourd’hui tout le monde le fait. Sur Internet, tu trouves plein d’entreprises qui font des hélicos électriques qui peuvent transporter les gens. Souvent, ce sont des compagnies qui ont de l’argent, alors que nous, on n’a rien. On s’est donc demandé comment construire quelque chose qui se démarque, avec nos moyens. On s’est dit : pourquoi ne pas rester dans le domaine des animaux ? D’où le choix de la vache.

C’ est quoi tes prochains projets ?
Mon Das Boot est maintenant effectif. Pour rassurer les plus sceptiques, ne vous inquiétez pas, je n’ai utilisé que la peau du blaireau pour ce projet. Sinon, je suis occupé à faire des sonnettes-tétons. Tout le monde devrait en avoir une. Tout l’argent qu’on gagnera à travers ces petits projets sera réinvesti dans le projet de la vache-hélicoptère. Le taxidermiste nous a déjà trouvé une vache, en plus. Y a plus qu’à.

Merci beaucoup, Bart.